Archives : Quand le Québec perd la boule pour le bingo

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 Le bingo a connu un engouement important au Québec entre les années 1960 et 1990. Nos archives expliquent l’évolution et le rôle souvent inattendu de ce jeu de hasard dans l’histoire du Québec.

«Quel est le sport national au Québec? Ce n’est pas le hockey : c’est le bingo. On joue beaucoup plus au bingo au Québec pendant l’année qu’au hockey.» – Mado Lamothe, reine du bingo du Casino de Montréal

Au début des années 1960, le Québec s’enflamme pour le bingo.

Montage d’archives, 1966-2001

 

Comme le montre ce montage, le Québec est alors fou de ce jeu.

On s’entasse dans les sous-sols d’église et on tamponne des cartes numérotées dans l’espoir de gagner le gros lot.

C’est, pour de nombreux Québécois, et surtout de nombreuses Québécoises, leur principale sortie de la semaine.

Les soirées de bingo ont souvent joué, pour les femmes du Québec, le même rôle que les tavernes pour les hommes. C’était un endroit de réunion et de socialisation.

Il est révélateur que deux des chefs-d’œuvre du théâtre québécois, Les belles-sœurs et Broue, encensent le bingo ou se déroulent dans une taverne.

Un jeu qui amène le rêve…

Ce sont deux Américains, Edwin Lowe et Carl Leffler, qui ont conçu le jeu de bingo moderne dans les années 1920 et 1930.

Mais l’ancêtre du jeu est beaucoup plus vieux. Déjà, au 16e siècle, on jouait en Italie à un jeu nommé « lo giuco de loto ». Ses mécanismes et ses règles ressemblaient beaucoup au bingo moderne.

D’Italie, le jeu passe dans les mœurs en France grâce à Giacomo Casanova.

Le célèbre séducteur vénitien convainc en effet le roi Louis XV de lancer dans le royaume une loterie publique pour financer la construction de l’École militaire.

Dans les faits, Casanova et le roi de France imposent une taxe, mais elle est volontaire et elle a le grand avantage de faire rêver.

D’autres ne se gêneront pas, dans les siècles qui ont suivi, pour reprendre l’idée.

… et qui renfloue l’Église catholique

«Les revenus du bingo pour la paroisse Saint-Édouard sont d’environ 225 000 dollars par année.» –  Gaby Drouin

C’est l’Église catholique qui a favorisé la diffusion du bingo au Québec, par exemple dans la paroisse Saint-Édouard, dans le quartier montréalais du Mile End, comme le constate la journaliste Judith Paré dans un reportage préparé pour l’émission Dossiers diffusée le 22 mars 1973.

Cela paraît à première vue surprenant. Faut-il rappeler que la doctrine catholique rejette l’idée de spéculer sur la volonté de Dieu, qui fait partie intégrante du jeu de bingo?

Or, l’Église catholique au Québec, à partir des années 1960, est confrontée à un problème de plus en plus criant.

Ses ouailles la quittent. Les quêtes et la dîme diminuent.

Les coffres se vident alors que les bâtiments vieillissent et que des rénovations s’imposent. Il faut de l’argent pour garder le patrimoine en état.

C’est l’organisation de soirées de bingo dans les sous-sols de ses églises qui sauvera de la faillite plus d’une paroisse.

La journaliste Judith Paré s’est rendue dans la paroisse Saint-Édouard, où elle a discuté avec le curé.

Ce dernier lui raconte que les profits effectués grâce aux soirées de bingo renflouent le trésor de la fabrique et servent à l’entretien du temple. Cette manne financière au service de la gloire de Dieu lui enlève, d’une certaine manière, un problème de conscience.

Un lent déclin

Toutefois, au début des années 1990, le bingo entame un déclin. Ce n’est plus de mode.

De plus, Internet propose des versions électroniques des jeux de hasard qui contribuent à vider les sous-sols des églises.

L’État – ça n’a pas changé depuis Louis XV –, toujours à court d’argent, prend le relais de l’Église catholique pour faire la promotion du bingo.

Le 3 juillet 1997, le gouvernement du Québec crée la Société des bingos du Québec.

On voit même ce gouvernement programmer des soirées de bingo au Casino de Montréal, comme le constate la journaliste-réalisatrice Yanie Dupont-Hébert dans l’émission Tam tam du 1er août 2001.

Toutefois, il ne s’agit pas du tout de soirées de bingo comme celles que parrainait l’Église catholique.

L’animation est assurée par la drag queen Mado Lamothe, une des vedettes des nuits de Montréal.

Des apollons à moitié habillés défilent sur la scène. Mado Lamothe ose des jeux de mots coquins qui auraient fait rougir plus d’un sacristain.

Malgré ce sursaut de vie et de folie, le bingo continue de péricliter.

En 2006, la loi antitabac du gouvernement du Québec dans les lieux publics donne le coup de grâce.

Les Québécois se tournent vers d’autres divertissements. Ils continuent cependant d’être de fervents adeptes des jeux de hasard.

Voilà pourquoi les revenus de la Société Loto-Québec ont atteint, en 2017, 1,3 milliard de dollars.

LA UNE : Le bingo a été un divertissement très apprécié au Québec, surtout à partir des années 1960. PHOTO : RADIO-CANADA