Odyssée sous les glaces : Sous ces glaces qui disparaissent

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Dans la dernière scène du film Odyssée sous les glaces, les plongeurs en eau froide Mario Cyr et Jill Heinerth sont filmés en contre-plongée, tous deux assis sur un iceberg, au milieu de l’océan. Si la tendance se maintient, cet iceberg ne pourra bientôt plus les abriter, comme il ne pourra plus abriter les ours polaires ou les morses.

Le film de Denis Blaquière s’est donné pour mission de documenter les changements climatiques dans l’Arctique, où ils sont les plus évidents. Et personne ne pouvait mieux le faire que Mario Cyr, plongeur originaire des îles de la Madeleine qui s’est spécialisé dans l’exploration de l’Arctique, et Jill Heinerth, autre plongeuse canadienne qui a exploré et documenté les parties immergées des icebergs de l’Antarctique.

Images éloquentes

Ces deux passionnés, qui risquent leurs vies pour capter des images en ultra-haute définition (4K) d’ours polaires ou d’icebergs basculant dans l’océan, débutent leur périple dans le Nord canadien. Dès les premières images, ils nous font comprendre les enjeux du réchauffement climatique. À l’endroit où un an plus tôt, la glace était toujours solide avant le 5 juillet, le camp de base se retrouve complètement inondé, au point où il leur faut le déménager. De vastes fissures de plusieurs mètres s’ouvrent dans la banquise, les forçant à faire de longs détours pour atteindre la lisière de l’océan, là où la vie abonde, et où l’eau grouille de bélugas, de narvals, ou de baleines boréales. « C’est le meilleur endroit au monde, pour observer la vie animale de l’Arctique », dit Mario Cyr. Or, cette lisière de l’océan se déplace à la vitesse grand V. Depuis 1980, 80 % des glaces d’été et 42 % des glaces d’hiver de l’Arctique ont disparu.

À ce sujet, les images captées par Mario Cyr et Jill Heinerth sont éloquentes. On y voit notamment un troupeau de morses, vraisemblablement des mères, entassées sur le seul coin de banquise qu’il leur reste pour nourrir leurs petits. Mario Cyr, qui se passionne de la vie animale, raconte comment le narval, d’un naturel craintif, possède une corne munie de millions de petits nerfs reliés au cerveau, qui en fait un être extrêmement sensible à son environnement. Le béluga, quant à lui, peut chasser en pleine noirceur, à 350 mètres de profondeur.

Les algues de l’Arctique, dont on a dénombré quelque 1800 espèces sans pourtant les connaître à fond, se nourrissent de la lumière du soleil et fabriquent le zooplancton qui nourrit une multitude d’espèces, de la crevette à la baleine.

Au Groenland, on trouve des glaces vieilles de 100 000 ans qui fondent dans l’océan, provoquant un mélange d’eau douce et d’eau salée dont les traces sont visibles depuis l’espace.

Ici encore, la fonte accélérée des glaces et le réchauffement du climat sont impossibles à ignorer. En août 2015, 15 milliards de tonnes d’icebergs se sont effondrées dans l’Atlantique. Cette présence massive et subite d’eau douce dans l’océan a un effet sur les courants du Gulf Stream, et par conséquent, sur les climats de l’Europe et de la côte est américaine, provoquant sécheresses et froids extrêmes. L’ours polaire, que les deux cameramen ont filmé de très près, passe sept semaines de plus qu’autrefois sur la terre ferme, donc loin de phoques qui forment pourtant sa nourriture de prédilection. Symbole puissant de l’Arctique menacé, il pourrait ne pas survivre aux prochaines décennies. À moins qu’on y voie, et de près.

LA UNE : Galafilm Productions Un troupeau de morses s’entasse sur le seul coin de banquise à sa disposition.