Les Îles à vol d’oiseaux

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Screen Shot 2016-06-20 at 13.38.58La région des Îles-de-la-Madeleine est reconnue depuis fort longtemps comme un lieu de prédilection pour l’observation des oiseaux. Déjà, en juin 1534, à son premier voyage au Canada, Jacques Cartier était impressionné par la multitude de volatiles qu’il apercevait aux abords de trois îles, qu’il nomma par la suite rochers aux Oiseaux. Il fut le premier à laisser une description écrite de l’importance des colonies d’oiseaux qui le peuplaient. Il écrivait entre autres : « Icelles isles estaient aussi plaines de ouaiseaux que vng pré de herbe, qui heirent au dedans d’icelles isle. »

Ses fabuleux récits et ceux d’autres marins qui ont transité par les îles ont sans doute attiré de nombreux ornithologues en sol madelinot, puisque plusieurs personnages célèbres y ont séjourné. L’un d’entre eux, John James Audubon (1785-1851), un ornithologue américain de renommée mondiale, fut l’un des premiers à avoir dressé par écrit un portrait détaillé de l’avifaune des Îles, en 1833. Entre 1878 et 1950, une quarantaine de comptes rendus produits par des ornithologues réputés ont contribué au développement des connaissances ornithologiques de la région.

Screen Shot 2016-06-20 at 13.39.12La réputation grandissante des Îles-de-la-Madeleine a continué d’attirer de nombreux chercheurs et amateurs d’oiseaux, permettant ainsi de documenter et d’enrichir davantage les connaissances aviaires, tant pour les espèces nicheuses que pour les espèces migratrices. Depuis les années 70, l’essor qu’a connu le loisir ornithologique au Québec et ailleurs a amené de nombreux adeptes aux Îles, à la recherche d’une nouvelle espèce à ajouter à leur liste ou dans le but d’y trouver l’espèce rare. Au fil des ans, de nouvelles découvertes se sont ajoutées à une liste déjà bien garnie, et depuis le passage de Cartier, ce sont plus de 330 espèces d’oiseaux qui ont été observées sur le territoire.

Cet archipel baigné par les eaux salées du golfe Saint-Laurent se révèle d’abord un lieu de prédilection pour l’observation des oiseaux marins. Comme on aborde souvent les îles par bateau, la traverse est une occasion d’observer certaines espèces pélagiques, comme l’océanite cul-blanc et l’océanite de Wilson, le fulmar boréal, et plusieurs espèces de puffins et de labbes. De plus, selon la période de l’année, il est possible d’observer une belle variété de canards marins, comme l’eider à duvet, les macreuses brunes, à front blanc ou à bec jaune,  et l’harelde kakawi. Aussi, en certains endroits, les oiseaux se rassemblent en radeaux de plusieurs milliers d’individus. D’ailleurs, un œil averti pourra peut-être y déceler la présence inusitée d’un eider à tête grise! En saison froide, les eaux côtières servent aussi d’habitat à l’arlequin plongeur. Le site d’Old-Harry est un incontournable pour observer ce magnifique canard.

Screen Shot 2016-06-20 at 13.39.49Par ailleurs, des îlots aux noms évocateurs, comme l’île aux Goélands, l’île Shag ou le rocher aux Oiseaux, témoignent de l’importance des colonies d’oiseaux pélagiques. Le rocher aux Oiseaux accueille chaque année des milliers d’oiseaux marins qui colonisent ses promontoires rocheux. Plus de 48 000 fous de Bassan y partagent l’espace disponible avec des colonies de mouettes tridactyles, de guillemots marmette, de petits pingouins et de guillemots de Brunnïch. D’autres espèces, telles que le goéland argenté, le goéland marin, ainsi que quelques macareux moines, complètent le palmarès. Si l’on a l’opportunité de s’y rendre, il ne faut surtout pas rater sa chance!

En outre, située à environ 11 miles nautiques au Sud-Ouest du rocher, la réserve écologique de l’île Brion présente aussi un attrait particulier pour l’observation de ces importantes colonies d’oiseaux marins. Ses falaises escarpées accueillent annuellement des colonies de mouettes tridactyles, de grands cormorans, de petits pingouins et de guillemots marmette. Cette réserve offre aussi une belle diversité d’habitats, et près de 166 espèces d’oiseaux y ont été recensées, dont plus de la moitié sont des espèces nicheuses. Parmi les spécialités de l’île figurent le macareux moine, le grèbe esclavon et une population nicheuse d’océanite cul-blanc.

Screen Shot 2016-06-20 at 13.39.31Quant au chapelet d’iles principales, ses centaines de kilomètres de littoral, qui s’étalent d’un bout à l’autre, procurent aux oiseaux de rivage des aires d’alimentation d’importance, tant pour les espèces nicheuses que pour les espèces migratrices. Parmi les espèces nicheuses notables, le pluvier siffleur occupe la partie supérieure des plages, et les Îles-de-la-Madeleine constituent le seul site de nidification de cette espèce au Québec. Dès la mi-juillet, les premiers limicoles (oiseaux de rivage) en migration font escale aux Îles pour se reposer et s’alimenter dans les vastes plaines intertidales riches en matière organique. La migration automnale se poursuit jusqu’à la fin novembre. La diversité des espèces et l’abondance des oiseaux qu’on peut y rencontrer sont impressionnantes. Plus d’une vingtaine d’espèces d’oiseaux de rivage y font halte. Parmi les espèces vedettes observées, mentionnons le bécasseau maubèche de la sous-espèce rufa, considérée comme étant en voie de disparition au Canada, et la présence régulière, chaque automne, de la plus grosse sterne au monde, la sterne caspienne.

En outre, le secteur dunaire procure d’excellentes chances d’y voir le busard Saint-Martin en vol, à la recherche de ses proies. Dans la lande à camarine, on peut également apercevoir des groupes de courlis corlieu se déplaçant en quête de petits fruits. C’est dans un habitat semblable qu’en 2011 un premier nid de chevalier semipalmé a été découvert dans le secteur de la dune du Nord, une première pour le Québec. À l’occasion, on peut y observer le harfang des neiges, et ce, même en été.

Screen Shot 2016-06-20 at 13.39.40Parallèlement, les milieux humides, présents un peu partout dans les dunes et les ilots rocheux de l’archipel, regorgent d’oiseaux. Parmi la multitude d’espèces qui fréquentent ces milieux, des centaines de bernaches cravant font une halte printanière dans la lagune du Havre-aux-Basques pour se reposer et s’alimenter. Ce sont aussi des refuges pour bon nombre de canards barboteurs et plongeurs, de grèbes, et de râles, notamment la marouette de Caroline, dont le rire saccadé, qu’on peut entendre tant de jour que de nuit, ne passe pas inaperçu. On peut aussi à l’occasion y observer certaines espèces d’aigrettes, de passage dans l’archipel. D’autres espèces, comme la mouette rieuse, une espèce arrivée d’Europe il y a quelques années, y nichent et constituent une attraction locale. Il s’agit de la première colonie à s’implanter en Amérique. Certains îlots des lagunes accueillent chaque année d’importantes colonies de sternes composées principalement de la sterne pierregarin, mais aussi de quelques sternes arctiques et de l’un des oiseaux les plus rares au Québec, la sterne de Dougall, une espèce en voie de disparition. Aussi la région accueille une petite population nicheuse de grèbe esclavon, ce qui est unique pour l’est de l’Amérique du Nord.

Screen Shot 2016-06-20 at 13.39.21Quant à l’environnement forestier, dominé par des peuplements de sapins et d’épinettes, il accueille une bonne diversité d’espèces nicheuses, dont une quinzaine d’espèces de parulines. Parmi les plus fréquentes, mentionnons la paruline rayée et la paruline jaune, qui sont omniprésentes et partagent l’habitat avec d’autres espèces, comme la nyctale de Tengmalm, le troglodyte des forêts et la mésange à tête brune. Enfin, d’un bout à l’autre de l’archipel, on peut entendre la complainte du bruant fauve.

Il arrive de surcroit que des espèces étrangères ou des migrateurs épuisés soient déportés de leur trajectoire et trouvent refuge sur des iles isolées. Un phénomène semblable s’observe aussi sur les bateaux. Les iles jouent le même rôle et peuvent assurer un répit aux oiseaux égarés qui transitent par le golfe. C’est ainsi que de nombreuses espèces étrangères ont été observées en sol madelinot. Certaines observations, comme le goéland leucophée, le bécasseau à col roux, le bécasseau cocorli et la tentale d’Amérique, sont exceptionnelles pour la province. Des observations d’une sterne hansel et du pluvier de Wilson constituent à ce jour les uniques mentions pour le Québec.

En somme, que l’on apprécie observer les oiseaux en groupe ou seul, la région des Îles-de-la-Madeleine offre diverses possibilités d’observation. Avec ses quelque 333 espèces observées à ce jour, la région figure parmi les plus convoitées pour l’observation des oiseaux au Québec.

Que l’on soit un néophyte ou un vrai mordu des oiseaux, le Club d’ornithologie des Îles-de-la-Madeleine (COIM) offre diverses randonnées permettant d’observer les oiseaux dans leurs habitats et de rencontrer des personnes qui partagent votre passion.  

Par Alain Richard / Club d’ornithologie des Îles-de-la-Madeleine
Photos : Alain Richard

Source : Magazine LES ÎLES


Principales sources :

Fradette, P. (1992). Les oiseaux des Îles-de-la-Madeleine : populations et sites d’observation. Attention Frag’Îles – Mouvement pour la valorisation du patrimoine naturel des Îles.

Gaudet, D. G.; Richard, A. (2014). Les oiseaux des Îles-de-la-

Madeleine : leur statut, leur abondance. Liste annotée des oiseaux des Îles-de-la-Madeleine. Récupérée de : http://ornithoidm.blogspot.ca/p/liste-annotee.html Club d’ornithologie des Îles-de-la-Madeleine.

Observatoire global du Saint-Laurent. Biodiversité.

Récupéré de : https://ogsl.ca/bio/ (page consultée le 11 mai 2016)