Pétrole dans le golfe du St-Laurent : le Québec est-il prêt?

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Les impacts environnementaux de l’exploration et l’exploitation du pétrole en milieu marin sont encore mal connus, conclut une étude de Genivar commandée par le gouvernement libéral en 2009, et portant sur les secteurs de l’île d’Anticosti, de la Gaspésie et des îles de la Madeleine.Le rapport relève aussi des lacunes quant aux connaissances des technologies d’exploration et d’exploitation. L’actuelle capacité d’intervention en cas d’urgence est également déficiente, selon l’étude de la firme Genivar.Le document note qu’il n’existe aucune loi sur les hydrocarbures, ni aucun cadre réglementaire pour guider les activités du secteur. Les spécialistes suggèrent d’ailleurs d’y remédier avant d’aller de l’avant avec des projets d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent.Par ailleurs, l’étude, qui inclut les résultats de consultations effectuées en 2011, souligne la nécessité de chercher à créer un consensus dans la population, parce que l’acceptabilité sociale est encore loin d’être acquise.Québec se veut rassurantLe rapport de plus de 800 pages a été rendu public vendredi, en fin d’après-midi, alors que le débat sur la Charte des valeurs québécoises monopolise l’espace médiatique. Cette façon de faire a été critiquée par certains groupes environnementaux.La ministre des Ressources naturelles du Québec, Martine Ouellet, assure que les recommandations du rapport seront analysées. Elle a voulu se faire rassurante sur les intentions du gouvernement.« Si nous décidons d’aller de l’avant dans l’exploitation du pétrole, nous voulons nous assurer d’avoir documenté l’ensemble des impacts environnementaux, de connaître quels sont les moyens de mitigation pour avoir les plus hauts standards qui existent à travers le monde, documenter les impacts sociaux et nous assurer des retombées économiques, pour pouvoir, avec la population, prendre des décisions éclairées sur l’exploitation du pétrole au Québec », a-t-elle dit en entrevue.Deux comités d’experts seront formés afin d’analyser plus particulièrement les volets économique et technique, indique le ministère des Ressources naturelles, dans un communiqué. Le ministère ajoute que les citoyens peuvent faire part de leurs commentaires sur le site hydrocarburesmarins.gouv.qc.ca.Le moratoire sur les activités d’exploration et d’exploitation pétrolière et gazière dans le golfe du Saint-Laurent est toujours en vigueur.La décision d’exploiter ou non le pétrole du golfe n’est pas prise. La politique énergétique du gouvernement sera déposée en 2014.Pour l’estuaire du Saint-Laurent, le gouvernement libéral précédent a fermé la porte avec un moratoire permanent. La possibilité de voir des plates-formes pétrolières en amont de la pointe ouest de l’île d’Anticosti est donc écartée.Mise en garde des groupes environnementauxLes organismes environnementaux sont plutôt d’accord avec les conclusions de l’étude. Ils critiquent toutefois les intentions du gouvernement concernant l’exploitation du pétrole.« On dirait que la ministre n’a pas lu le même rapport que nous. Elle mandate un comité technique et un comité économique, mais ce qu’on veut, c’est que le gouvernement tienne un BAPE pour les consultations. On veut aussi qu’il donne suite au rapport en investissant dans la recherche », dit Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki.« On a l’impression que le gouvernement veut démontrer que ça peut se faire et tourne les coins ronds, parce qu’il est en faveur de l’exploitation », ajoute-t-il. « On ne voudrait surtout pas que Québec lève le moratoire, qu’il prenne une décision sans avoir toute l’information. »« Il devait aussi y avoir une commission d’examen sur l’ensemble de la région écologique du Saint-Laurent, sans tenir compte des divisions provinciales. À l’heure actuelle, chaque province mène ses études dans son coin », dit-il.Greenpeace a aussi fait part de ses réserves.« La sortie de l’étude de 800 pages dévoilée [vendredi] après-midi suscite de fortes inquiétudes. Une sortie un vendredi après-midi est toujours suspecte, car souvent destinée à limiter les possibilités de réactions par les critiques », affirme de son côté le responsable de la Campagne océans de Greenpeace, Charles Latimer, dans un communiqué.« L’exploration et l’exploitation pétrolière comportent des risques majeurs dont le Québec peut bien se passer », poursuit-il. Ces risques doivent être pris en compte et le rapport démontre que les citoyens veulent être entendus, selon Greenpeace.Le directeur général du Regroupement national des conseils régionaux en environnement (RNCRE), Philippe Bourke, s’est montré rassuré face aux conclusions de l’étude, après avoir douté au départ de la démarche parce qu’elle était confiée à une entreprise privée.« Ils sont extrêmement prudents dans leur façon de s’exprimer et en apparence très rigoureux dans leur analyse », a-t-il dit.M. Bourke affirme que le document démontre, à première vue, qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire avant de penser pouvoir développer le secteur des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent.De son côté, même s’il n’a pas pris connaissance du rapport, le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, met en garde le gouvernement contre la tentation d’évacuer les questions soulevées par les hydrocarbures.« On ne publie pas le rapport avec une petite consultation en ligne et le tour est joué, dit-il. Il n’y a aucune raison qu’on ne fasse pas une évaluation avec des audiences publiques exhaustives. »Report d’une possible exploitationL’étude de Genivar contribuera à reporter davantage l’horizon d’une possible exploitation pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent, selon Émilien Pelletier, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie marine à l’Université du Québec à Rimouski.« C’est inimaginable pour l’instant. Il faut absolument que des mesures de gestion, mais aussi des mesures sur le terrain soient prises. On ne peut absolument pas actuellement songer à un forage, même exploratoire, avant d’avoir progressé du côté des mesures de protection », dit-il, en entrevue à RDI.Un début d’exploitation en 2020, prévu dans une version préliminaire du rapport, est impensable selon lui, à la lumière de l’étude parue vendredi.« À mon avis, on reporte ça de façon importante, surtout au niveau des connaissances, qui sont insuffisantes sur le golfe, pour comprendre qu’est-ce qui arriverait à une nappe de pétrole », ajoute-t-il.

 

 

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