L’avenir des pêches aux Îles

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Si le dossier du transport aérien est le dossier de tous les dossiers aux Îles de la Madeleine, comme je l’exposais dans ma chronique du 14 septembre dernier, on peut affirmer que le métier de pêcheur est le métier de tous les métiers aux Îles.  Il est celui qui nous définit le mieux et la pêche est la base de notre économie.  J’irais même jusqu’à dire que chaque Madeleinienne et chaque Madelinot porte en elle et en lui une âme de pêcheur et peut dire, comme le chante Zachary Richard : « J’ai l’écume dans les veines.»

La promesse libérale de créer un ministère des pêches

Je ne vous cacherai pas ma surprise, en prenant connaissance de la plateforme électorale du PLQ, devant leur proposition de créer un ministère entièrement dédié aux pêches.

L’idée est intéressante, mais nous savons tous que les pêches sont de juridiction fédérale, du moins pour l’essentiel.  À ma connaissance, il y a deux façons de récupérer les leviers nécessaires pour pouvoir créer un Ministère des Pêches digne de ce nom au Québec.  La première serait de modifier la Constitution canadienne, rapatriée sans le consentement du Québec en avril 1982 et dont aucun des onze Premiers ministres – dont quatre libéraux – depuis et jusqu’à ce jour n’a accepté d’apposer sa signature à ce coup de force unilatéral.  La deuxième façon consisterait à devenir un pays indépendant.  Je crois que notre population est en droit de connaître l’option que retient le PLQ qui constitue, rien de moins, qu’un virage à 180 degrés sur le plan constitutionnel.  Le PLQ serait-il en train de devenir souverainiste…

Je ne crois pas que, dans le contexte politique actuel, l’idée de créer un ministère des pêches soit l’idée du siècle.  J’estime qu’on devrait plutôt plancher sur les outils inclus dans la loi du MAPAQ, qui elle relève entièrement de l’Assemblée nationale, pour amorcer et développer un chantier de réflexion, notamment, sur les deuxième et troisième transformations des produits halieutiques pour ajouter de la richesse aux Îles et au Québec.  Et pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui se fait de meilleur, et qui s’érige en modèle à plusieurs égards, au chapitre de l’agroalimentaire au Québec qui relève justement du MAPAQ.

Autres pistes et chantiers à explorer

Les eaux du Golfe Saint-Laurent, dans lequel baigne nos Îles est un jardin que nous devons entretenir avec grand soin.  Les Îles sont entourées d’un immense jardin marin.  Malgré les nombreuses études entreprises et réalisées sur les fonds marins de l’Archipel, j’estime que notre méconnaissance du processus de régénérescence de ce jardin et de ses labours nécessite une vision globale et un travail collectif encore jamais entrepris.  Nous devons éviter le piège du regard en silo et à la pièce.  La fragilité de notre milieu marin, surtout dans le contexte climatique actuel, nous oblige, plus que jamais, à nous détourner de toute lecture à courte vue pour nous laisser guider et habiter par la grandeur du bien commun :  ce lieu de survivance de nos aïeux et de toute possible résilience pour aujourd’hui et demain.  Pour l’heure, et de façon générale, les captures de poisson et de crustacés sont satisfaisantes et généreuses, mais qu’en sera-t-il demain.  Il faut en être conscient et encore davantage être très vigilant.

Il existe tant d’éléments et angles possibles à regarder.  Les associations et regroupements de pêcheurs, les divers intervenants du milieu ainsi que les travailleuses, les travailleurs et les entreprises liées aux ressources halieutiques sont aux aguets et en permanente réflexion.  Je les en félicite.  Je me limiterai ici à partager avec vous, en point de forme sans les développer, quelques pistes et chantiers à explorer.

  • Certaines attaques massives animalistes ont court actuellement, notamment en provenance des États-Unis, eu égard aux crustacés que sont le homard et le crabe. Pour éviter le désastre qu’ont causé les campagnes de désinformation contre la chasse aux phoques et nos chasseurs que nous avons connus et connaissons encore depuis les années 1970, il nous faudra y aller d’une contre-offensive publicitaire et de terrain pour vanter la qualité de nos fruits de mer, nos méthodes de pêches et notre rigoureuse gestion de nos ressources halieutiques.    Une telle offensive publicitaire doit être orchestrée et financée, sans délai.  Et une opération de cette envergure ne peut être faite que par le gouvernement fédéral et du Québec, en concertation avec le milieu des pêches, leurs associations et leurs regroupements.  Une stratégie de marketing massive et sérieuse doit avoir un caractère permanent, et un budget très important et pérenne doit y être consacré par nos deux ordres de gouvernement.  Il ne faut pas adopter une stratégie défensive mais offensive et surtout ne pas attendre que viennent des attaques mesquines de groupes idéologiques pour vanter et poursuivre plus globalement la promotion de la qualité de nos produits marins.
  • Nous devons avoir un chantier de réflexion sur la mise en marché de nos produits de la mer. Est-elle suffisamment maximisée ?  Comment nous assurer qu’elle le soit ?  Et n’oublions jamais, qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même… Pensons globalement, créons localement !
  • Un autre chantier de réflexion officiel doit être mis en place aux Îles, avec le soutien nécessaire de nos gouvernements, pour discuter de productivité dans la transformation de nos produits de la pêche (Robotisation, formation de nos travailleurs, pénurie de main-d’œuvre, immigration, structure salariale invitante pour le personnel et autres).
  • Chantier sur l’harmonisation du travail dans le processus de gestion des pêches, afin d’éviter les dédoublements coûteux et inutiles entre les intervenants et les acteurs de la pêche. Les communications et les validations permanentes des diverses compréhensions sont d’une importance capitale pour développer une vision commune quant à l’avenir de l’exploitation de nos ressources halieutiques.
  • Dans la gestion de la crise de la baleine noire, les décisions ne peuvent pas être prises que par des fonctionnaires à Ottawa. En premier chef, on doit impliquer les associations et les regroupements de pêcheurs dans le processus.
  • La reconstruction du Port de Cap-aux-Meules est un enjeu majeur pour les pêches aux îles. Il est à souhaiter qu’un Comité de suivi serré soit mis en place impliquant non seulement la CTMA – malgré le fait qu’il s’agisse d’un acteur très important – mais aussi les divers associations et regroupements de pêcheurs côtiers et hauturiers, les plaisanciers, la Communauté maritime des Îles ainsi que le milieu d’affaires concerné.  Dans cette reconstruction du Port de Cap-aux-Meules, n’oublions pas d’être sensible aux gens qui y pratiquent la pêche sportive pour se  divertir et socialiser.
  • Je crois qu’il serait souhaitable de développer le réflexe qui puisse nous permettre de sortir du carcan fédéral/provincial par un meilleur maillage et une plus étroite collaboration entre le MAPAQ et le MPO. Lorsqu’un pêcheur est sur l’eau, la responsabilité territoriale n’est pas une priorité pour lui et il a d’autres chats à fouetter. Les pêcheurs et l’industrie de la pêche ne devraient pas avoir à en subir les effets négatifs qui en résultent.
  • La chasse aux phoques, notamment à l’Île Brion – où les phoques gris qui se « dorlottent » sur les plages semblent avoir davantage de droits que les chasseurs de phoques et que l’ensemble de la population madeleinienne en matière d’accès à cette île paradisiaque – constitue également un enjeu extrêmement important pour les pêches. J’ai l’impression que les autorités fédérales sont davantage préoccupées par la protection de ces phoques gris que par la saine gestion des ressources halieutiques qui sont affectées négativement par sa présence.  Je sais que les chasseurs aux îles sont excessivement vigilants et travaillent de concert avec l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec et j’applaudis les efforts mis de l’avant.  Leur travail est fondamental, mais un appui plus significatif de la part du MPO en collaboration avec le MAPAQ ne serait-il pas nécessaire ?
  • Depuis un certain temps, les pêcheurs professionnels de chez nous demandent au MAPAQ de les appuyer dans leurs démarches auprès du MPO pour que soit protégé le statut de pêcheur-exploitant pour les flottes de moins e 65 pieds. Un groupe de travail pourrait être mis en place avec les deux ordres de gouvernement en collaboration avec les associations et regroupements de pêcheurs pour que soit réglé rapidement ce dossier.

J’en profite pour rendre hommage à nos laboureurs du Golfe, à nos vaillantes ouvrières et à nos vaillants ouvriers qui transforment le fruit de leur labeur dans nos usines, celles et ceux qui travaillent sur les quais ainsi qu’aux gens d’affaires qui ajoutent leurs talents pour s’assurer d’amener tous ces produits dans nos assiettes.

Et, nous ne dirons jamais assez toute l’importance pour les pêcheurs, de concert avec leurs associations et leurs regroupements, avec l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de la mer ainsi qu’avec toute l’industrie de la pêche aux Îles, de faire corps en travaillant toutes et tous ensemble dans la même direction, plus unis que jamais.

La prochaine chronique sera publiée le lundi 26 septembre 2022.  Elle portera sur des gens et des actions à ne pas oublier.

 

Crédit de la photo: Île-D’Entrée. Été 2022, Stephen Prokosh