La sagesse d’un pêcheur d’éperlan face au cancer

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Cet hiver, la météo à l’Île-du-Prince-Édouard est très instable : neige, pluie, blizzards, froids intenses, mais il faudrait un véritable cataclysme pour décourager Pierre Gallant d’Abram-Village d’aller passer quelques heures dans sa cabane de pêcheur d’éperlan, lorsque les marées sont bonnes.

Le jeudi 31 janvier, dès 8 h le matin, dans un froid de canard et un vent à écorner les bœufs, Pierre a stationné son camion près de l’usine de transformation et, à pied, il s’est rendu jusqu’à sa cabane très bien équipée avec système de chauffage et d’éclairage en plus de tous les outils pour attirer les poissons et les harponner, ce que Pierre fait avec une grande facilité.

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PHOTOS : Pierre Gallant dans sa cabane de pêche à l’éperlan. (Photo : J.L.)

«Je peux dire que je n’en manque pas beaucoup. Il faut aller vite et harponner avec beaucoup de force pour transpercer le poisson. Sinon, il se sauve», dit Pierre qui ne peut s’empêcher de penser à son grand-père Noré, lorsqu’il se retrouve dans sa cabane.

«J’allais pêcher avec mon grand-père. C’est lui qui m’a transmis l’intérêt pour ça. Au début, c’est lui qui m’aidait et me montrait comment faire, mais quand il était arrivé à ses 75 ans, c’est moi qui l’aidais et qui préparais tout pour lui. J’installais sa cabane, et je l’aidais à faire les tâches plus difficiles. Et on passait du bon temps ensemble. Il n’aimait pas que les pêcheurs viennent en skidoo ou en quatre roues à leurs cabanes. Il trouvait que ça effrayait les poissons. Ça fait que moi, même si ça m’arrivait de venir en skidoo, je le laissais dans le stationnement et je marchais jusqu’à ma cabane».

Pendant qu’il raconte tout cela, Pierre reste alerte, et harponne très rapidement tous les poissons qui ont le malheur de passer en dessous de sa cabane. «Ce n’est pas très bon aujourd’hui. Il y a des jours où il y en a bien plus que ça. Ça arrive qu’on en harponne deux en même temps», assure-t-il.

Pierre Gallant n’est pas homme à passer toute la journée à la maison, à ruminer et à s’inquiéter pour sa santé, alors qu’il vient de conclure ses traitements de radiation pour son cancer de la prostate. «Vraiment, je n’ai jamais senti le cancer dans moi. Encore maintenant, j’ai l’impression que les docteurs m’ont joué un tour. Je sais que ça ne se peut pas, mais je n’ai jamais eu de douleur ni de symptômes, et c’est vraiment par hasard que les docteurs l’ont trouvé», dit-il avant de raconter la suite.

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Le mardi 29 janvier, Pierre Gallant a sonné la cloche symbolique pour signifier la fin de son traitement contre le cancer. (Photo : Gracieuseté)

En mars 2018, Pierre et sa femme Karen ont passé quelques semaines en Floride. De retour à l’Île au début d’avril, leur fils venait de trouver une aubaine pour un voyage à Cuba, un voyage entre père et fils. «C’était vraiment bien, mais je suis revenu avec une sorte de virus. Je n’étais plus capable de rien faire, je ne voulais voir personne. Je ne m’étais jamais senti comme ça. Les docteurs n’ont jamais trouvé ce que c’était et ça s’en est allé, mais pendant leurs examens, ils ont découvert mon cancer. C’était probablement vers le début de l’été. Je travaille pour Wellington Construction et on était en train de construire la grosse grange à Gilles Bernard quand j’ai eu la nouvelle. J’ai averti mon patron, mais j’ai dit à mes collègues de travail que j’allais bien. Je leur ai menti. Je pense que maintenant, ils savent», constate Pierre Gallant.

Le traitement s’est déroulé en plusieurs étapes. Après une période de prise de médicaments, Pierre a subi 25 traitements de radiations à Charlottetown et deux traitements plus agressifs à l’hôpital Georges L. Dumont à Moncton. D’ailleurs, le mardi 29 janvier, il a sonné la cloche pour signifier la fin de son traitement. «Les docteurs m’ont dit que tout s’était bien passé, qu’ils avaient fait tout ce qu’ils savaient faire pour guérir mon cancer, mais c’est certain qu’ils ne donnent pas de garanties. Comme je le dis, autrement qu’être fatigué rapidement, je me sens bien. Et mon moral est très bon».

L’annonce qu’on est atteint d’un cancer est toujours difficile à accepter et Pierre avait quant à lui, accompagné son père Raymond dans sa maladie qui l’a finalement emporté. «Il avait un cancer très rare, dans la colonne vertébrale. Le jour après son enterrement, j’ai fait tatouer la date sur mon épaule avec une croix, la pierre de naissance de mon père, et une rose rouge et une rose orange pour les roses que moi et mon fils on a mises sur sa tombe».

Pierre n’envisageait pas qu’il aurait lui aussi à faire face au cancer dans sa propre vie. «Je sais que c’est dur pour ma famille et je sais qu’ils sont fiers de la manière dont je mène mon combat, que je ne me laisse pas abattre, et que je viens chaque matin à la pêche», dit Pierre, faisant des efforts pour contrôler sa voix à cause de l’émotion.

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La saison de pêche à l’éperlan semble très bonne, surtout à cause du froid qui maintient une couverture de glace très résistante. (Photo : J.L.)

Après une belle conversation, il était temps de fermer la cabane pour la journée. Le feu et la lampe ont été «corvés» avec soin, le trou dans la glace a été recouvert d’une planche de bois pour éviter des accidents, tous les outils ont été rangés à leur place et finalement, Pierre est sorti de la cabane pour poursuivre sa journée et sa vie.

 

LA UNE : Pierre Gallant traverse des épreuves côté santé, mais cela ne l’empêche pas d’aller pêcher l’éperlan presque chaque jour.
Par Jacinthe Laforest