Yvon Arsenault : Un homme et ses chapelets

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Yvon Arsenault a passé une grande partie de sa vie dans le nord de l’Ontario, comme opérateur de machinerie lourde.  Lorsqu’il a pris sa retraite, il est revenu vivre dans sa province natale et dans sa région natale.  C’est un peu par hasard qu’il a commencé à faire des chapelets.  Il estime en avoir fait au-delà de 4 000. 

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Depuis au moins 20 ans, Yvon Arsenault, maintenant âgé de 91 ans, fabrique des chapelets. Outre les perles, il utilise du fil métallique pour les mailles et des petites pinces qui viennent de Fatima, un détail qui lui plait bien. Il en a déjà fait six ou sept par jour mais à présent, il se contente d’en fabriquer un ou deux.

Assis bien droit à sa table de cuisine, une petite paire de pinces à la main, Yvon Arsenault coupe et plie le métal et enfile les perles les unes après les autres, presque sans regarder.  «C’est comme une femme qui tricote», dit-il sans s’interrompre.

Les gestes sont simples, répétitifs et précis.  «Je peux dire que mes premiers 1 000 chapelets étaient moins réguliers que ceux-ci. Après au moins 4 000, j’ai pris le tour.»

Yvon Arsenault aura 92 ans le 23 mai prochain.  Il est connu comme Yvon à Gabrielle.  Sa mère, Gabrielle Bérubé, est devenue veuve lorsqu’Yvon avait à peine 11 ans.  C’est pour ça que le nom de sa mère lui est resté, plutôt que le nom de son père, Émilien F. Arsenault.  «On était neuf enfants. Vraiment, on était dix, mais une de mes sœurs est morte jeune», raconte-t-il.

C’est justement par une de ses sœurs, Yvette, qu’il a commencé à fabriquer des chapelets. L’histoire va comme suit.  Une religieuse native de la région Évangéline, (sœur Marguerite Arsenault) fabriquait des chapelets et les envoyait dans les missions.  Ayant besoin d’aide pour en fabriquer plus, elle a confié à Yvette le nécessaire de fabrication.  Or, fabriquer des chapelets donnait à Yvette des douleurs au dos.  Elle a donné son matériel à Yvon.  Il n’en fallait pas plus.

«Le premier chapelet que j’ai fait, il m’a pris une journée.  Depuis, je me suis amélioré.  Sœur Marguerite a continué à m’en demander et à m’apporter des perles pour que j’en fasse toujours plus.  Il y a des jours où j’ai pu en faire six ou sept par jour, peut-être plus.  Elle était toujours bien contente.  Les plus beaux, elle les vendait pour acheter d’autres fournitures.  Les autres, elle les envoyait aux missions.  Maintenant que sœur Marguerite est partie, je fais des chapelets seulement pour les donner aux alentours et pour passer le temps.»

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Sa table de cuisine est comme un petit sanctuaire.  On y trouve entre autres un chapelet qu’il avait fabriqué pour sa propre soeur Fernande (soeur Marie-Fernande Arsenault).

Yvon Arsenault dit son chapelet chaque matin.  «Ça me prend une demi-heure.  Des fois, la chatte vient me demander pour aller dehors.  Je descends les marches en priant et je les remonte de la même façon» dit-il en souriant.  Yvon a une grande affection pour Acadia, sa chatte toute noire.

Des perles et des perles, amen

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Les mains habiles, sans aucune trace d’arthrite, Yvon connait les gestes par coeur.

Il faut 59 perles pour faire un chapelet : cinq séries de 10 perles «Je vous salue Marie»; une perle «Gloire soit au père» entre chaque série; une courte série de trois perles «Je vous salue Marie», précédée et suivie d’une perle «Gloire soit au père».  Le «Notre Père» est récité au crucifix et à l’intersection, où Yvon place toujours une jolie petite image.

Parmi ses perles, Yvon affectionne particulièrement celles qu’un prêtre maintenant décédé lui a données.  «Le père Paul Egan était curé à Kelly’s Cross.  Quand j’allais visiter ma sœur qui vivait là-bas, j’avais eu l’occasion de le rencontrer.  Il avait appris que je faisais des chapelets.  Il a eu un gros accident.  Il est resté à l’hôpital presqu’un an et un jour, il est venu me voir pour que je lui montre à faire des chapelets.  Il a pris des dizaines de photos avec son téléphone et il s’est pratiqué à faire des chapelets.  Il a acheté de belles perles et, quand il est mort, il les a laissées à mon nom.  J’ai fait beaucoup de chapelets avec.  J’ai utilisé presque toutes ses perles.»

Durant sa vie professionnelle, Yvon a travaillé dans les grosses machineries, à des températures de – 40°, en hiver.  «Il y a des fois où je ne sentais plus mes mains.  Je suis chanceux que je n’ai pas trop d’arthrite.  Pourtant, je devrais en avoir, avec le travail que je faisais.  Je suis revenu dans la région en 1989, ça fait plus de 30 ans maintenant.  J’ai construit ma maison, et c’est moi-même qui l’ai placée sur la fondation, avec la grue.»

Homme à tout faire, ou presque, Yvon aime bricoler sur des autos.  «Il me reste deux petites Cadillacs.  Ce sont de bonnes voitures ça.»

Yvon Arsenault adore donner des chapelets.  Ce sont de beaux objets, bien faits, et pleins de symbolisme.

 

PAR Jacinthe Laforest

LA UNE : Autrefois opérateur de machinerie lourde, Yvon Arsenault, d’Abram-Village, fabrique de délicats chapelets qu’il distribue avec bonté. Il estime en avoir fait plus de 4 000. (Photos : J.L.)