Surenchère aux Îles-de-la-Madeleine : une responsabilité collective?

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Selon les données du site immobilier Centris, le prix médian des maisons aux Îles-de-la-Madeleine a bondi de 28 % depuis un an. Devant ce constat, le maire, Jonathan Lapierre, estime que les Madelinots ont un rôle à jouer pour freiner la surenchère. Les insulaires sont-ils prêts à renoncer à des milliers de dollars pour éviter que leurs îles ne se transforment en « Club Med »?

Au début de l’été, la mise en vente d’une maison à 795 000 $ à Havre-aux-Maisons a enflammé les réseaux sociaux dans l’archipel. Nombreux sont les Madelinots qui dénoncent la flambée immobilière et s’inquiètent d’être en quelque sorte dépossédés de leurs îles natales, au profit de citadins plus fortunés.

C’est le cas de Jonathan Nadeau, un aide-pêcheur et père de quatre enfants qui réside à Fatima, sur l’île du Cap aux Meules.

000$ pour une maison qui en vaut 150000$","text":"Ce n’est pas évident dans le contexte de s'ouvrir une hypothèque à 600000$ pour une maison qui en vaut 150000$"}}">Ce n’est pas évident dans le contexte de s’ouvrir une hypothèque à 600 000 $ pour une maison qui en vaut 150 000 $, lance-t-il. 000$ et 40000$ par année, c’est impossible.","text":"Les maisons se font acheter à des prix épouvantables, parce que les gens de la ville veulent un beau petit coin de paradis comme deuxième maison, mais on ne peut pas compétitionner avec les prix du marché d’aujourd’hui, surtout avec un travail où on gagne entre 30000$ et 40000$ par année, c’est impossible."}}">Les maisons se font acheter à des prix épouvantables, parce que les gens de la ville veulent un beau petit coin de paradis comme deuxième maison, mais on ne peut pas compétitionner avec les prix du marché d’aujourd’hui, surtout avec un travail où on gagne entre 30 000 $ et 40 000 $ par année, c’est impossible.

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Installée aux Îles-de-la-Madeleine depuis janvier, la directrice de la Maison des jeunes de l’île du Havre Aubert, Gabrielle Létourneau, ne voit pas non plus comment elle pourra accéder à la propriété dans l’archipel. Elle s’inquiète aussi de la situation en tant que responsable de l’embauche, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Si c’est seulement les gens avec les emplois les mieux rémunérés qui sont capables de s’acheter une maison, il y aura tout un pan du marché de l’emploi où on ne pourra attirer personne aux Îles, croit-elle. 000$ par année, je ne fais même pas ça moi-même!","text":"Je ne peux pas engager des gens à 50000$ par année, je ne fais même pas ça moi-même!"}}">Je ne peux pas engager des gens à 50 000 $ par année, je ne fais même pas ça moi-même!

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Au-delà du recrutement, la directrice de la Maison des jeunes L’Hav-nir est surtout préoccupée par l’avenir des adolescents madelinots qu’elle côtoie au quotidien.

« Il y a des jeunes qui nous ont dit que, pour eux, c’est déjà clair qu’ils vont partir des Îles, parce qu’ils ne pourront jamais acheter une maison, ils ne pourront jamais se loger. Ils sont très lucides, ils voient les choses aller. » — Une citation de  Gabrielle Létourneau, directrice de la Maison des jeunes L’Hav-nir

Le point de vue du maire… et du père de famille

Radio-Canada a demandé à Jonathan Lapierre, à la fois maire des Îles-de-la-Madeleine et père d’une adolescente, s’il craignait que sa fille ne soit pas en mesure de devenir propriétaire terrienne dans l’archipel.

Je ne crains pas ça, parce que si elle ne peut pas le faire ici, elle ne pourra pas le faire ailleurs, répond-il. Oui, ça peut paraître inquiétant, il faut quand même l’admettre, mais mon inquiétude elle est globale, elle est pour l’ensemble du Québec.

Est-ce que notre prochaine génération va être condamnée à être une génération de locataires?, questionne Jonathan Lapierre. ans n’a pas les moyens d’acheter un terrain ou une maison ici, je ne sais pas où elle va habiter, mais elle ne pourra pas ailleurs, parce que c’est toujours plus cher ailleurs.","text":"C’est possible, tellement le coût d’une propriété risque d’être cher avec le taux d’intérêt et l’inflation. Mais si ma fille qui a 15ans n’a pas les moyens d’acheter un terrain ou une maison ici, je ne sais pas où elle va habiter, mais elle ne pourra pas ailleurs, parce que c’est toujours plus cher ailleurs."}}">C’est possible, tellement le coût d’une propriété risque d’être cher avec le taux d’intérêt et l’inflation. Mais si ma fille qui a 15 ans n’a pas les moyens d’acheter un terrain ou une maison ici, je ne sais pas où elle va habiter, mais elle ne pourra pas ailleurs, parce que c’est toujours plus cher ailleurs.

La Municipalité a récemment mené des actions pour tenter de freiner la spéculation et la surenchère immobilières, mais le maire estime que chaque Madelinot a aussi une responsabilité individuelle.

« Le citoyen lui-même a un rôle à jouer sur la spéculation. Il n’y a pas une loi, un gouvernement ou une municipalité qui peut empêcher quelqu’un de vendre sa maison au prix qu’un acheteur est prêt à payer. C’est un choix personnel. » — Une citation de  Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine

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Dans ce contexte, le maire invite ses concitoyens à être plus consciencieux lors de la vente de terrain ou de maison.

« Il n’y a personne qui nous force à vendre nos terrains et nos maisons, personne! J’invite les gens, s’ils se sentent dépossédés de leur territoire, à encourager leur entourage à cesser de vendre au plus offrant, et souvent le plus offrant qui ne vient pas d’ici. » — Une citation de  Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine

Il faut que les gens réalisent qu’on est peut-être allés trop loin collectivement et qu’ils se disent qu’on a le pouvoir encore de favoriser les gens qui habitent ici. Ça se fait d’ailleurs, il y a quelqu’un qui a pris cette décision-là récemment en vendant sa maison, précise-t-il.

Prioriser la vente aux Madelinots : l’exemple de Camille Cyr

L’exemple auquel Jonathan Lapierre fait référence est celui de Camille Cyr.

La résidente de Québec, fille de Madelinots, a récemment mis en vente sa maison située à L’Étang-du-Nord, sur l’île du Cap aux Meules, sans l’aide d’un courtier.

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Son annonce sur les réseaux sociaux indique qu’elle voudrait vendre en priorité à un Madelinot, une appellation qui, selon Camille Cyr, inclut toutes les personnes qui résident tout au long de l’année aux Îles, sans égard à leur lieu de naissance ou à leur appartenance familiale.

Quand j’ai pris la décision de vendre ma maison, c’était clair pour moi que le but n’était pas de vendre à quelqu’un qui vient du continent qui allait ensuite la vendre à des touristes, lance Camille Cyr. C’est vraiment pour faire ma part, pour assurer un dynamisme aux Îles et que les jeunes puissent avoir une place pour se loger à l’année.

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À 31 ans, Camille Cyr sait toutefois que sa conscience sociale risque de lui faire perdre des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars supplémentaires, car elle se prive d’une potentielle surenchère de la part de citadins.

« Je sais que je pourrais avoir plus cher, c’est évident, mais ce que je veux, c’est un prix juste. Il n’y a pas juste l’argent dans la vie. » — Une citation de  Camille Cyr, qui a mis en vente sa maison aux Îles-de-la-Madeleine

Une prise de conscience collective

La directrice de la Maison des jeunes L’Hav-nir, Gabrielle Létourneau, estime que l’initiative de Camille Cyr est encourageante.

Depuis son arrivée dans l’archipel, la néo-Madelienne dit observer une prise de conscience des insulaires avec qui elle discute souvent de la question du logement.

Les gens sont conscients en ce moment de ce qui se passe, de l’importance de protéger les terrains et les maisons pour justement loger les gens qui travaillent ici à l’année, croit Gabrielle Létourneau. C’est une responsabilité qui est vraiment collective.

« Il n’y a personne qui a le goût que ça devienne un peu comme un Club Med ici. Au-delà de l’été, la vie à l’année aux Îles est vraiment riche et spéciale. C’est important de protéger cet aspect-là. » — Une citation de  Gabrielle Létourneau, directrice de la Maison des jeunes L’Hav-nir

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Elle espère ainsi que les résidents de l’archipel et ses décideurs garderont toujours en tête l’avenir des jeunes afin que les enfants madelinots ne soient pas dépossédés de leurs îles natales.

Ça ne fait pas longtemps que je suis arrivée, je vois tout ça d’un œil un peu extérieur, mais s’il y a une chose qu’il ne faut pas oublier de considérer, c’est que les jeunes puissent rester aux Îles s’ils veulent rester. On a besoin d’eux autres, la communauté a besoin des jeunes, donc c’est important de ne pas les oublier et de penser à eux autres dans tout ça, conclut Gabrielle Létourneau.

LA UNE : Le parc immobilier des Îles-de-la-Madeleine est composé à près de 85 % de résidences unifamiliales (archives). PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE

PAR Isabelle Larose