Il y a des cadeaux qui sont éternels

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Ces cadeaux qui demeurent

papa & g 10 Mon père mettant à l’essai la maquette de sa goélette. C’est un des plus bel héritage qu’il m’a laissé. Bien que d’une valeur inestimable, il en est un autre qui surpasse tout.

La période des fêtes est maintenant passée et c’est maintenant le temps de prendre son souffle. Quand j’étais enfant, cette période en était surtout une de cadeaux, bien modestes faut-il le dire. C’était aussi une période de réjouissance, de plaisir et de vacances. Malheureusement, avec le temps, ce temps de l’année est devenu un temps de souffrance, de souvenirs perdus et de dépenses inutiles. En vieillissant, nous réalisons que nous sommes des survivants. Nous devrions nous en réjouir et avec raison, mais la perte d’êtres chers, frères, sœurs, parents, rend le souvenir pénible. Il devient alors difficile d’enfiler une veste festive enduite de bonheur quand la douleur de la perte de ceux qu’on aimait et avec qui nous partagions ces heureux moments d’enfance sont tous partis pour un au-delà dont jamais personne n’est venu nous en raconter la réalité.

 Le jour de l’An

Je ne sais pourquoi, mais en ce dernier et récent jour de l’An 2016, le souvenir de mon père me fut d’une grande consolation. Sans cesse, son souvenir me venait en mémoire et à la fin du jour, j’ai cru en avoir compris la raison.

 Mon père était d’une époque considérée aujourd’hui comme lointaine. Au jour de l’An, les cadeaux se faisaient rares, mais les rencontres et la chaleur des échanges remplaçaient bien les Toys R Us d’aujourd’hui. Il y avait aussi la traditionnelle bénédiction paternelle où le père, en un moment unique, bénissait toute sa famille selon la formule qu’il trouvait la plus appropriée. Hélas, mon père n’était pas de cette tradition. Comme la plupart des hommes de son époque, il était de ceux qui ne doivent pas montrer trop d’affection, trop de familiarité envers ses enfants, trop de sensibilité aussi, le tout pouvant être considéré comme une faiblesse à cette époque là. Pleurer était aussi exclu. Il fallait montrer sa force et jouer le préfet de discipline plutôt que le père aimant, sensible et compréhensif.

 Le temps

Comme beaucoup de jeunes, je suis entré en conflit avec mon père au temps de l’adolescence. Il n’était pas parfait et moi non plus d’ailleurs. Nous nous sommes affrontés, confrontés, chicanés et par-dessus tout, malgré nos conflits, aimés et admirés, mais cela il ne fallait pas le montrer. Heureusement, le temps et les épreuves de la vie vous ramollissent le masque de la fanfaronnerie. Puis, un jour, les rôles s’inversent. La maladie s’est montrée le bout du nez et mon aide fut la bienvenue. Je me souviens alors de ces cartes de fête où j’aimais écrire moi-même les souhaits que je trouvais appropriés et quand il les lisait, il se retirait dans la salle de bain et se mouchait bruyamment. Je devinais alors qu’il s’en allait pleurer en catimini. Un homme, surtout un père, ça ne pleure pas devant ses enfants et encore moins, quand ils sont devenus grands. Malgré cela, le temps faisait son œuvre. Un jour de 3 septembre, jour de sa fête, je lui ai offert une traditionnelle carte anniversaire et pour une première fois, j’y ai écrit à l’intérieur ces simples mots : « Je t’aime papa ».

 Les yeux pleins d’eau, il m’a regardé droit dans les yeux et a tout simplement dit : « moi aussi », alors que des larmes coulaient sur ses joues. Puis je l’ai solidement serré dans mes bras et j’ai senti toute la chaleur de l’amour qu’il m’avait toujours porté. Gêné de nos gestes spontanés, gauches comme deux, il s’est assis sur sa berceuse et moi, j’ai pris la porte comme un vulgaire voleur pour m’en aller pleurer dans mon auto. Je savais que chacun de notre côté, nous avions probablement l’air de deux braillards, mais je savais aussi qu’un mur venait de s’écrouler. L’amour filial et l’amour paternel s’étaient ligués tous les deux pour percer ce blindage d’apparences et de retenues qui ne font que masquer des sentiments normaux et surtout, tout à fait naturels. Puis un autre jour de fête, un certain jour de l’An, je lui ai donné l’accolade coutumière et le bisou sur les joues, comme le font les Français, le tout suivi de quelques bonnes tapes dans le dos.

 Les années passent

Les années sont passées et mon père est devenu octogénaire. Il lui a fallu quitter la maison avec ma mère malade. Les dernières années de sa vie furent loin du bonheur. Toute sa vie, il avait travaillé afin de léguer à ses enfants l’économie d’une vie, soit la vente de sa maison. Malheureusement, ce sont les avocats qui ont hérité de ce geste puisqu’une poursuite civile vécue à l’âge de 80 ans aura fini par dilapider ce qui pour lui, était un geste de fierté. Mon frère unique était en Afrique et j’étais tout désigné pour être là, tout près d’eux, ma mère et lui. Leurs dernières années se sont passées dans la maladie et la tristesse, mais je savais au plus profond de moi-même, que nous étions, mon frère et moi, leur seule raison de vivre. Alors, quand je quittais leur loyer, presque quotidiennement lors d’une courte visite, j’avais toujours le plaisir de les serrer tous les deux dans mes bras et je sentais qu’ils se nourrissaient de ce simple geste affectif. Pour ma mère, cela était tout naturel, mais pour mon père, il s’agissait autant pour moi que pour lui, d’une victoire sur le silence de sentiments si essentiels à l’essence même de la vie.

 Ce dernier jour de l’An.

Il fut rempli de souvenirs. Mon père n’est plus, ma mère et mon frère non plus. Seul survivant de cette petite famille, ce fut l’image de mon père qui revint le plus souvent en ma mémoire tout au cours de cette journée. Pas de bénédiction paternelle traditionnelle et pas de grandes réunions de famille, mais à la fin de cette journée bien particulière, un vide était comblé. En mon cœur, je pouvais silencieusement leur dire « je vous aime » et j’avais l’impression qu’ils étaient là, tout près de moi. Il neigeait un peu dehors, mais aucun lac, aucune rivière n’étaient gelés. J’y voyais là un symbole et tout seul, dans le noir, j’ai en pensée serré mon père dans mes bras, je lui ai fait un bisou sur la joue et je lui ai silencieusement dit : « Je t’aime papa. » et où que tu sois, je sais que tu prends soin de maman et de mon frère tout comme tu l’as si bien fait sur terre.

 Oui, c’est bien vrai. Il y a des cadeaux qui ne peuvent être évalués, car leur valeur est sans limites… et c’est bien ainsi. Je vous souhaite à toutes et à tous d’en découvrir autant.

Georges Gaudet

 

 

 

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