Les billets à 500$ causent des maux de tête aux Îles

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La pression touristique était déjà forte en été sur l’archipel avant l’annonce du gouvernement Legault.

Les billets à 500 $ n’ont pas aidé le tourisme aux Îles-de-la-Madeleine où les hôtels et autres attractions affichaient complet cet été avant même l’annonce du gouvernement Legault.

« Bonnardel, il n’a pas compris comment ça marchait, aux Îles », lance sans détour Amélie Chiasson, propriétaire de Leblanc location d’autos, rencontrée par Le Journal sur l’archipel.

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Des acteurs du tourisme aux Îles jugent que le programme du ministre des Transports François Bonnardel rate la cible en subventionnant des billets même en haute saison touristique.

Depuis le 1er juin, les Québécois peuvent se procurer un aller-retour vers certaines destinations régionales — dont les Îles-de-la-Madeleine — pour 500 $ grâce à une subvention du ministère des Transports.

« Tu n’offres pas des billets à 500 $ quand les billets se vendent de toute façon. Ce n’était pas nécessaire. Tu peux en offrir, en octobre, en novembre », ajoute Mme Chiasson.

En effet, presque tous les hôtels sont pleins et il faut réserver des semaines à l’avance pour aller au restaurant.

La situation est à ce point critique que certains touristes sont incapables de louer une voiture et doivent se déplacer à vélo (voir autre texte).

Plaire à l’électorat

Dans ce contexte, Mme Chiasson suspecte que l’annonce du ministre des Bonnardel ait été précipitée pour satisfaire l’électorat.

« Y’a des élections en octobre. C’est comme le 500 $ à Legault », raille-t-elle.

La directrice des ventes de l’hôtel Château Madelinot, Ariane Bérubé, tire des conclusions semblables quand vient le temps d’analyser la pertinence du programme en haute saison.

« Est-ce qu’on aurait aimé que le programme nous permette d’allonger notre saison au printemps et à l’automne ? La réponse, c’est oui. Lorsqu’on a vu le résultat [du programme], on a été un peu surpris », fait remarquer Mme Bérubé, qui salue tout de même l’intérêt du ministre pour le transport régional.

« Il n’est pas trop tard pour se rétracter. Moi, je pense qu’il faut laisser la chance et qu’il y a beaucoup d’essais-erreurs. »

Déceptions chez des touristes

Son de cloche semblable chez le Club voyage Les Îles, qui a dû gérer plusieurs déceptions parmi les clients qui avaient acheté leur billet à plein prix.

« Juillet et août, je pense qu’on est à saturation. Est-ce que le programme pourrait être adapté pour que ces deux mois-là soient exclus ? » demande France Groulx, copropriétaire de l’agence.

Elle remarque par ailleurs que plusieurs ont choisi de repousser la réservation de leurs vacances au 1er juin, date du lancement du programme, en espérant pouvoir mettre la main sur un des billets à 500 $.

Au cabinet du ministre des Transports, on se félicite plutôt d’avoir reçu l’appui de partenaires municipaux.

« Le programme fonctionne et nous sommes fiers d’avoir mis en place ce plan ambitieux qui vise à stimuler la demande pour nos régions sur une base annuelle », soutient l’attachée de presse Claudia Loupret.


Le billet à 500 $ en bref

  • Programme du gouvernement du Québec qui vise à « stimuler l’économie régionale et la reprise des activités touristiques » ;
  • Enveloppe de 71 millions $, du 1er juin 2022 au 31 mars 2024 ;
  • Offert à l’année entre Montréal ou Québec et une quinzaine de régions, dont les Îles-de-la-Madeleine ;
  • Quelque 100 000 billets par année sont disponibles au rabais ;
  • 3948 billets ont été vendus en date du 16 juin 2022.

IMPOSSIBLE DE LOUER UNE VOITURE

Signe que les Îles sont saturées de touristes en haute saison, une famille de Pointe-Claire, a été contrainte de se déplacer à vélo dans l’archipel, faute de voitures disponibles en location.

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La pénurie de voitures sur l’île a perturbé les plans de la petite famille de la banlieue de Montréal quelques jours à peine après qu’ils eurent réservé leurs billets d’avion, à la fin mai.

« Tout s’alignait assez bien avec les vols. On a trouvé un hébergement même si on était à la dernière minute, mais on n’avait pas pris en compte la situation des voitures », avoue candidement Stéphanie Milse, en vacances aux Îles depuis le 26 juin.

La petite famille avait d’abord comme projet de visiter le Portugal. Mais en raison de la crise des passeports, elle a annulé son voyage outre-Atlantique et jeté son dévolu sur l’archipel du Saint-Laurent.

Après moult appels et courriels, la famille de quatre a dû se rendre à l’évidence : il ne serait pas possible de parcourir les Îles-de-la-Madeleine en voiture.

À vélo pour se déplacer

« On a été très surpris de la situation. On ne s’attendait pas à ça. On s’est dit qu’on aurait dû vérifier avant [l’achat des billets d’avion], pour nous assurer que tout fonctionne », reconnaît après coup la mère de deux garçons de 1 et 3 ans.

Qu’à cela ne tienne : ne reculant devant aucun défi, Stéphanie Milse et sa famille ont opté pour la location de vélos. Une idée qui les a rapidement charmées.

À cet égard, plusieurs personnes informées de leur projet de voyage n’ont pas hésité à leur servir des avertissements.

« Plusieurs nous ont dit : “Vous êtes fous, ne faites pas ça, annulez votre voyage !” » reconnaît Mme Milse, qui ne se laisse pas pour autant impressionner.

Dans une boutique de location de vélo de Cap-aux-Meules, on confirme que la situation de cette famille est loin d’être unique.

« Il semble y avoir beaucoup plus de monde en avion cette année. Ça appelle tous les jours, dernière minute », explique Louis-Éric Cyr, responsable de l’atelier de vélo chez Le Pédalier.

« Le monde ne s’imagine pas que les Îles, c’est aussi vaste. Alors ils arrivent ici et réalisent : “Oh, mon Dieu, je suis à 50 km de mon hôtel”. »,

La boutique a d’ailleurs enregistré une hausse de 50 % de ses locations par rapport aux années précédentes, surtout pour des vélos électriques.

UN MOIS DE MAI RECORD

L’archipel a connu un début de saison record, selon les intervenants touristiques. Même si les restrictions de voyage à l’international sont derrière nous, l’engouement pour les Îles-de-la-Madeleine continue de se faire sentir.

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« On sent que la saison est vraiment devancée. Presque un mois à l’avance », se réjouit Marie-Claude Vigneault, propriétaire du Café de la Grave, une institution aux Îles.

« On a eu un mois de mai vraiment très achalandé. Et en juin, on fait des journées comme si c’était juillet », poursuit-elle.

Un début plus rapide

Au Château Madelinot, on est agréablement surpris de voir les Québécois toujours au rendez-vous, malgré l’ouverture des frontières internationales.

« La saison touristique a commencé plus tôt, et elle a commencé plus rapidement. Je suis la première étonnée, et c’est une belle surprise », explique Ariane Bérubé, directrice des ventes pour le complexe hôtelier.

Simon Barrette, un instructeur de sports nautiques chez Aerosport, peine à croire que les touristes soient arrivés si tôt aux Îles.

Ouvrir plus tôt

« Il y a beaucoup de touristes début juin, et c’est quelque chose à quoi on n’est vraiment pas habitués. Chaque fois que je les vois rentrer en boutique, ça me surprend, indique-t-il. Déjà, on parle d’ouvrir plus tôt la saison prochaine. »

Un début de saison qui a de quoi réjouir Tourisme Îles-de-la-Madeleine. Depuis plus d’une décennie, l’organisme tente par tous les moyens d’étirer la saison touristique.

« Ce qui est important pour nous, c’est de tempérer juillet et août, pour essayer que ça se répartisse sur les autres mois, explique Michel Donato, directeur général de Tourisme Îles-de-la-Madeleine. On a un peu le même mandat que la Santé publique ; on doit aplatir la courbe [de touristes]. »

 

 

LA UNE : Pas moins de 68 000 touristes ont visité les Îles-de-la-Madeleine l’an dernier, soit le même nombre qu’avant la pandémie.. PHOTO AGENCE QMI, PASCAL DUGAS BOURDON
PAR PASCAL DUGAS BOURDON