Qu’est-ce qu’une goélette?

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Pacific Grace

Dans la littérature maritime, on y lit qu’il s’agit en quelque sorte d’un navire très effilé, élégant même et dont le gréement est constitué d’une voile de misaine placée à l’avant du grand mât. Quant à la forme polygonale des voiles, elles sont dites « auriques » et parfois « bermudiennes » quand la grande voile est triangulaire. D’ailleurs, l’expression « gréement de goélette » demeure une expression consacrée et dont l’exactitude est aujourd’hui symbolisée par le porte-étendard de la Nouvelle-Écosse, la « Bluenose II ». Le mot goélette, autrefois épelé « goëlette » viendrait par analogie du mot goéland. Ce serait les Bretons qui auraient ainsi nommé cet élégant navire de pêche alors que le concept de sa voilure serait d’origine hollandaise et aurait pris naissance autour du 17e siècle. Il faut souligner qu’à cette époque, des marins pêcheurs bretons partaient des ports de Paimpol et Fécamp en France pour venir pêcher le long des côtes du nouveau continent. Toutefois, tout comme le long des rives du fleuve Saint-Laurent, les Polynésiens utilisent encore le mot « goélettes » pour désigner les petits caboteurs qui assurent les liaisons de ravitaillement entre les diverses Îles de leur archipel.

Dans la langue anglaise, on appelle ce voilier un « schooner » et l’origine de ce mot est tout aussi particulière.   Une légende populaire veut que la première goélette ait été construite par le constructeur Andrew Robinson et lancée à Gloucester, Massachusetts, où un spectateur se serait exclamé : « Oh! Look how she scoon » (Oh! Regardez comment elle glisse », le mot « Scoon » étant similaire à scone, un mot écossais qui signifie sauter le long de la surface de l’eau. Robinson aurait alors répondu : « So scoon be it ». (Une goélette qui saute sur l’eau, eh bien, qu’il en soit ainsi.) On dit que ce lancement aurait eu lieu entre 1713 et 1745. Toutefois, certains grands constructeurs de goélettes comme Howard Chapelle ont rejeté cette histoire comme étant pure fable enfantine, mais certains spécialistes linguistiques estiment que la légende peut soutenir cette origine américaine du mot, si ce n’est l’invention du navire.

Caractéristiques de la goélette

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Le Thomas W.Lawson, le plus gros navire à gréement goélette jamais construit.

Au cours du temps, sa silhouette a évolué, mais des caractéristiques majeures sont demeurées intactes. Les puristes diront que pour qu’on appelle un voilier, une goélette, il lui faut d’abord une voilure correspondante, peu importe la forme de la coque. Pour les durs de durs, la coque aura tout autant son importance alors que le nombre de mâts n’influencera pas sur la désignation de ce type de navire. En effet, les Portuguais en particulier sont venus pêcher sur les Grands bancs de Terre-Neuve avec des barques à gréement goélette dotées de cinq mâts, rien de moins. Les Américains, jamais en reste, ont gréé une barque de 7 mâts à gréement goélette, le THOMAS W.LAWSON. D’une longueur de 145 m (475 pieds), jaugeant 5300 tonnes, elle fut inaugurée en juillet 1902 pour finir une courte carrière en 1907, victime de la concurrence des bateaux à vapeur. Afin de donner un ordre de grandeur aux néophytes en la matière, disons qu’il s’agissait d’un navire plus long que le CTMA VACANCIER (126 m – 413 pieds) mais en contrepartie doté de lignes beaucoup plus fines, voilure oblige (5300 tonnes vs le VACANCIER : 12000 tonnes). Toutefois, l’image traditionnelle qui restera d’époque sera celle de tous les voiliers de pêches et de courses ressemblants en tous points à la «BLUENOSE», une goélette mythique dont une province canadienne en a fait son symbole. Il s’agit d’une coque fine, peu large pour la voilure qu’elle doit porter, dotée d’une quille profonde et dont les formes minimisent la trainée et les remous, excellents destructeurs de vitesse. Voilà qui explique pourquoi ce genre de coque et de gréement fut prisé d’abord par les pirates, les flibustiers, les boucaniers, les corsaires et aussi, les rhum-runners (1). Ces gens avaient besoin de navires rapides pour rivaliser avec les lourds vaisseaux des nations dominantes de leur époque. Plus tard, les pilotes utilisèrent aussi ce type de navire pour sa rapidité légendaire et ensuite, les pêcheurs, puis les caboteurs. Bien qu’offrant moins de capacité de charge, leur rapidité, leur manoeuvrabilité, leur faible besoin d’équipages, leur excellent comportement en haute mer en aura fait la préférence de toute une industrie maritime pendant plus d’un siècle et demi.

La voilure

goeletteLa plupart des pêcheurs n’utilisaient jamais toute la capacité du gréement goélette pour deux raisons principales. D’abord les coûts, l’encombrement et l’entretien d’une garde-robe élaborée et ensuite, le peu d’occasions d’utiliser la totalité des huit voiles que pouvait compter un pur voilier de la trempe de la BLUENOSE.   

   A –Foc volant.

   B – Foc.

   C – Trinquette.

   D – Misaine.

   E – Flèche de misaine.

   F – Fisherman.

   G – Grand-voile.

   H – Flèche de grand-voile.

Comme écrit précédemment, les pêcheurs et les caboteurs n’utilisaient qu’une partie de ce genre de voilure, soit le foc, la trinquette, la misaine et la grand-voile. Dans les eaux du golfe Saint-Laurent, ce type d’agencement demeurait à la fois efficace, passablement sécuritaire et facile à manœuvrer. Souvent, on retirait le beaupré, ce long mât horizontal à l’avant, pour ne garder que la trinquette qui devenait alors le foc. Ce beaupré fut d’ailleurs l’objet de craintes pour plusieurs marins tout comme pour leurs familles. Il était en effet très dangereux d’aller ramasser (ferler) le foc au bout du beaupré par mer bien formée et c’est ainsi que cet appareil qui était très efficace pour aider le voilier à remonter presque le nez au vent s’est mérité le surnom de « widow maker » (faiseur de veuves). Plus tard, certains concepteurs réalisèrent qu’en reculant un peu plus les mâts vers l’arrière du navire, on y déplaçait le centre de voilure et le beaupré devenait ainsi à toute fin inutile, ou presque.

Autour des Îles de la Madeleine

L’époque des goélettes eut un effet marquant dans toute l’histoire de la navigation autour de l’archipel madelinot. D’abord propriété d’étrangers, particulièrement d’origine américaine, ces navires firent l’objet d’autant d’admiration que de controverses. Utilisés comme rhum-runners, ils étaient pour le transport de la boisson l’équivalent de ce que sont aujourd’hui les passeurs de drogue. Utilisés comme bateaux de pêche, ils apportaient efficacité, économie locale et admiration. Toutefois, les lois de la circulation en eaux canadiennes étant sous juridiction britannique, la présence de ces goélettes américaines, portugaises et françaises dans les eaux de Sa Majesté ne fit pas toujours bon ménage, les uns prétendant exercer un droit, les autres les accusant de contrebande. C’est d’ailleurs pourquoi dès septembre 1844, soit 23 ans avant la fondation du Canada, un bureau de douanes fut installé aux Îles, précisément à Havre-Aubert. Trois années plus tard, en mai 1847, éclate une mini révolte sur le perron de l’église de cette même paroisse parce qu’on perçoit comme une injustice, les perceptions gouvernementales. La révolte gronde à tel point que le douanier de l’époque, I.C. Belleau craint pour sa vie. En 1849, monsieur Belleau est muté ailleurs et on le remplace par un anglais, James Fox. Peu à peu, les Madelinots ont fini par s’accomoder des douanes, mais pas les Américains. Sans donner de détails, l’histoire relate de nombreuses frictions entre les équipages des goélettes américaines et le bureau des douanes des Îles de la Madeleine. Comme ces goélettes achetaient ou transportaient souvent de la farine, de la viande de porc, du sel, du charbon, des patates, du bois, du vieux fer et parfois… du rhum, on peut supposer que les Madelinots, qu’ils soient pêcheurs ou commerçants, trouvaient leur compte lors de l’arrivée de ces goélettes chaque printemps, ceci au grand désarroi de la Couronne Britanique.

 

Source : Magazine LES ÎLES