Mario Cyr, Comme un poisson dans l’eau…

Articles similaires

mario_cyr_2Depuis bientôt 40 ans, Mario Cyr parcourt les mers du monde afin de nous révéler et de nous faire voir tous les trésors qui s’y trouvent. Natif de Grande-Entrée, dont il a été maire de 1993 à 1997, il se rappelle que dès le plus jeune âge, il passait ses étés à s’amuser sur la plage de la Bluff et dans ses eaux. Il allait sous l’eau même l’hiver, dans les lagunes. « J’étais presque en hypothermie après à peine une heure » se souvient-il. Aujourd’hui, il peut rester six ou sept heures dans ces mêmes eaux glacées. Il détient même le record de la plus profonde plongée sous glace, 72 mètres ou 236 pieds, conjointement avec le plongeur français Éric Levan, exploit réalisé au lac Témiscouata, au Québec, en mars 1997.

Aujourd’hui, ce fils aîné de Marie-Claire Pealey et d’Hénéri Cyr, natifs de Grande-Entrée, poursuit une carrière de maître plongeur caméraman hors du commun.

Dès la fin de ses études secondaires en 1977, à l’âge de 17 ans, Mario entreprend, au Cégep Ahuntsic à Montréal, des cours de plongée professionnelle qui s’échelonnent sur une période de 8 ans. En 1985, il devient moniteur de plongée et, à ce jour, il a contribué à former plus de 1000 élèves à l’activité de plongée de loisirs. Mais c’est en 1984 que cet homme féru d’aventure commence sa carrière de plongeur caméraman qui l’amènera à parcourir toutes les mers du monde afin de capter sur pellicule la flore et, surtout, la faune vivant sous les vagues. C’est à ce moment qu’il est venu en aide à une équipe de tournage de la Californie en visite aux Îles. « Leur caméraman était bon mais il gelait après dix minutes, alors ils m’ont engagé » se rappelle Mario. Ce fut le coup de foudre et le début d’une vie des plus palpitante à scruter les océans.

mario_cyr_3À ce jour, il a effectué plus de 12,000 plongées en mer, dont certaines dans des conditions très difficiles. Il a dû, à maintes reprises, faire face à des vents violents, charriant des vagues et des courants d’une force inouïe qui réduisaient la visibilité à presque nulle, sans compter la température glaciale des eaux. Il est également spécialisé en sauvetage et en cueillette de données scientifiques sur différentes espèces telles le homard, la moule, le pétoncle et la palourde.

Un globe-trotteur

Au fil des ans, Mario a participé à la réalisation de plus de 140 documentaires vidéos pour différentes chaînes de télévision et de cinéma en plus de prendre d’innombrables photos. Il faut voir les images époustouflantes de pieuvres géantes, d’épaulards, de bélugas, de baleines à bosses, de léopards de mer, jusqu’à celles des microscopiques krills pour mesurer toute l’ampleur des merveilles tapies sous les vagues. Il a été membre de l’équipe de tournage du documentaire animalier Ice Bear, réalisé par le National Geographic et primé aux Emmy Awards en  2014 ainsi que du film Océans, une production de Walt Disney ayant mérité un César, en France, en 2009. Puis, de septembre 2005 à novembre 2006, il était de l’équipage sur le Sedna IV, cette mission  partie en Antarctique pour y mesurer les effets des changements climatiques. Devenu le spécialiste au Québec, voire dans le monde, des tournages en eaux froides, il est allé plus de

mario_cyr_430 fois dans l’Arctique ainsi qu’en Alaska. Habituellement, il travaille en équipes de six personnes, parfois avec des gens de différentes langues et nationalités avec lesquels il doit apprendre à partager le quotidien dans des conditions de confort toutes relatives. Bon an mal an, Mario est approché pour participer à une vingtaine de projets de tournage dont six à huit, en moyenne, verront le jour. Mario fait partie de l’expédition qui cherche à retrouver l’épave de La Canadienne, une goélette armée du Dominion, au milieu du

19e siècle qui, à cette époque, faisait escale à Havre-Aubert. Ce bateau d’une construction exceptionnelle et très rapide se serait échoué dans la région des Îles Saint-Paul, en Nouvelle-Écosse, vers 1875.

Défis techniques

Il va sans dire que ce métier des plus exigeants, que Mario espère pratiquer jusqu’à 70 ans, fait appel à des capacités physiques et mentales hors du commun. Pouvant descendre jusqu’à 110 mètres de profondeur avec une caméra pesant jusqu’à 55 kilos, il doit donc se maintenir en parfaite forme physique. De plus, chaque année, il doit se soumettre à un examen médical spécial auprès de médecins spécialisés pour la plongée. Se retrouvant souvent seul face à des animaux de tailles imposantes- phoques, morses, requins, baleines bleues, ours blancs- qu’il filme à quelques mètres de distance, Mario s’en est quand même bien tiré, n’ayant subi qu’une attaque de «Mamie», un morse de plus d’une tonne qui lui a brisé la clavicule. Il affirme même que la grande majorité des espèces animales qu’il côtoie depuis si longtemps ne posent pas de risques pour sa sécurité, même les redoutables requins dont seulement cinq sortes seraient dangereuses pour l’humain, sur des centaines d’espèces différentes. De fait, le pire accident qu’il ait subi a plutôt résulté d’un bris technique. Pince sans rire, Mario raconte qu’il lui est même arrivé de jouer à cache-cache avec des phoques.

mario_cyr_5Des mers menacées

Il va sans dire que cet homme des plus respectueux de l’environnement maritime, véritable amoureux de la mer qu’il a appris à si bien connaître au fil des ans, se désole de la dégradation galopante des océans et de la vie qu’elles recèlent. Le réchauffement des océans, entraînant des changements dans l’écosystème, l’inquiète au plus haut point. Ainsi, il affirme que plusieurs espèces animales changent de lieux, migrent vers le nord, affectées par les eaux plus chaudes dans les mers du sud. «L’acidification de l’eau et la fonte des glaces de la calotte polaire n’augurent rien de bon  pour la vie dans les océans» dit-il. Aussi, l’existence répertoriée de «continent de plastiques» flottant à la surface des eaux le fait proprement rager.

Aujourd’hui, cet homme affable partage son travail entre la poursuite de ses expéditions de plongée à travers le monde, les cours de plongée, la participation à divers conseils d’administration d’organismes à but non lucratif et son restaurant familial Bistrot plongée Alpha, situé à Grande-Entrée, où il organise, pendant l’été, des soupers-conférences fort courus. Et vogue le navire…

Par :  GÉRALDINE ALLADIO
© Magazine LES ÎLES