Insularité et développement durable

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CHRONIQUE / Jeudi dernier, j’étais invité à prononcer une conférence aux Armateurs du Saint-Laurent, lors de leur réunion à Cap-aux-Meules, aux Îles-de-la-Madeleine. Avec mon équipe, nous accompagnons la Coopérative de transport maritime et aérien (CTMA) qui désire se doter d’une stratégie de développement durable. Entre autres, la CTMA opère le traversier Madeleine II, qui fait la navette entre l’Île-du-Prince-Édouard et les Îles-de-la-Madeleine, un cargo, le Voyageur 2, reliant les Îles à Montréal, des remorqueurs, des dragues et une flotte de camions permettant de servir les besoins des Madelinots et des touristes qui les visitent. 

quotidien

La CTMA a entrepris en 2022 une démarche d’appropriation du Programme 2030 de développement durable des Nations Unies. Ce programme, adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale de l’ONU en 2015, comporte 17 objectifs (ODD) dotés de 169 cibles opérationnelles et de mise en œuvre qui s’adressent à tous les pays du monde. Il est toutefois possible d’adapter les cibles pour des entreprises par un procédé qu’on appelle « localisation des ODD ». Cela permet d’harmoniser les objectifs stratégiques d’une organisation avec les cibles pertinentes du Programme 2030.

Parmi les thématiques de ma conférence, j’ai élaboré sur le thème de l’insularité et du développement durable. Pourquoi ne pas le partager avec vous à la veille des vacances ?

Les humains sont des mammifères terrestres. Pour nous, l’océan est un territoire hostile. L’ingéniosité de nos ancêtres a permis de contourner ce problème en inventant toutes sortes d’embarcations et de techniques de navigation qui expliquent que les îles, un peu partout sur la planète, ont été peuplées au cours du Néolithique.

Mais s’installer sur des îles comporte un certain nombre de défis. D’abord, celui des ressources limitées. La disponibilité de terres propices à l’agriculture peut rapidement s’avérer un enjeu auquel les populations insulaires ont appris à pallier par la pêche, mais aussi par la déforestation. Le besoin de bois pour la construction de bateaux, de maisons, pour le chauffage et la cuisson des aliments, amplifie ce phénomène à mesure que la population s’accroît. Cela s’est traduit à beaucoup d’endroits par une déforestation presque totale. Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique et le relèvement du niveau de la mer, le sort des insulaires est menacé par l’érosion partout dans le monde. Cela préfigure le dilemme de l’humanité qui est confrontée aux limites de la planète.

Sur les îles, il y a plein de limites. Heureusement, la maîtrise de la navigation a permis à beaucoup de populations insulaires de pallier ces manques par le commerce. Le maintien du niveau de vie des insulaires dépend donc en grande partie du transport maritime. Un bateau, c’est une île qui se déplace pour échanger. Avec l’avènement des liaisons aériennes au vingtième siècle, on a augmenté la vitesse, mais on n’a pas changé le paradigme. Et malheureusement, l’humanité ne peut pas espérer atténuer les limites des systèmes naturels par la navigation spatiale.

Les îles sont donc un microcosme, pour appliquer le développement durable. En effet, les besoins des gens qui y vivent ou des touristes qui s’y rendent ne peuvent être satisfaits sans une vision intégrée respectant la capacité de support du milieu. Bien sûr, on parle ici de la capacité de support environnementale, mais aussi de la capacité de support sociétale. La première est affectée par les enjeux de gestion des déchets, de protection du littoral, de la biodiversité et de la qualité du milieu marin.

Mais les populations insulaires développent une culture qui leur est propre et qui reflète souvent, non seulement leur origine et leur histoire, mais aussi les impératifs de la survie dans leur milieu. Cela explique sans doute leur unicité et le fort sentiment d’appartenance qui les caractérise. Cette culture est fragilisée par les impératifs économiques et par l’hégémonie de la société industrielle. Comment préserver de façon dynamique le milieu naturel et culturel des îles dans un monde en changement ? Voilà la question!

L’analyse systémique de la durabilité peut nous permettre de trouver des pistes pour y répondre. En appliquant une approche de localisation des cibles des ODD pour définir sa stratégie de transition vers le développement durable, la CTMA peut initier la réflexion de la communauté madelinienne de manière plus large. Mais comment y arriver ? N’est-ce pas utopique ?

L’approche que nous avons proposée est au contraire très pragmatique. Avec les outils que nous avons développés, le défi peut être relevé avec l’ensemble de la communauté. Nous accompagnons la CTMA pour repérer les actions déjà en cours qui répondent à des cibles du Programme 2030. Il faudra ensuite les pondérer et les évaluer, déterminer la compétence de l’organisation pour améliorer cette performance et les prioriser. Cela permettra de consulter les parties prenantes dans l’archipel, de développer une stratégie cohérente et d’adopter un plan d’action en conséquence. Ainsi, la démarche de l’entreprise permettra à l’ensemble des Madelinots de se donner une vision commune de leur avenir. La CTMA étant une entreprise qui appartient aux Madelinots, elle peut devenir le moteur du développement durable en milieu insulaire.

PAR CLAUDE VILLENEUVE