Hybride rorqual commun-rorqual bleu: un nouvel enjeu pour la conservation ?

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L’existence des hybrides issus du croisement entre les deux plus gros animaux du monde — soit le rorqual commun et le rorqual bleu — a été prouvée pour la première fois dans les années 1990. À l’époque, les scientifiques croyaient que ces individus étaient tous infertiles. Cependant, une nouvelle étude démontre le contraire: ces hybrides peuvent non seulement se reproduire avec l’une des espèces parentales, mais également survivre jusqu’à l’âge adulte. Une découverte étonnante, mais inquiétante au niveau de la conservation du rorqual bleu.

Le rorqual de sang-mêlé
L’hybridation est un phénomène évolutif répandu chez les animaux qui mène parfois à la création de nouvelles espèces. Cependant, il existe très peu de données à ce sujet chez les grands cétacés. C’est dans cette optique que Christophe Pampoulie et ses collaborateurs se sont servis d’outils génétiques pour analyser des échantillons provenant de huit hybrides commun-bleu suspectés. Les résultats qu’ils ont obtenus leur ont réservé deux surprises.

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Même si le rorqual commun est présent en plus grand nombre que le rorqual bleu, il a tout de même un statut de conservation «préoccupant». © GREMM

D’abord, l’un des individus provenait de l’union entre un rorqual commun mâle et une femelle… hybride! Il s’agit de la première mention d’un hybride de deuxième génération chez ces espèces. Auparavant, il n’existait que quelques mentions de femelles hybrides gestantes, sans confirmation qu’elles aient pu mettre bas. Par contre, la fertilité des hybrides mâles n’a encore jamais été prouvée.

Ensuite, une tendance récurrente s’est dessinée dans les données : sur huit hybrides étudiés, sept provenaient d’un croisement avec un rorqual commun mâle et un rorqual bleu (ou hybride) femelle. Qu’est-ce qui pourrait faire en sorte que la reproduction entre ces espèces soit aussi unidirectionnelle? Les chercheurs proposent différentes pistes de réponses. Premièrement, il pourrait s’agir d’un simple problème mécanique, par exemple dans le cas où il serait physiquement difficile pour un rorqual bleu mâle de s’accoupler avec un rorqual commun femelle. Un autre scénario retient toutefois davantage l’attention des chercheurs: il pourrait arriver que des femelles baleines bleues ne trouvent pas de partenaire de leur espèce et doivent se «rabattre» à s’accoupler avec un rorqual commun. Les statistiques supportent cette hypothèse. En effet, la population mondiale de rorquals communs (environ 100 000) est quatre fois plus élevée que celle des rorquals bleus (25 000). Dans la région d’étude des chercheurs, en Islande, ce ratio est d’autant plus disproportionné (37 000 communs contre 3000 bleus).

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Les hybrides entre les rorquals communs et les rorquals bleus formeront-ils une espèce à part entière dans le futur? Pour l’instant, impossible de se prononcer, puisque la fertilité des mâles n’a pas été prouvée. © NOAA Photo Library

Un enjeu invisible pour la conservation
Les populations de rorquals bleus ont été décimées par la chasse et mettent beaucoup de temps à se rétablir. Malgré l’interdiction de leur chasse dans les années 50, ces animaux doivent encore composer avec plusieurs menaces, dont les collisions avec les navires, la diminution de l’abondance de leurs proies, l’empêtrement dans les engins de pêche et la pollution chimique. Désormais, il faudra ajouter les risques d’hybridation à cette longue liste. Il sera nécessaire de considérer cet enjeu lors de l’élaboration de plans de rétablissement. En effet, si les hybrides ne sont pas visuellement identifiables, cela pourrait mener à une surestimation du nombre de rorquals bleus. De plus, si l’hybridation avec le rorqual commun est fréquente, cela pourrait diminuer le nombre de naissances de rorquals bleus «purs», affaiblissant ainsi le taux de rétablissement de l’espèce. Cette menace affecte disproportionnellement les rorquals bleus par rapport aux rorquals communs, puisque leur population est de loin inférieure.

 

LA UNE : Le rorqual bleu est une espèce en voie de disparition. Sa population mondiale est estimée à environ 25 000 individus. © Andrew Sutton

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