Démolition imminente d’un édifice patrimonial à Grande-Entrée
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Le bâtiment qui abritait l’ancienne coopérative La Vaillante, dans le secteur de La Pointe, à Grande-Entrée, aux Îles-de-la-Madeleine, sera démoli la semaine prochaine. D’autres bâtiments pourraient subir le même sort, car Québec considère que cette zone présente désormais un « danger imminent » de submersion.
La Municipalité des Îles-de-la-Madeleine a autorisé mardi la démolition de l’immeuble qu’elle avait pourtant cité comme étant patrimonial en raison de sa valeur architecturale et historique.
L’édifice construit en 1952, tout près du plus gros port de pêche de l’archipel, a servi de magasin général pour des générations de Madelinots. La coopérative de consommation La Vaillante a été en activité de 1941 à 1980.
Le bâtiment de La Vaillante est un témoin important de l’histoire des coopératives, qui est elle-même une période marquante de l’histoire économique des Îles. Il est en outre un des rares témoins subsistants de l’époque où La Pointe était un secteur densément bâti, comparable au secteur de La Grave à Havre-Aubert.
Source : Répertoire du patrimoine culturel du Québec et Municipalité des Îles-de-la-Madeleine
C’est pour préserver ce bâtiment qui a joué un rôle marquant dans l’histoire de Grande-Entrée que Bruno Lapierre en a fait l’acquisition il y a quelques années. Ironiquement, c’est pourtant lui qui va devoir procéder à sa démolition.
Cet homme originaire de Grande-Entrée souhaitait transformer l’ancienne coopérative en distillerie et mettre en valeur la riche histoire du site de La Pointe.
Fiona a toutefois déjoué ses plans. Durant la tempête, le secteur de La Pointe a été inondé : près d’un mètre d’eau est entré dans l’ancienne coopérative.
Bruno Lapierre était prêt à surélever le bâtiment pour mener à bien son projet, mais l’avis d’imminence de danger de submersion qu’il a reçu du ministère de la Sécurité publique après le passage de Fiona a brisé son rêve.
Cet avis faisait en sorte qu’il ne pouvait plus assurer l’édifice et rendait illégale la construction d’installations septiques nécessaires pour une distillerie.
Bruno Lapierre affirme que le ministère de la Sécurité publique lui offrait une compensation financière seulement si le bâtiment était détruit et le terrain cédé à la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine.
M. Lapierre souligne qu’il n’aurait reçu aucune aide financière gouvernementale pour déplacer le bâtiment, une option pour laquelle il n’avait pas les moyens de payer, d’autant plus que son projet de distillerie était intimement lié au site de La Pointe.
À contrecœur, il a donc dû se résigner à démolir le bâtiment qui lui était pourtant si cher après avoir consacré trois ans de travail à l’élaboration de son projet de distillerie avec sa conjointe.
Bruno Lapierre n’a pas voulu accorder d’entrevue à Radio-Canada, mais il a tout de même exprimé son amertume et sa déception lors d’un échange téléphonique.
De son côté, le président de la Corporation pour la sauvegarde des Îles-de-la-Madeleine, Serge Rousseau, a été mis au fait de la démolition imminente de ce bâtiment par Radio-Canada. Il se désole de la tournure des événements.
M. Rousseau trouve aberrant que Québec rende conditionnel l’octroi d’une aide financière à la démolition du bâtiment et non à un déplacement de celui-ci.
Pas de solution de rechange, selon les élus municipaux
Le conseiller de Grande-Entrée, Gaétan Richard, se désole de l’issue du dossier, mais il estime qu’il n’existait pas d’autres options réalistes dans le contexte.
Trouver des acheteurs pour ce bâtiment était presque impossible
, lance-t-il. En raison de l’état du bâtiment et l’ampleur d’une opération de déménagement pour le sortir de La Pointe, les coûts sont faramineux.
Ça n’aurait pas été raisonnable en termes de logistique, de coût. On n’aurait pas su où mettre ce bâtiment-là
, ajoute pour sa part le maire des Îles-de-la-Madeleine, Antonin Valiquette.
M. Valiquette admet que l’autorisation municipale de démolir, qui est nécessaire puisque le bâtiment est cité patrimonial, n’a pas été donnée de gaieté de cœur
.
En mai dernier, la Municipalité a adopté le Règlement sur la démolition d’immeubles, dont un des objectifs était la protection du patrimoine bâti
.
En plus de l’ancienne coopérative, la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine affirme que deux autres bâtiments de La Pointe de Grande-Entrée sont visés par des avis d’imminence de danger de submersion, notamment le restaurant Halabolina.
Radio-Canada n’a pas été en mesure de s’entretenir avec ces autres propriétaires pour connaître leurs intentions.
Pour des raisons de confidentialité, le ministère de la Sécurité publique n’a pas voulu divulguer de détails spécifiques au sujet des avis envoyés sur le site de La Pointe de Grande-Entrée.
Comité interministériel demandé
Afin de réfléchir à l’avenir et à la protection du site de La Pointe, le maire des Îles-de-la-Madeleine a demandé la création d’un comité technique interministériel qui regrouperait divers ministères québécois ainsi que Pêches et Océans Canada.
Le maire est d’avis que la tâche ne sera pas mince étant donné que tout le secteur est vulnérable à la submersion côtière, un phénomène relativement nouveau pour la Municipalité, qui a davantage travaillé sur les problèmes d’érosion.
Comment peut-on s’adapter et montrer une certaine résilience?
questionne Antonin Valiquette. Faut-il déplacer des bâtiments ou bien abandonner une certaine partie de La Pointe?
Ce sont des dossiers qui sont importants et qui touchent les gens qui sont installés là. J’ai de la compassion pour ces gens-là, ça me touche
, a affirmé le conseiller de Grande-Entrée, Gaétan Richard, lors de la séance du conseil mardi soir.
LA UNE : Malgré son statut d’immeuble patrimonial, l’ancien édifice de la coopérative La Vaillante sera démoli au cours des prochains jours. (Photo d’archives). PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE
PAR Isabelle Larose