L’impact de la grippe aviaire chez les fous de Bassan surprend

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Des centaines de fous de Bassan ainsi que d’autres espèces d’oiseaux marins ont été retrouvés morts sur les plages des îles de la Madeleine au cours des derniers jours. Ces morts ont été attribués à la grippe aviaire, dont plusieurs cas ont été recensés en Atlantique et au Québec, notamment en Gaspésie, au cours des dernières semaines.

Des spécialistes s’étonnent de la virulence du virus de la grippe aviaire parmi les fous de Bassan de la colonie du refuge d’oiseaux migrateurs des rochers aux Oiseaux dans l’archipel madelinot.

Parmi eux, Magella Guillemette étudie les fous de l’île Bonaventure depuis 15 ans.

En entrevue à l’émission Au coeur du monde, il avoue d’emblée être surpris de constater que les fous de Bassan soient touchés par le virus. La grippe aviaire, souligne le spécialiste de l’ornithologie marine, touche normalement des oiseaux comme les canards ou les rapaces.

De son côté, comme beaucoup de résidents des Îles-de-la-Madeleine, la biologiste Lucie d’Amours s’inquiète de voir ces centaines d’oiseaux morts qui jonchent les plages.

La biologiste, qui connaît bien la faune aviaire de l’archipel, avoue n’avoir jamais vu cette situation en plus de 30 ans de carrière. Normalement, la grippe ne tue pas autant que ça, commente Mme d’Amours.

En entrevue à l’émission Bon pied, bonne heure, elle observe que plusieurs cadavres de fous de Bassan étaient ceux de jeunes adultes qui reviennent normalement dans leur colonie d’origine après leurs premières années de vie.

Elle note aussi que les oiseaux morts, qu’elle a vus et manipulés, étaient très maigres. Les fous, explique la biologiste, peuvent accumuler des réserves dans leurs muscles pectoraux, mais dès qu’ils n’ont plus assez de nourriture, ces muscles s’amenuisent.

Est-ce la faim qui les a rendus vulnérables au virus ou le virus qui les a rendus trop malades pour se nourrir? Lucie d’Amours pense que c’est une question qui mérite l’attention.

Les fous doivent être affaiblis, ils doivent avoir des difficultés à voler, et un fou qui ne vole pas ne peut pas plonger, ne peut pas se nourrir, observe-t-elle.

La question intrigue aussi Magella Guillemette. Les oiseaux atteints de la grippe aviaire meurent généralement sans grande perte de poids, dit-il. On va rester aux aguets et voir ce qui se passe avec d’autres espèces d’oiseaux.

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Le professeur au Département de biologie, chimie et géographie de l’UQAR rapporte par ailleurs avoir vu plusieurs photos de cadavres d’autres espèces d’oiseaux marins, mais dit manquer d’informations sur les espèces atteintes pour y voir plus clair.

De l’île Bonaventure aux rochers aux Oiseaux

Le refuge des oiseaux migrateurs des rochers aux Oiseaux de l’archipel abrite le quart des fous de Bassan de l’Amérique du Nord durant la période de reproduction. La colonie a déjà été, rappelle M. Guillemette, la plus importante du golfe.

Les contacts entre la colonie de l’île Bonaventure et celle des rochers aux Oiseaux ne sont pas clairement établis. Selon les recherches, chaque colonie respecte un territoire spécifique, rapporte le spécialiste. Il est possible que les oiseaux fréquentent les mêmes lieux lorsqu’ils sont plus au sud durant l’hiver, observe M. Guillemette.

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Située sur un rocher d’une longueur de 300 mètres et d’une hauteur de 32 m, la colonie des rochers aux Oiseaux reste toutefois difficile d’accès. Les chercheurs qui voudraient étudier la colonie devront faire preuve d’ingéniosité, relève le professeur de l’UQAR.

Le comportement des fous change

Située en face du site touristique de Percé, l’île Bonaventure, le terrain de prédilection du chercheur, abrite la plus importante colonie du golfe, évaluée à plus de 100 000 oiseaux.

Son équipe de travail qui retourne ces jours-ci travailler auprès de la colonie de l’île Bonaventure aidera peut-être à apporter des réponses à ce qui se passe aux îles de la Madeleine.

Chaque année, les chercheurs vont baguer entre 300 et 400 fous de l’île Bonaventure. Si ces oiseaux sont retrouvés morts, l’équipe pourra recueillir l’information.

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Le chercheur explique avoir observé que, depuis une dizaine d’années, le succès de reproduction des fous de Bassan demeure bas en raison notamment de la diminution de poissons comme le maquereau ou le hareng.

Un autre des constats de l’équipe de recherche du professeur Guillemette est que l’aire de répartition des fous dans le golfe se modifie.

Face à la rareté des ressources, les fous parcourent de plus grandes distances pour se nourrir. Magella Guillemette raconte que des pêcheurs voient maintenant des fous de Bassan suivre leurs bateaux à la recherche de résidus d’appâts, comme le font les goélands.

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Lucie d’Amours rappelle que le fou de Bassan, le plus imposant et majestueux des oiseaux marins qui fréquentent le Saint-Laurent, est considéré par les biologistes comme une sorte de sentinelle sur l’état de santé du golfe.

LA UNE : Les biologistes interrogés par Radio-Canada s’étonnent de l’impact de la grippe aviaire sur les fous de Bassan. PHOTO : GRACIEUSETÉ : DIANE HÉBERT
PAR Joane Bérubé