Première année à la polyvalente des Îles

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L’école polyvalente des Îles de la Madeleine (EPIM) – 1966/1967 (1/3)

OLYMPUS DIGITAL CAMERALes années de tous les espoirs

Tant de pensées se bousculent en mon cerveau, un peu comme les pièces d’un casse-tête dont chaque petit morceau crée une myriade de moments demeurés présents au fond de la mémoire.

La «Révolution tranquille» était bien amorcée et les Îles avaient enfin leur unique et grande école polyvalente. Nous arrivions de partout, de la petite école de canton en passant par la grande école de paroisse, du collège St-Pierre et aussi de quelques horizons lointains. Issus de divers milieux, souvent ignorés les uns des autres alors qu’il ne suffisait de traverser une lagune pour s’y retrouver, nous n’avions qu’une réaction en entrant dans cette immense école pouvant accueillir plus de 1200 élèves et c’était; comment s’y retrouver? Personnellement, mon parcours était plutôt éclectique. Après une huitième année à l’école Notre-Dame de l’Assomption de Havre-Aubert, deux années et demie en cours classique au collège de Bathurst au Nouveau-Brunswick «non reconnues par le nouveau système du ministère québécois» et une dixième année «forcée» au Collège St-Pierre de La Vernière, j’étais sans doute un des plus vieux élèves de cette école. Ayant vu mon meilleur ami Hubert Arseneau devenir président des étudiants du collège St-Pierre une année auparavant, l’idée m’est venue d’en faire autant dans cette nouvelle polyvalente. Et c’est ainsi qu’à l’âge de 17 ans, je fus élu le premier président des étudiants de la polyvalente des Îles en cet automne 1966.

Les défis

À l’âge où les hormones sortent par les oreilles, mon premier objectif qui fut le combat de toute l’année fut de briser l’isolement entre l’aile B (les filles) et l’aile D (les gars), le tout bien séparé par une grille de prison et fermée avec une chaîne et un cadenas. Sœur Rose-Délima Gaudet veillait au grain. Malgré tout, grâce à la complicité de certains professeurs que je ne nommerai pas ici, nous avons réussi à briser occasionnellement cet isolement. L’organisation de compétitions sportives où les grands panneaux du gymnase séparant les gars des filles étaient ouverts, de même que l’organisation d’un grand carnaval d’hiver et quelques danses du vendredi soir dans le gymnase, prirent une bonne partie de mon temps en classe. Heureusement, j’ai eu des professeurs très conciliants à propos de mes absences et bien sûr, nous pouvions rattraper le «temps perdu» au cours de la fin de semaine.  Il ne faut pas oublier que c’était l’époque de la danse «Chez Yvon», de la danse à Fatima et de la danse «Chez Jérôme». C’était aussi l’époque des Beatles, des Rolling Stones, des Classels, des Sultans et pour les romantiques, les Claude Léveillé, Gilbert Bécaud, Christophe et le plaisir suprême, Adamo et sa chanson «Inch Allah» qui durait 4 minutes et 23 secondes. C’était le bonheur pour un «slow», mais ne vous en faites pas, Soeur Rose Délima Gaudet (très lointaine parente avec moi), veillait toujours au grain quand il y avait danse dans le gymnase de la polyvalente. Et au diable le massacre du plancher pour le volleyball.  D’ailleurs, ça bouillait d’initiatives dans cette école. Théâtre, musique, bibliothèque neuve, gymnastique, hockey et ballon-balais sur la patinoire extérieure, volleyball et basketball en salle en plus des études régulières et l’événement EXPO-67 qui arrivait à grands pas. Tout ça aura ainsi constitué le canevas de cette première année fantastique.

Les professeurs 

J’ai toujours été convaincu qu’un élève qui a eu de bons parents et au moins un professeur qui lui a servi de modèle est somme toute bien équipé pour un premier départ dans sa vie d’adulte. À la polyvalente des Îles, nous fûmes gâtés. Des «flashs» me viennent occasionnellement en mémoire encore aujourd’hui et ils sont toujours en hommage à ces personnes professionnelles qui ont laissé sur le parcours de ma vie, des petits cailloux comme ceux du petit Poucet. En les suivant, je trouve invariablement ma route. Comment oublier le directeur, le frère Buist? Homme sage et tempéré qui me prodiguait régulièrement conseils et soutien dans mes responsabilités à la présidence des étudiants. Comment oublier le directeur adjoint, le Père Julien Bonneau? Chaque fois qu’il me voyait sortir du bureau de Buist les poings serrés, il me sifflait presque à l’oreille comment m’y prendre pour obtenir ce que je voulais pour les étudiants. Comment oublier mon prof de physique, le frère Asselin? Véritable génie de la physique et capable de l’expliquer avec patience et logique en plus d’être un redoutable joueur de hockey qui aurait pu faire les ligues majeures. Bel homme, toutes les filles de l’école l’auraient marié. Comment oublier mon prof d’éducation physique, Gilbert St-Laurent? Avec lui, nous avons appris nos limites physiques, mais surtout que nous en étions bien loin. En fin d’année, le tout s’est terminé par une superbe démonstration de gymnastique devant nos parents dans le gymnase de l’école. Je sais, je vais en oublier et pas des moins bons. Je m’en excuse. Je transcris ici des bribes de mémoire et après 50 ans, le ruban est parfois rayé en certains endroits. Comment oublier Augustin Leblanc, mon prof de géométrie? Sa rigueur, sa maîtrise de la matière et sa façon unique de l’expliquer savaient nous faire passer pour de brillants élèves alors que nous étions probablement «moyens». Et la palme de mes souvenirs revient au frère Hugues Arseneau, communément appelé «Frère Guy». Nous étions «son» groupe. Vingt-deux gars, pas toujours faciles à discipliner, trop souvent convaincus que nos bêtises avaient du sens et bien plus intéressés par les filles que «d’apprendre à vivre» comme il nous le disait souvent. Frère Guy fut pour nous, les 22, notre prof de français, d’histoire (lors d’un temps de remplacement temporaire), notre prof d’algèbre et notre prof de chimie. Frère Guy avait sa façon unique d’enseigner. Nous étions «son» équipe de gars et il s’était mis en tête de faire de nous les meilleurs de toute l’école, gars et filles confondus. Quand il se choquait après nous, parfois un livre volait au-dessus de nos têtes et je n’oublierai jamais cette citation qui était sienne : « Vous raisonnez… r… et… ré». Aujourd’hui, un prof comme ça serait bien contesté, mais nous on l’aimait et c’est ainsi qu’avec lui, nous avons réalisé quelque chose qui fera l’objet de ma prochaine chronique, car celle-ci serait trop longue. Frère Guy procédait par démonstration du tableau des éléments en chimie. Ainsi, nous avons appris que le potassium mêlé à l’eau pouvait faire une méchante explosion…etc. En français, il était intraitable et n’avait pas peur de jeter par la figure un texte à un élève en lui disant : «recommence-moi ça, je n’ai rien compris». Il était comme ça le frère Guy et nous l’adorions. «Bon! vous êtes tannés» qu’il disait. Alors, il mettait ses pieds sur son bureau, se calait dans sa chaise tout en disant :«Ok, pour les dix prochaines minutes, on va se parler des vraies affaires. Vous allez être moins niaiseux». C’était nos moments préférés. Des profs comme ça, il ne s’en fait plus aujourd’hui, du moins je n’en connais pas. D’ailleurs, auraient-ils le droit d’exister? Et c’est ainsi que j’ai eu l’idée d’un journal d’école (La Misaine). Jean-Louis Lapierre qui fut mon opposant lors de l’élection en début d’année, fut nommé le journaliste officiel et il a rempli son rôle à la perfection, même qu’il en prit le style de l’époque. Je le vois encore parcourir les corridors de l’aile D et aussi ce qui lui plaisait bien, l’aile B (les filles) alors muni d’une passe spéciale tout en portant un sac en cuir et le crayon sur l’oreille. Il ne lui manquait que le chapeau à la Clark Gable, la carte de presse dans le ruban du chapeau et la cigarette au bec. Ainsi, le portrait aurait été parfait. Sacré Jean-Louis, tu as toujours eu mon admiration.

Et puis, ce fut la fin de l’année. J’ai eu le privilège de prononcer le discours d’adieu et bien sûr ces mots essentiels : «Ce n’est pas une fin, mais un commencement». Certains d’entre nous ont pleuré cette journée-là. Les uns partaient pour l’université au Nouveau-Brunswick, bon nombre des filles partaient pour le collège Mérici à Québec, un de mes amis s’en allait à l’école de police de la Sureté du Québec, toute l’école était allée à l’EXPO-67 pendant 2 jours et nous, les 22 du frère Guy allions y aller, mais à notre façon. Quant à moi, je venais d’être accepté au C.P.E.S. (Cours préparatoire aux études supérieures) chez les frères des écoles chrétiennes à l’école Joseph-François Perreault de Québec. Le cours fut aboli et remplacé l’année suivante par les Cegeps, mais enfin, ça c’est une autre histoire.

La semaine prochaine : Comment 22 gars et leur prof se sont payé un voyage à l’EXPO-67.

Georges Gaudet

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