Sedna IV : Ouvrir grands les yeux

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Par Jean LemireSur les flots d’une mer azur, nous avons navigué en compagnie du grand voilier SSV Corwith Cramer, une magnifique brigantine, un voilier-école spécialisé en recherche océanographique. Tout semblait parfait. Les vents, plutôt calmes malgré les prévisions, ont attendu que nous finissions notre tournage pour s’exprimer un peu. Tout était harmonieux. Le décor, les oiseaux marins, les étudiants sur le pont qui travaillaient en équipe pour hisser chacune des voiles, bref, le parfait paysage. Tout semblait impeccable, jusqu’à ce que nous descendions les filets…Depuis plus de vingt ans, le Corwith Cramer entraine ces étudiants à prendre des relevés océanographiques dans l’Atlantique. C’est un peu par erreur qu’ils ont été les premiers à prouver l’existence de ce que l’on appelle à tort le « continent » de plastique. Les équipages de l’époque ne cherchaient pas de plastique dans les océans. Ils voulaient surtout prélever du plancton. Puis, dans les filets, les chercheurs se sont mis à observer des petites particules de plastique. Avec la rigueur qu’on leur connaît, ils ont documenté et compté chaque fragment, depuis plus de 20 ans !Nous avons refait l’exercice avec eux, sous l’oeil de notre caméra. En apparence, rien ne laissait présager une quelconque récolte. En cet après-midi de juin, les flots étaient céruléens, plutôt calmes, et rien ne semblait flotter en surface. Mais où est donc ce fameux « continent » de plastique ? Nous avons utilisé le même type de filet à plancton, plutôt petit, que nous avons laissé filé près de la surface. Après moins d’une heure, nousavons relevé le filet. Pour tout vous dire, à première vue, rien d’extraordinaire. Il y avait bien quelques petits morceaux de plastique ça et là, mais rien en comparaison aux descriptions souvent faites par les médias. Puis, nous avons scruté à la loupe le contenu de notre filet. Elles étaient bien là, minuscules petites particules que le temps, les vagues et l’exposition prolongée au soleil avaient transformées. Des particules d‘à peine quelques millimètres de longueur. Et elles étaient nombreuses, au moins une cinquantaine, fragmentées, morcelées, déchiquetées. Nous étions bel et bien au coeur de cette zone qui ressemble davantage à une soupe qu’à un continent…Et c’est bien là tout le problème. Comment voulez-vous retirer ces milliards de particules à peine visibles à l’oeil nu ? On ne peut passer l’océan à travers un immense tamis, qui tuerait de toute façon toutes les autres formes de vie planctoniques. Et il en est ainsi pendant des milles et des milles. À vrai dire, les relevés des vingt dernières années n’ont pas encore réussi à trouver la limite Est de cette bouillie de particules. « À certains endroits, les concentrations peuvent atteindre jusqu’à 200 000 particules par kilomètre carré », me lance Erik Zettler, un des professeurs associés au Sea Education Association.Sur les flots d’une mer d’azur, nous avons navigué sans nous douter que sous la coque de notre voilier se dissimulait une preuve irréfutable de notre insouciance. Mais encore faut-il ouvrir grands les yeux. Car bien des problèmes environnementaux peuvent facilement se dissimuler, surtout du regard de ceux et celles qui ne veulent ni voir, ni entendre…Le 18 avril dernier, le Sedna IV levait l’ancre pour un long voyage de 1000 jours afin de témoigner de la beauté de la nature et de vérifier l’état de la biodiversité sur la planète.

 

Pour en Savoir plus : 1000 jours pour la planète