Fuite d’un pipeline aux îles de la Madeleine : «Un signal d’alarme»

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Après deux mois, Hydro-Québec ne sait toujours pas quand les 100 000 litres de mazout seront récupérés

Deux mois après le déversement de mazout provoqué par une fuite dans un pipeline d’Hydro-Québec aux îles de la Madeleine, on ne sait toujours pas quand le nettoyage sera terminé. Mais surtout, cet incident doit servir d’avertissement sur les conséquences qu’aurait toute catastrophe pétrolière dans le golfe, affirme le maire de la municipalité, Jonathan Lapierre.

Le 11 septembre dernier, un pipeline servant à alimenter la centrale thermique des Îles a laissé fuir plus de 100 000 litres de mazout dans le secteur du port de Cap-aux-Meules. Ce déversement a contaminé le sol, mais aussi une partie du port de pêche.

Deux mois plus tard, l’heure est toujours aux travaux de décontamination, fait valoir Hydro-Québec. Selon les données fournies par la société d’État, quelque 33 000 litres de liquides chargés d’hydrocarbures auraient jusqu’ici été récupérés. « À cela s’ajoutent la terre contaminée et les matériaux absorbants, mais nous ne pouvons confirmer leurs concentrations exactes d’hydrocarbures », indique la porte-parole, Marie-Élaine Truchon.La Société d’État n’a toutefois pas précisé quand les travaux seraient terminés. « Nous avons déposé un plan de confinement et de récupération du produit déversé aux ministères, nous répondons à leurs questions en continu », précise néanmoins Mme Truchon. Hydro-Québec évalue en même temps une technique de récupération du mazout.

Signal d’alarme

Le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, n’adresse aucun reproche à Hydro-Québec pour la gestion du dossier. Mais il lance un message d’urgence aux gouvernements du Québec et du Canada.

« C’est un signal d’alarme à prendre très au sérieux, lance-t-il en entrevue au Devoir. Ce que nous avons connu, ce n’est qu’un échantillon de ce qui pourrait survenir en cas de déversement pétrolier important dans le golfe. Et les Îles sont en plein coeur du golfe. Nous sommes directement exposés s’il y a un incident avec un navire ou alors une plateforme de forage. »

À l’heure de la hausse de la navigation de pétroliers sur le Saint-Laurent et alors que l’exploration pétrolière dans le golfe semble sur le point de reprendre, il lui semble plus important que jamais de doter l’archipel d’un plan d’urgence. « Il nous faudrait des moyens pour intervenir en cas de déversement en mer, car pour le moment, nous n’avons aucune capacité d’intervention. Mais pour nous, ce serait important de pouvoir agir rapidement. Il ne faut pas oublier que notre économie dépend directement de la pêche et du tourisme. »

Actuellement, le Canada et les provinces situées autour du golfe du Saint-Laurent seraient en fait totalement incapables de faire face à un déversement important, selon ce qui se dégage de l’évaluation environnementale stratégique (EES) menée par Genivar au nom du gouvernement du Québec. « La capacité d’intervention en cas de déversement accidentel en mer est actuellement déficiente pour répondre à d’éventuels accidents majeurs, même ceux qui pourraient impliquer le transport maritime existant », souligne notamment le rapport rendu public en septembre 2013.

Pour M. Lapierre, il importe donc de se pencher rapidement sur ce problème. « Le gouvernement doit entendre raison. Il s’agit de l’avenir du golfe, qui est un milieu très précieux. Mais le gouvernement fédéral permet le passage de super pétroliers sans se soucier de l’environnement des communautés riveraines. » À titre d’exemple, si le projet de port pétrolier de Cacouna voit le jour, ce sont plus de 175 pétroliers qui pourraient s’ajouter au trafic actuel. Avec ceux qui doivent s’amarrer à Sorel-Tracy, le nombre passera à 200 navires chargés de brut, et ce, annuellement.

Bouées révélatrices

Par ailleurs, un déversement qui surviendrait à la suite de forages menés sur la structure géologique sous-marine d’Old Harry, à 80 km à l’est des Îles, pourrait frapper rapidement l’archipel. C’est ce qui se dégage clairement des résultats de travaux coordonnés par l’océanographe Dany Dumont, de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski.

Trois bouées dérivantes mises à l’eau le 22 octobre dernier dans ce secteur convoité par la pétrolière Corridor Resources ont en effet atteint les Îles en seulement 12 jours. Selon M. Dumont, cela ne veut pas dire que tout déversement dans le secteur d’Old Harry risquerait de souiller les Îles. Mais le risque est bien réel, souligne-t-il. Et surtout, les trajectoires suivies par les bouées mises à l’eau montrent qu’il existe de grandes « incertitudes » et plusieurs éléments inconnus sur les courants marins qui agissent dans le golfe. D’autres travaux devraient d’ailleurs suivre, précise M. Dumont.

L’EES menée sur le golfe avait elle aussi permis de conclure à un manque flagrant de données sur les courants. Dans ces circonstances, toutes les zones côtières bordant le golfe risqueraient de subir les impacts d’une marée noire. Et si celle-ci survenait en période hivernale, le couvert de glace empêcherait pour ainsi dire toute intervention de décontamination d’une telle catastrophe.

http://www.mern.gouv.qc.ca/publications/energie/exploration/Permis_gaspesie.pdf

LA UNE : Photo: Danielle Langlois À l’heure de la hausse de la navigation de pétroliers sur le Saint-Laurent, il semble plus important que jamais de doter l’archipel d’un plan d’urgence.