Les médias écrits francophones de l’Atlantique veulent prendre le bon virage

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«Le virage. Quel virage?» Voilà la question qui lançait les échanges d’une rencontre de quatre médias écrits francophones en Atlantique récemment à Halifax. Au fil des discussions, le virage de la collaboration a pris le haut du pavé sur les changements à effectuer pour foncer dans le virage numérique.

Le temps d’une fin de semaine, les directions de quatre médias écrits francophones en Atlantique se sont donné un temps de formation et de réflexions communes, animé par Sylvain Lafrance, directeur du Pôle Média HEC Montréal et ancien vice-président des services français de Radio-Canada.

Autour de la table, Gilles Haché, propriétaire et éditeur du Moniteur acadien, au Nouveau-Brunswick; Marcia Enman, directrice générale de La Voix acadienne, à l’Île-du-Prince-Édouard; Janine Saulnier, présidente du conseil d’administration du Courrier de Nouvelle-Écosse et Francis Robichaud, directeur général de ce journal; et Nathalie Brunet, présidente du conseil d’administration du Gaboteur et Jacinthe Tremblay, directrice générale de ce journal.

Les échanges d’information autour de la baisse des revenus publicitaires fédéraux des dernières années ont été brefs. Inutile de tourner très longuement le fer dans la plaie d’une perte de revenus allant jusqu’à 75 % de placements d’annonces par le gouvernement du Canada et ses agences depuis 2000. L’intérêt de cette rencontre entre pairs était surtout d’en savoir plus sur les stratégies mises en place pour continuer à exister.

Moyens d’adaptation

Pour assurer leur survie, les médias présents ont adopté plusieurs mesures, parfois les mêmes, parfois non. Le Courrier de Nouvelle-Écosse, un hebdomadaire provincial qui compte seulement deux employés, fait de plus en plus appel à des pigistes pour alimenter ses pages et il a augmenté les activités et projets d’édition lucratifs de son propriétaire, l’imprimerie Lescarbot.

La Voix acadienne, également un hebdomadaire provincial, a multiplié les projets de contenus commandités par des organismes francophones, par exemple la parution de cahiers spéciaux, la publication de sa revue La Voie de l’emploi et de sa chronique Étoile Santé Î.-P.-É. Malgré tout, le journal a été forcé de commencer à puiser dans son fonds de réserve pour continuer à survivre.

Le Gaboteur, un bimensuel provincial, est passé de quatre employés à temps plein en 2010 à un employé à temps plein et un à temps partiel depuis 2015. Les contenus du journal et sa mise en page sont depuis principalement assurés par un réseau de pigistes. Il a déménagé dans des locaux plus petits et cessé les parutions pendant l’été. Comme La Voix acadienne, ce journal a aussi développé des ententes pour des contenus commandités par d’autres organismes francophones.

Le Moniteur acadien, un hebdomadaire régional, est «rentable… dans son organisation actuelle», a tenu à préciser son nouveau propriétaire Bernard Richard. Le journal n’a pas, pour le moment, de journaliste à temps plein, un poste qu’il lui apparaît essentiel pour un média d’information.

La minceur des ressources humaines est un trait commun de ces médias et LA bête noire de leurs directions. Bien que La Voix acadienne et Le Gaboteur puissent compter, pour un an, sur le travail de journalistes stagiaires dont les salaires sont entièrement financés par un programme spécial d’aide aux médias en mi-lieu minoritaire mis en place par Patrimoine canadien, le risque est grand de revenir à la case départ, dès l’automne 2019.

Même si les mesures adoptées pour compenser la baisse des revenus publicitaires sont différentes selon chaque média, il y a unanimité autour du constat qu’il est impossible de couper encore plus les dépenses : il faut augmenter et diversifier les revenus.

Le numérique : oui, mais…

Les quatre médias réunis à Halifax ont en commun de tirer, encore, la majorité de leurs revenus de leur version papier, aussi bien au chapitre de la publicité que des abonnements. Bien que les revenus, de publicité et d’abonnements tirés du numérique, soient en hausse, ils arrivent à peine à compenser les dépenses liées à cette forme de diffusion, notamment les frais de serveurs, de logiciels, mais surtout, les ressources humaines nécessaires à la mise en ligne des contenus.

Dans un tel contexte, les participants à la rencontre d’Halifax ont fait consensus sur deux points. Le premier : oui à une plus grande présence dans l’univers numérique, mais pas au point d’y consacrer la majorité de nos minces ressources humaines et financières. Le second : oui à des contenus diffusés gratuitement sur nos sites Internet, mais pas au point d’abandonner le traitement privilégié de nos abonnés payants.

La perspective de se revoir pour réfléchir et esquisser ensemble des pistes de collaboration a été accueillie, pour sa part, par un grand OUI, sans bémol.

 

LA UNE :  : Réunion à Halifax le temps d’une fin de semaine de formation-réflexion, les femmes de l’escalier Nathalie Brunet, Marcia Enman et Jacinthe Tremblay. Les pieds sur terre en première rangée, Francis Robichaud, Sylvain Lafrance, Janine Saulnier et Gilles Haché. (Photo : Gracieuseté)