Mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent

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Par Donald Longuépée
Extrait 8 de 10


Denise à Redger et Jean à Raymond

Mon héroïne et mon héros bien à moi, ce sont aussi Denise Leblanc-Bantey à Redger et Jean à Raymond Lapierre. Deux ambassadeurs émérites de mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent.

Comme aimait à le répéter Jean Garon, à propos de Denise à Redger, « lorsqu’elle parlait des Îles, elle en mettait tellement, qu’on se disait : New-York c’est quoi !!! ». Denise avait bien raison. New-York, c’est quoi en comparaison des Îles de la Madeleine !!! On est chauvin ou on ne l’est pas. Je ne lui ai jamais entendu dire, mais on m’a raconté que Denise à Redger disait affectueusement des Madeleiniennes et des Madelinots qu’ils étaient comme des pissenlits. On en retrouve sur toutes les pelouses du Québec – disait-elle – ils sont très distinctifs et bien difficiles à déraciner. Personnellement, j’aurais préféré l’analogie avec la marguerite, mais pour le reste, et encore une fois, Denise à Redger avait bien raison.

Denise à Redger fut députée sous le gouvernement de René Lévesque de 1976 à 1985. Elle fut ministre de la Fonction publique et ministre déléguée à la Condition féminine. C’est un euphémisme de dire que Denise à Redger a fait pour les Îles ce que René Lévesque a fait pour le Québec. Denise a été la personnalité politique la plus marquante, toutes périodes confondues et de très loin, de mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent. Je le confirme sans la moindre hésitation. Les réalisations de Denise Leblanc-Bantey devront un jour faire l’objet d’un livre complet et bien documenté. Je ne fais ici qu’énumérer trop brièvement quelques-unes de ses réalisations qui ont changé pour le mieux et à tout jamais notre archipel: la radio communautaire des Îles, soit la station CFIM, la mine de sel, les offices municipaux d’habitation du Québec partout aux Îles, le campus d’études collégiales, la piscine régionale, le Centre de travail et de transition pour les personnes ayant un handicap, la Maison des femmes, la Maison à Damas pour les hommes en difficulté, la création avec ses collègues de l’Assemblée nationale de Madelipêche suivant la cessation des activités de Pêcheurs-Unis et la création de Québecair qui a desservi les Îles et les autres régions éloignées du Québec pendant plusieurs années… Mais la plus grande de toutes les réalisations de Denise à Redger, c’est qu’elle a redonné à notre population une dignité, une fierté et le droit de se faire entendre. En d’autres temps, il fallait voter « du bon bord » pour avoir droit au chapitre. Ayant travaillé comme attaché politique, du 27 septembre 1981 jusqu’au 6 août 1983, au sein de son cabinet ministériel alors qu’elle était ministre de la Fonction publique à Québec, j’ai été un témoin privilégié de son travail acharné, de son « humanitude » et de son Amour envers les Îles de la Madeleine. J’avais beau arriver très tôt au travail ou finir très tard, Denise à Redger était la plupart du temps déjà au poste ou quittait après tout le monde pour finaliser des dossiers.

Sur un plan plus personnel, j’ai connu Denise à Redger lors de ma quatrième année secondaire alors qu’elle m’enseignait le français à la Polyvalente des Îles. C’est durant cette année scolaire, à l’automne 1972, que j’ai perdu ma mère. Denise fut une enseignante remarquable, mais elle fut aussi pour moi une accompagnatrice sensible et empathique durant les dernières semaines de vie de ma mère, me réconfortant de sa présence jusqu’au cimetière, et déposant une poignée de terre sur le cercueil de ma mère Clémé. J’en garde un souvenir impérissable. Merci Denise pour ton dévouement, tes convictions, ta droiture et ton enseignement. Denise à Redger, tu seras à tout jamais mon héroïne de mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent.

Mon héros de mer, de sable, de brume et de vent est aussi Jean à Raymond Lapierre, qui fut longtemps député et ministre fédéral ainsi que commentateur politique à la télévision et à la radio. Vous savez, le Jean à Raymond qui proclamait à tous vents que le homard des Îles était le meilleur homard au monde. Et là, autant à la radio qu’à la télévision que lors d’un repas entre amis, il entrait dans de savantes explications jusqu’à ce qu’il réalise que les gens ne l’écoutaient plus. Son public ne retenait pas ses propos, mais sa façon bien à lui d’exprimer sa fierté d’être Madelinot et son amour incommensurable des Îles. Jean à Raymond avait raison, il n’y a pas de meilleur homard que celui des Îles de la Madeleine. Jean à Raymond et moi-même sommes nés le même jour, le 7 mai 1956. Nos mères partageaient une chambre commune. Sa mère, Lucie à Charlie à William « La Light » Cormier donnait, à 22 ans, naissance à son premier enfant de cinq; ma mère Clémé à Jean Noël, âgée de 44 ans, donnait naissance à son treizième et dernier enfant. Quand Jean à Raymond disait que nous avions le même âge, je prenais un malin plaisir à lui préciser que j’étais son cadet : lui était né vers 1 h 00 du matin et moi deux heures plus tard… Et, lorsqu’il disait que nos mères auraient pu nous mélanger dans la pouponnière, j’aimais lui dire qu’il n’avait pas à s’inquiéter, qu’il n’était pas un Longuépée. On riait de bon cœur. On aimait se taquiner lorsque nous en avions l’occasion. Jean à Raymond a été l’un des plus ardents défenseurs et fiers ambassadeurs des Îles. Tous les deux, Jean à Raymond et Denise à Redger, vous nous avez quittés trop tôt, mais vos visages sont sculptés pour toujours dans mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent…

À bétôt

Donald à Donat à Clémé


1 Ce texte, avec quelques modifications, fut publié, pour la première fois, dans un ouvrage collectif, aux Éditions Création Bell’Arte, 2016, ISBN : 978-2-923033-66-2.


Donald Longuépée est né aux Îles de la Madeleine. Il a étudié en littérature à l’Université Laval et en administration à l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal. Il est actuellement conseiller aux dossiers métropolitains à la direction générale de la Ville de Repentigny, et ce depuis 2006. En dehors de ses champs d’intérêt et d’expertise liés à son travail, la littérature, la spiritualité, l’histoire, la philosophie, les sciences, la psychologie et tout spécialement l’âme humaine exercent chez lui un attrait particulier.

 

Photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)/ Archives