La ville fantôme

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C’est décidé, je pars pour l’aventure, pour découvrir un autre monde, pour rencontrer d’autres gens et me mêler à leur vie.

Comme les chevaliers d’antan, j’enfourche mon destrier… enfin, je m’installe au volant de ma voiture et me voilà partie.

Je roule, j’enfile les kilomètres vers une destination inconnue pour moi, que je vais découvrir sous peu. Je traverse une petite ville, bien ordinaire, identique à toutes les villes que je connais. Ville de passageJe continue. Mon but n’est pas encore atteint. La nature autour de moi est luxuriante et je chante les chansons qui sortent des haut-parleurs. Je ne vois pas le temps passer et tout à coup je m’aperçois que le soleil décline à l’horizon. Il est temps que je m’arrête, que je sorte ma tente et m’installe pour la nuit. Dans la pénombre, je vois des silhouettes de maisons au loin. C’est un endroit calme et isolé. Je suis sûre que les résidents n’auront pas d’objection à ce que je m’installe aux abords de leur village.

Aucun son, aucune vibration de toute sorte ne viennent troubler mon sommeil. À croire que tous les habitants se sont couchés très tôt. Je n’ai aucun mal à m’endormir profondément et me laisser emporter dans des rêves de rencontres extraordinaires.

La chaleur du soleil me réveille à travers la toile de ma tente. Toujours aucun bruit. Je regarde ma montre; 9 h 30. C’est incroyable ce silence lourd et angoissant. Que se passe-t-il dans ce village? Il me semble bien avoir vu un certain nombre de maisons pas trop loin. Il doit bien y avoir des enfants. Et nous savons tous que les enfants se lèvent de bonne heure et ne s’empêchent aucunement de crier en jouant dehors, surtout en plein été.

Maisons alignées

 

Je passe la tête par l’ouverture de mon abri. Je scrute autour de moi. Personne. Aucune âme qui vive. Des maisons cossues, bien bâties, alignées le long du chemin, l’herbe tondue de près. Seuls quelques oiseaux témoignent par leur chant que la vie ne s’est pas arrêtée totalement.

Je pars à la découverte. Cela semble si irréel que j’ai l’impression d’avoir immergé dans une carte postale. Rien ne bouge. Les bâtisses d’un autre temps ayant résisté aux vents, à la pluie, à la neige, semblent indestructibles.

Tiens cela ressemble à une école. ÉcoleJe m’y aventure. J’vais raison. Les pupitres attendent les élèves disparus.Banc d'école

Je ferme les yeux en essayant de m’imaginer cette classe pleine de jeunes bambins curieux d’apprendre à lire, à écrire, de connaître leur histoire.

Leur histoire… Justement, que leur est-il arrivé?

Je visite certaines maisons. Vides. D’autres ont eu moins de chance. Elles ont perdu le combat contre les intempéries à l’extérieur comme à l’intérieur.

Maison détruiteRuine

Je continue mon exploration. Je me demande ce qui a pu entraîner tous ces gens à quitter ainsi ce lieu magnifique. Ce n’est pas le manque d’eau. J’entends une rivière couler et en levant les yeux, je vois très bien une cascade à gros débit.

RivièreCascade

Mais que s’est-il donc passé ici? Depuis combien de temps?

Je suis à la fois angoissée et intriguée. J’aimerais en savoir plus, mais je ne veux prendre aucun risque. Je démonte ma tente, range toutes mes affaires dans ma voiture et reprends le volant. Plus loin, dans la petite ville que j’ai traversée la veille, quelqu’un doit connaître l’histoire de cette ville fantôme.

Je reprends le chemin à l’envers sans précipitation. Hier, il faisait nuit et je n’ai rien vu de tout cela. Au bout du chemin, je vois une arche et une pancarte. En m’approchant, je peux lire :

« MERCI D’AVOIR VISITÉ LE SITE HISTORIQUE DE VAL-JALBERT.

AU PLAISIR DE VOUS REVOIR »

Je freine si brusquement que ma tête a failli frapper mon parebrise. Je fixe la pancarte et me trouve complètement ridicule.

Val-Jalbert, la ville fantôme. La ville abandonnée après la fermeture de la seule usine de pâte à papier qui faisait vivre toute la population.

Je n’ai pas visité une ville fantôme, mais un site historique et touristique témoignant de la vie de ses habitants de l’époque. Ce village était nommé à ce moment-là Ouiatchouan. Un certain Monsieur Jalbert y construisit son usine, alimentée par la chute d’eau, qui fonctionna de 1901 à 1927. À sa fermeture, tous les habitants partirent pour trouver un emploi ailleurs.Déménagement

Je me souviendrai longtemps de mon périple et de la chance que j’ai eue de vivre une nuit dans ce village historique, laissant mon imagination faire le reste. En y repensant, je n’ai aucun mal à voir les enfants courir, les femmes lavant leur linge à la rivière, les hommes partant travailler et toute cette population se retrouvant pour célébrer des mariages, des naissances ou honorer la mémoire des êtres chers disparus.

Ces gens, je ne les ai pas rencontrés, mais j’ai croisé leur âme dans les ruines, dans l’école, dans les maisons encore debout.

Val-Jalbert n’est pas une ville fantôme. On peut très bien ressentir la vie qui s’y est déroulée durant ces 26 années.

Bonne semaine à toutes et à tous.