Sedna IV : Le chant des sirènes

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Tiré du journal de bord de Jean Lemire

 

Au large, quand le temps s’apaise et que les éléments se conjuguent pour permettre de rejoindre une certaine paix intérieure, l’horizon s’offre alors en autoroute de pensées vagabondes qui filent jusqu’à franchir les frontières du réel. Je dois l’avouer, durant ces années de bourlingage maritime, il m’est souvent arrivé de rêver aux sirènes. Et je ne suis pas le seul! Même Christophe Colomb en parle lors de son passage dans la mer des Caraïbes : « Dans une baie du littoral d’Hispaniola, j’ai observé trois sirènes qui étaient loin d‘être aussi belles que celles du vieil Horace. » On dit que tous les goûts sont dans la nature…On n’a qu’à regarder le tableau de René Magritte – Le chant des sirènes – pour comprendre la force d’un regard sur l’horizon d’une mer sans fin.J’en rêvais tellement que j’ai organisé une petite mission pour les rencontrer, les toucher, les caresser… Nous sommes donc partis, Yanick, Richard, Mariano et moi, à la recherche de ces légendaires sirènes qui provoquent, chez certains marins, fantasmes et, faut-il l’avouer, possible dérapage de l’esprit. Pas pour nous, bien sûr! Après tout, nous voyageons avec le « psy », Mariano, en guise de sécurité psychologique. Ne s’aventure pas qui veut dans ce monde de mythes et légendes sans les précautions d’usage. Car nombreuses sont les légendes qui racontent la folie des marins, jadis, quand la solitude s’emploie à vous inventer une présence bien audible, sous les flots, sortes de lamentations profondes. Le chant des sirènes a rendu fous bien des marins…Nous avons donc temporairement abandonné le Sedna IV, qui fait maintenant route vers les Bahamas, pour nous lancer à la poursuite de ses mythiques créatures. La discrétion est normalement de mise quand on se transforme en chercheur de sirènes, de peur de provoquer moqueries et railleries, mais je ne saurais cacher davantage mon amour inconditionnel pour ces déesses qui méritent d’être connues davantage. N’écoutant que notre courage et désireux d’assouvir notre soif de connaissances, c’est sans crainte, mais avec certains frissons, que nous avons mis le cap vers le Belize, lieu connu des scientifiques qui s’intéressent eux aussi à ladite créature mythologique.Nous n’avons pas été déçus! En quatre jours de recherche dans les lagons du Sud, nous avons réussi à en capturer neuf! J’ai enfin pu les toucher, caresser leur peau plutôt rugueuse et poilue…Je n’ai pas entendu le chant des sirènes, mais j’ai pu en apprendre davantage en quatre jours que toute une vie à fantasmer sur la chose. Grâce à la complicité de nos amis scientifiques et vétérinaires, nous avons pu filmer et documenter la vie de nos dernières sirènes, que la modernité des mots a transformée en simples « lamantins ». La science n’a peut-être pas toutes les réponses, et elle n’est guère poétique dans sa façon de nommer les créatures. Mais l’amour de ceux et celles qui dédient leur vie pour ces animaux en danger de disparition est bel et bien réel. Ils ne perdent peut-être plus la tête, comme jadis au temps des marins forts en imagination, mais il est beau de voir la passion de ces scientifiques pour sauver une espèce qui souffre, encore une fois, de sa cohabitation avec l’humanité.Le 18 avril dernier, le Sedna IV levait l’ancre pour un long voyage de 1000 jours afin de témoigner de la beauté de la nature et de vérifier l’état de la biodiversité sur la planète. Pour en Savoir plus : 1000 jours pour la planète