Les eaux du golfe du Saint-Laurent fracassent des records de température

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Ces changements pourraient avoir des répercussions importantes sur la biodiversité. Les eaux du golfe du Saint-Laurent ont fracassé des records de température en 2021. Un chercheur se dit surpris de voir que la couche intermédiaire froide a connu la température la plus chaude en 40 ans et dit de l’année 2021 que c’est une « année remarquable ».

Peter Galbraith est chercheur en océanographie physique à Pêches et Océans Canada. Chaque année, il fait l’état des conditions océanographiques du golfe du Saint-Laurent, grâce au Programme de monitorage de la zone atlantique (PMZA).

Selon lui, l’année 2021 sort de l’ordinaire. «Je suis surpris, ça fait 16 ans que je fais l’état de l’océan et c’est l’année la plus remarquable que j’aie faite,» déclare-t-il.

Il précise que, cette année, les trois couches des eaux du fleuve ont enregistré des records de température : la couche de surface qui varie avec les saisons, la couche intermédiaire froide et les eaux profondes qui viennent de l’océan.

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À la surface, la température de l’eau a atteint un record de chaleur jamais vu à l’automne, particulièrement dans l’estuaire et dans le nord-ouest du golfe. Les mois d’octobre et de novembre 2021 ont connu les températures les plus chaudes depuis 1981.

Mais ce qui est remarquable, selon Peter Galbraith, ce sont les records de chaleur de la couche intermédiaire froide. En été, celle-ci a connu la température la plus chaude en 40 ans.

La couche intermédiaire froide se forme lorsque, au printemps, un noyau froid persiste sous la couche d’eau à la surface. La température de l’eau peut alors demeurer sous 0 °C, même en plein été.

Des records de chaleur ont aussi été enregistrés dans les eaux profondes, à 150 mètres et plus. Selon Peter Galbraith, cette couche des eaux du golfe Saint-Laurent a battu des records de plus de 100 ans.

Impacts inquiétants sur la vie marine

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Même si certaines espèces aiment l’eau chaude, comme le sébaste, il est évident que les températures plus chaudes du Saint-Laurent ont une incidence sur la vie marine.

La crevette nordique, [elle aime un peu moins ça]. Elle est obligée de se déplacer un petit peu plus haut dans la colonne d’eau pour retrouver des températures plus clémentes, plus fraîches, associées à la couche intermédiaire froide, précise Peter Galbraith.

« Pour la biodiversité, c’est jamais une bonne chose de changer l’habitat. » — Une citation de  Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à Pêches et Océans Canada

Le crabe des neiges, dans le nord-est du golfe, subit lui aussi les conséquences des variations de température.

«Ce n’est pas bon pour garder une espèce qui ne peut pas se déplacer très, très rapidement dans des conditions idéales, de varier ces températures d’une année à l’autre. Une stabilité, c’est toujours bon pour tout ce qui vit dans l’eau, mais malheureusement on ne vit pas présentement une stabilité,» ajoute Peter Galbraith.

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La biologiste Lyne Morissette est du même avis et mentionne un triste constat des records qui se battent année après année.

Ça va affecter, la majeure partie du temps, de façon très négative, le cycle de vie des organismes marins, dit-elle.

La biologiste précise que les changements de température – et conséquemment le déplacement des espèces marines – a une incidence sur les pêcheries.

Elle ajoute que certaines espèces moins touchées par la variation de température suivront quand même leur nourriture, comme la baleine noire de l’Atlantique Nord, qui revient dans le golfe du Saint-Laurent.

Des données importantes pour les biologistes

Le Programme de monitorage de la zone atlantique permet aux chercheurs d’accumuler ces données et de les interpréter pour ensuite les fournir aux biologistes qui tenteront de déterminer différentes approches pour une meilleure gestion des ressources.

Selon Peter Galbraith, l’année 2021 permettra d’expliquer les facteurs qui mènent à une augmentation de température de la couche intermédiaire froide.

«Ce qui s’est passé en 2021 va être très pertinent dans le contexte des changements climatiques,» dit-il, en précisant que ces données pourront servir d’exemple pour mieux prévoir les conditions des années à venir.

«Il ne s’attend pas à ce que 2022 soit aussi remarquable. Il y a de la glace sur l’estuaire, il fait -20 degrés, on n’aura pas un hiver comme l’an dernier; on peut s’attendre à un répit pour la couche intermédiaire froide,» dit-il.

Rappelons que l’année 2021 a été marquée par un gel tardif du golfe du Saint-Laurent, où la glace n’est apparue qu’à la troisième semaine du mois de janvier, à divers endroits.

PAR Marie-Emma Parenteau avec des informations de Maude Montembeault et de Paul Légère
LA UNE : En 2021, toutes les couches des eaux du golfe du Saint-Laurent ont fracassé des records de température. Ci-dessus: le golfe en hiver vu des Îles-de-la-Madeleine (archives). PHOTO : RADIO-CANADA / JEAN-FRANÇOIS DESCHÊNES