Oui, pourquoi pas le Pont de la mer Rouge?

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La grande majorité des ponts dans le monde prennent le nom du cours d’eau qu’ils enjambent. Et souvent c’est pour se rappeler leur nom d’origine.

Historiquement parlant, la mer Rouge était l’ancien nom du détroit de Northumberland qui lie les trois Provinces maritimes de l’ouest à l’est : le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse. Selon  les anciennes cartes de la région atlantique, l’usage courant au 18e siècle dénommait notre détroit de Northumberland la mer Rouge («m» minuscule) ou Red Sea («R» majuscule).

Sous le Régime français, la toponymie de l’Acadie était d’origine amérindienne ou française. Avec l’arrivée des Britanniques, cette toponymie acadienne a dû subir les chocs de la conquête. Ce fut l’époque des beaux noms anglo-saxons : Nipisiguit devient Bathurst, Grimrose devient Gagetown, Le Coude devient d’abord Monckton et on va lui enlever son « k », etc.

La mer Rouge subira le même sort : William F. Ganong dans Transactions of the Royal Society of Canada, 1906, p.18) mentionne qu’un dénommé capitaine William Owen, en juin 1767, avait écrit : «The soil is rich, loamy red earth, which may have probably given the arm of the sea  between the Island and Nova Scotia, a reddish-tinge when much agitated, and thereby induced  the French to call it la mer Rouge or Red Sea.» (p. 18)

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Plan de l’île de St. Jean au nord de l’Acadie et dans le sud du golfe de St. Laurent.  (1778)  Crédit : Lrary of Congress (Call # : G3425 1778 .F7)

Il cite l’arpenteur Samuel Holland que «La mer rouge or Red Sea probably because of the colour given by the soil of St. John’s Island to the water». (p. 38).

Alan Rayburn (Geographical Names of Prince Edward Island, 1973) explique que ce serait J. F. W. DesBarres, ancien lieutenant-gouverneur de l’Î.-P.-É. qui aurait changé  le nom de la mer Rouge au détroit de Northumberland en honneur du «Northumberland», bateau de son ami, l’amiral Lord Colville de Culross.

Maintenant on voudrait changer le nom du pont de la Confédération et avec raison, du fait que malgré cette désignation qui fait accroire, le Canada n’a jamais été une confédération proprement parlant. C’est un pur subterfuge du Père de la Confédération George Brown, celui qui avait écrit  à la sortie de la Conférence de Québec (1864)  : French Canadianism entirely extinguished.

Malgré ce qu’on veut croire, le Canada est une simple fédération et non une Confédération! Aujourd’hui l’histoire ne fait pas l’unanimité quant à une soi-disant Confédération, comme le dit l’éditorial du 4 mai dans La Voix acadienne. Et ceci n’a rien à faire avec un geste de réconciliation, proprement dit. De nos jours, on s’aperçoit que plusieurs de nos villages ont arboré des noms à graphie mi’kmaq. C’est bien. Cela fait déjà partie de cette grande réconciliation avec les Amérindiens.

Mais, comme le suggère la rédactrice en chef, il faudrait pousser le concept plus loin… en ce sens que le beau nom de Pont de la mer Rouge (Red Sea Crossing) ne serait pas seulement historique, mais également géographiquement pertinent étant donné que ce pont enjambe bien l’ancienne mer Rouge/Red Sea telle qu’elle était interpellée à la fois par les Amérindiens, les Français, les Acadiens et les Anglais et sur les cartes géographiques anciennes des trois Provinces maritimes. Il y a même aujourd’hui et depuis fort longtemps une société qui s’appelle la Société historique de la mer Rouge (Shédiac).

David Le Gallant

Acadien de nationalité 

 

LA UNE : Carte de la Nouvelle-Écosse ou de l’Acadie, avec les îles du Cap-Breton et de St. John’s, d’après les relevés effectués par le capitaine Montresor (1776). Crédit : Huntingdon Library (Call # : 105:610 M)