Changements climatiques : à quoi s’attendre pour le homard et le crabe?

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Des tempêtes plus fortes, des canicules, des sécheresses et des feux de forêt sont liés aux changements climatiques. Quels effets ces derniers peuvent-ils entraîner sur la pêche au homard et au crabe des neiges?

 

Amélie Rondeau, gestionnaire de la division des ressources halieutiques et écosystémiques au bureau du ministère des Pêches et des Océans du Canada à Moncton et biologiste spécialiste des crustacés, apporte des éclaircissements.

Le homard, explique-t-elle, a une grande tolérance aux variations de température. Il peut vivre dans des eaux près du point de congélation comme dans celles dont la température atteint 25 degrés Celsius.

Les effets des changements climatiques et du réchauffement de l’eau sur le homard varient par endroits, selon Mme Rondeau.

Il y a des endroits au Canada, en Atlantique, où il y a des réchauffements de l’eau. Donc, ça fait peut-être des environnements qui sont moins appropriés pour le homard. En contrepartie, on a d’autres endroits, dans le sud du golfe ou sur la côte nord du Québec où un certain réchauffement de la température de l’eau va permettre une expansion du territoire potentiel pour le homard. Donc, ce qui est néfaste pour une population de homards dans un endroit ne l’est pas nécessairement ailleurs, explique Amélie Rondeau.

Dans le sud du golfe du Saint-Laurent, le homard est une espèce gagnante en quelque sorte parce que même si l’eau se réchauffe un peu, la glace en hiver joue un rôle de régulation de la température de l’eau. Le homard, qui est une espèce côtière, peut aussi s’éloigner de la côte pour aller dans des eaux plus froides et propices à son bien-être.

On est un peu dans le milieu de la distribution atlantique du homard. Donc, on est dans un endroit très approprié puisqu’on voit au niveau des températures de l’eau il y a des endroits où ça se réchauffe un petit peu nous aussi dans le sud du golfe du Saint-Laurent la température du fond de l’eau. Puis, ça crée une ouverture dans les territoires appropriés pour le homard, donc des endroits ou des profondeurs où jadis il y avait peu ou pas de homards, mais là on le retrouve en quantités plus abondantes, indique Mme Rondeau.

 

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Amélie Rondeau est gestionnaire de la division des ressources halieutiques et écosystémiques au bureau du ministère des Pêches et des Océans à Moncton et biologiste spécialiste des crustacés. PHOTO : GRACIEUSETÉ

Par contre, le homard se porte moins bien dans le golfe du Maine, l’un des endroits qui se réchauffent le plus au monde, selon des océanographes, et où il n’y a pas de glace en hiver. Il y a aussi des endroits comme la baie de Fundy où le homard a moins de possibilités de se déplacer vers des eaux plus froides.

Selon Amélie Rondeau, les pêcheurs ont déjà des renseignements pour suivre le précieux crustacé.

Probablement suivre, se tenir au courant des régimes de température. Ils ont déjà accès à de très bonnes données. On fait des publications sur une base régulière. Les pêcheurs sont extrêmement bien équipés et bien au fait de ce qui se passe, des mouvements du homard et tout ça. Je ne suis pas inquiète qu’ils vont être en mesure de remplir leurs casiers, même dans [l’avenir], dit-elle.

Et le crabe des neiges?

Le crabe des neiges est beaucoup plus sensible aux changements de température de l’eau que le homard.

Le crabe des neiges vise un habitat entre – 1 et 3 degrés Celsius. Ce n’est vraiment pas large comme gamme de températures. Puis, si le homard a une expansion de son territoire, pour le crabe des neiges si la température se réchauffe un peu ça veut dire qu’il y a une contraction de son habitat. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas vivre à cette température-là. C’est juste que ce n’est pas sa plage préférentielle de température. Donc, il peut y avoir là aussi une redistribution des populations de crabes de neiges dans les endroits qui restent dans le sud du golfe qui ont les températures appropriées, explique Amélie Rondeau.

D’ailleurs, on retrouve de plus en plus de homards dans l’habitat préféré du crabe des neiges à cause des changements climatiques depuis quelques années. Les pêcheurs de crabe des neiges trouvent du homard dans leurs casiers, ce qui ne se produisait pas auparavant.

Ajoutons que des populations de crabe des neiges vivent déjà dans des eaux un peu moins froides près de la côte néo-écossaise et qu’ils se portent bien.

 

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Des homards fraîchement pêchés. PHOTO : CBC / MARK CROSBY

Selon Amélie Rondeau, avec le réchauffement de l’eau, il se peut que le cycle de reproduction du crabe des neiges se modifie.

On sait que le crabe des neiges se reproduit à un cycle reproducteur basé sur deux années. Avec un réchauffement de l’eau et de son environnement, peut-être que ce cycle va tomber à une année. Ce n’est peut-être pas négatif pour le crabe des neiges. Ça veut dire que les femelles peuvent se reproduire chaque année au lieu d’à chaque deux ans. C’est peut-être bénéfique pour la population. En contrepartie, s’il faut que les femelles se reproduisent, elles ont besoin d’être accouplées. Est-ce qu’il va y avoir suffisamment de mâles pour les accoupler chaque année?, affirme Mme Rondeau.

Il reste encore beaucoup de questions sans réponse sur les effets du réchauffement de l’eau sur le crabe des neiges et bien d’autres espèces. Entre-temps, les chercheurs poursuivent leurs travaux de recherche.

D’après un reportage de Janique LeBlanc
LA UNE : Le réchauffement des eaux risque d’entraîner un changement du cycle de reproduction du crabe des neiges, selon Amélie Rondeau, gestionnaire et scientifique au ministère des Pêches et des Océans du Canada. PHOTO : GETTY IMAGES / CHEFMD