Les traditions migratoires des baleines bleues

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Chaque jour, les rorquals bleus doivent engouffrer jusqu’à 4 tonnes de krill pour être rassasiés. Avec un si grand appétit, pas étonnant que l’alimentation soit un facteur déterminant dans leur migration. Mais comment font-elles pour choisir une aire d’alimentation estivale qui fournira des proies en abondance? Selon une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences, les baleines bleues se fieraient à leur mémoire! Elles retourneraient aux mêmes endroits, aux mêmes moments de l’année, car elles savent d’expérience qu’elles y trouveront du krill.

Les relations entre la migration et l’alimentation ont surtout été étudiées chez les herbivores terrestres. Ces animaux peuvent recourir à deux manières complémentaires pour trouver de la nourriture. D’abord, ils peuvent interpréter les signaux de l’environnement qui indiqueraient des pics de productivité végétale, ce qui leur permet de s’adapter en temps réel. Cela dit, ils peuvent aussi se fier à leurs expériences passées pour déterminer quels endroits fournissent, en moyenne, une grande quantité de nourriture. L’objectif de l’étude était de déterminer laquelle de ces deux stratégies est utilisée par les rorquals bleus du Pacifique.

Les mécanismes migratoires dans les écosystèmes marins sont moins bien connus, car ils sont plus complexes à étudier, notamment car les études doivent se faire à très grande échelle et que la télémétrie, qui permet de suivre les baleines sur une longue distance grâce à une balise posée sur son dos, comporte de nombreux défis. De plus, l’océan étant un milieu très dynamique, savoir où et à quel moment se trouvent les ressources alimentaires n’est pas évident.

Une mémoire d’éléphant…
Les chercheurs ont observé que les baleines bleues du Pacifique retournent chaque année aux mêmes endroits en des dates similaires. Curieusement, leurs zones d’alimentation ne sont pas celles qui sont les plus productives. Ce sont plutôt celles qui sont les plus prédictibles. En favorisant la stabilité plutôt que la quantité, les baleines bleues éviteraient ainsi les mauvaises surprises, dans un écosystème hautement variable. Si les baleines bleues peuvent profiter de cette stratégie, c’est notamment parce qu’elles ont une espérance de vie de 80 ans, ce qui permet un apprentissage sur le long terme.

…mais une mauvaise capacité d’adaptation
Ces nouvelles connaissances sur la migration des baleines bleues permettront de mieux comprendre comment les changements climatiques affecteront cette espèce en voie de disparition. Les mammifères marins sont particulièrement vulnérables aux changements rapides parce qu’ils se reproduisent peu fréquemment. La sélection naturelle, qui permet l’adaptation à des nouvelles conditions environnementales, agit au même rythme que la reproduction. Des animaux qui produisent plusieurs jeunes chaque année, comme les rongeurs, peuvent donc s’adapter beaucoup plus rapidement que ceux qui se reproduisent lentement. De plus, si la mortalité des rorquals bleus augmentait rapidement en raison d’un manque de nourriture, la natalité ne pourrait pas compenser immédiatement.

Si le krill venait à se déplacer rapidement vers le nord en raison du réchauffement de l’eau, la constance du patron de migration des baleines bleues pourrait leur nuire. Plusieurs mauvaises années pourraient être nécessaires pour affecter la bonne moyenne générale de productivité que les baleines bleues gardent en mémoire. De plus, contrairement aux rorquals à bosse qui mangent du krill et des petits poissons, les rorquals bleus sont des spécialistes : ils mangent exclusivement du krill. La capacité d’adaptation n’est donc pas la plus grande qualité des baleines bleues.

Il en reste encore beaucoup à apprendre sur la migration des rorquals bleus. Par exemple, on ne sait pas sur quels mécanismes migratoires se basent les plus jeunes baleines, qui n’ont migré que quelques fois. Suivent-elles des baleines plus âgées ou font-elles leur propre route?

LA UNE : Les rorquals bleus sont les plus grands animaux au monde et doivent manger jusqu’à 4 tonnes de krill par jour. Pour trouver suffisamment de nourriture, ils se fient à leurs expériences passées et suivent donc un itinéraire réglé au quart de tour. © GREMM

Par Jeanne Picher-Labrie