Quand les goélettes signifiaient l’arrivée du printemps

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Comme les oies blanches qui envahissent chaque année les champs humides des cultivateurs, elles arrivaient toutes voiles dehors dans tous les havres des Îles. Chaque printemps depuis la fin du 18e siècle et ce, jusqu’au milieu du 20e, ces navires particuliers jetaient l’ancre dans les anses et abris naturels de l’archipel, la plupart du temps au grand plaisir des pêcheurs et des commerçants de la place. Difficile aujourd’hui d’imaginer pareil spectacle alors qu’une centaine de ces gracieux voiliers envahissaient tout le littoral Madelinot afin d’y pêcher le hareng, la morue et le maquereau tout au long de la nouvelle saison de pêche. Pour les locaux, il s’agissait certainement d’une manne printanière souvent très attendue. Bien qu’équipés pour une pêche autonome, les armateurs tout comme les capitaines avaient quand même grand besoin d’appât (de boëtte), de cordages, de chaînes, de nourriture variée, de légumes et autres nécessités. Qui dit navire dit aussi capacité de réparation et équipement renouvelé à cause de l’usure du temps alors que les pêcheurs côtiers, au moyen de la trappe à hareng, pouvaient vendre le produit de leurs prises aux plus offrants. Chaque printemps était alors le signe d’un réveil économique renouvelé. Il ne faut pas oublier que ces navires qu’on disait extrêmement maniables pour l’époque, nécessitaient quand même une vingtaine d’hommes d’équipage en y incluant les pêcheurs embarqués sous contrats. Il s’agissait donc pour la population des Îles d’un débarquement d’environ 2000 hommes sur nos côtes alors que la totalité de la population locale pouvait varier entre 4000 et 6000 âmes.

D’où venaient-elles?  

La question est légitime puisque du temps de la conquête anglaise et sous les régimes de Griddley et Coffin, la marine anglaise était omniprésente un peu partout dans les eaux du fleuve et du golfe Saint-Laurent. Il est clair qu’au début du 18e siècle, la goélette traditionnelle n’existait pas même si peu à peu se dessinait ce que l’on en connaît aujourd’hui.

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Petite barque à misaines, véritable précurseur de la goélette traditionnelle.

Cette époque était plutôt le temps de la barque de pêche, un navire à misaines dont les Acadiens firent grand usage tant pour combattre les Anglais que pour commercer, pêcher et se sauver de l’envahisseur quand il le fallait. Le roman historique de l’historien Maxime Arseneau (Théotiste Bourgeois – Les enfants du Roy) fait d’ailleurs grand état de cet épisode de la survivance acadienne de cette époque. Alors d’où sont venues ces goélettes? Pour cela, il faut se référer à la guerre d’indépendance américaine et le traité de Versailles de 1783. Les Américains ayant eu le droit de pêcher dans les eaux Canadiennes en vertu de ce traité, ils mirent vite à profit cette opportunité au grand déplaisir des Anglais, mais souvent pour la grande satisfaction des Acadiens, demeurés ou revenus dans le giron des maritimes. D’ailleurs, Isaac Coffin n’a jamais été heureux de ce droit légal puisqu’il en est arrivé à créer sa propre monnaie (la token) ayant cours seulement aux Îles de la Madeleine et sur ce qui est aujourd’hui l’Île-du-Prince-Édouard. Son but était de contrecarrer ce qu’il interprétait comme de la contrebande transfrontalière. L’accord de libre-échange entre le Canada et les É.-U. n’existait pas et n’était même pas envisageable en ce 18e siècle. C’est ainsi que s’établit un jeu du chat et la souris entre les diverses puissances et les populations locales afin de tirer profit d’un apport économique essentiel à la survie des petites communautés côtières. Essentiellement, ces goélettes américaines venaient de Gloucester dans le Massachusetts, capitale de la pêche dans cet état et de toute la côte Est des É.-U. en plus de sa proximité avec la ville et le port de Boston.

Source : Magazine LES ÎLES