Un déversement à Old Harry menacerait tout l’est du golfe

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Les côtes de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse seraient les plus susceptibles d’être affectées par un déversement de pétrole à Old Harry, mais les Îles-de-la-Madeleine ne seraient pas nécessairement épargnées. À cause des courants changeants, toute la partie est du golfe du Saint-Laurent se trouve à risque en cas de déversement très important, selon une étude publiée jeudi dans les Environmental Research Letters.

Une petite équipe dirigée par l’océanographe de l’Université du Québec à Rimouski Daniel Bourgault s’est servi de données sur les courants dits «instantanés», calculés d’heure en heure par Environnement Canada, afin de voir où aboutirait un fluide qui serait déversé proche du gisement Old Harry. Ces courants variant beaucoup en fonction des vents, des marées, des saisons et d’autres facteurs, les chercheurs ont réalisé plusieurs simulations – pour des déversements durant 1 jour, 10 jours et 100 jours – en les faisant démarrer à différents moments de l’année.

Attention, tient à nuancer M. Bourgault, il ne s’agit pas de simulations de déversement d’hydrocarbures à proprement parler. L’exercice indique plutôt ce qui arriverait à un colorant que l’on répandrait à Old Harry – colorant qui ne se comporterait pas comme le pétrole, ne serait pas dégradé par les bactéries, ne s’évaporerait pas, ne s’oxyderait pas, etc. «L’idée est de comprendre les courants autour de Old Harry. […] À la limite, si le pétrole était très peu dégradé, on pourrait considérer notre article comme un scénario du pire», explique le chercheur.

Et les résultats montrent que, selon la journée ou le moment de l’année, une nappe de colorant/pétrole peut prendre une direction et des formes très différentes.

«Les côtes les plus probablement touchées sont la côte française de Terre-Neuve, en particulier la région de cap Anguille et la péninsule de Port-au-Port, ainsi que le cap Breton en Nouvelle-Écosse, lit-on dans l’article. Pour des déversements limités (une journée) et intermédiaires (10 jours), le risque que les Îles-de-la-Madeleine soient affectées se situe entre 5 et 10 %, selon le scénario et les critères retenus. Pour un déversement majeur (100 jours), toute la partie est du golfe est hautement susceptible d’être touchée, incluant une forte probabilité (plus de 50 %) pour les Îles-de-la-Madeleine.»

Connaissances manquantes

Fait intéressant, l’étude passe également en revue le processus d’évaluation environnementale du projet de Corridor Resources et conclut qu’«il a eu lieu malgré l’absence totale de recherche océanographique indépendante».

Rappelons que l’an dernier, le doctorant de l’UQAR Frédéric Cyr (lui aussi signataire de l’article d’aujourd’hui), avait examiné dans le détail les simulations de Corridor et y avait décelé des failles énormes. Le consultant embauché par l’entreprise, SL Ross, avait en effet tenu pour acquis que le pétrole se mélangerait uniformément sur les 30 premiers mètres de la colonne d’eau, alors que les hydrocarbures sont plus légers que l’eau et ont tendance à flotter.

Pire encore, avait trouvé M. Cyr, le promoteur prétendait avoir «roulé» ses simulations pour des déversements sur 30 jours, mais il avait dans les faits remis les compteurs à zéro toutes les six heures.

«Ce qu’on dit, c’est : commençons par comprendre la circulation de l’eau autour d’Old Harry. Et maintenant qu’on a une meilleure compréhension de la courantologie, on espère que d’autres chercheurs en environnement ou en toxicologie pourront s’en servir pour pousser plus loin», dit M. Bourgault.

Sont également signataires de l’article des ERL: l’océanographe Dany Dumont (UQAR) et la politologue Angela Carter (Université de Waterloo).