Le Devoir : La crise de l’assurance-emploi aux îles de la Madeleine

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À Cap-aux-Meules, Ariane Arsenault déjeune avec une amie au restaurant du coin. Elles parlent de leurs bébés devant des tasses de café vides. Ariane s’occupe de la Fille de l’île, une savonnerie artisanale. Elle fabrique de jolis savons aux odeurs de je-ne-sais-quoi. Des trucs pour les touristes. « Pour moi comme pour beaucoup de monde, les activités reprennent en juin. Mais cette année, je n’aurai pas de revenus à partir du mois d’avril ou mai. J’espère faire quelques remplacements à l’école secondaire, mais ça reste sur appel, au hasard, par chance. Je viens d’accoucher d’un deuxième. J’ai dû prendre un congé de maternité de seulement 18 semaines parce qu’il faut que je travaille. Sinon, on n’arrive plus. »    Président de l’Association touristique régionale (ATR), Sébastien Cummings n’en revient pas du sort réservé aux Madelinots avec la nouvelle politique du gouvernement conservateur. La réforme fédérale distingue en effet les chômeurs en trois catégories, parmi lesquels les travailleurs « fréquents », qui ont eu plus souvent recours à l’assurance-emploi et qui seront obligés d’accepter un emploi à moindre salaire et à une heure de chez eux, en totale opposition avec la réalité des travailleurs saisonniers comme ceux des îles. Un grand trou noir« Bientôt, tout le monde aux îles tombe dans un grand trou noir, dit M. Cummings. Plus d’argent. Ça commence. En plus, l’usine de Cap sur Mer est fermée. Les gens prennent peur. Ils quittent carrément les îles. Si on pense que c’est comme ça qu’on va favoriser l’économie ! Ça produit du ralentissement économique, plus de chômage. Qu’est-ce que je vais faire cet été pour me trouver un chef cuisinier pour notre restaurant s’il travaille déjà à Montréal ? Les capitaines, ils vont les trouver où leurs aides-pêcheurs au moment de la pêche ? Je connais dix-huit familles dont les hommes, des pêcheurs, sont déjà partis travailler en Alberta. Ailleurs. »Sébastien Cummings est l’un des quatre jeunes propriétaires des Pas Perdus, un des restaurants qu’affectionne le plus la horde de touristes qui débarque aux îles à l’été. « Comme la plupart des entreprises liées au tourisme, on fait les trois quarts de notre chiffre d’affaires dans ces quelques semaines de beau temps. J’engage au moins cinquante personnes. Mais qu’est-ce que je vais faire la saison prochaine si mes employés ne sont plus là ? »Stéphane Painchaud revient aux îles. Oh, pas pour bien longtemps. Juste ce qu’il faut pour voir sa famille. « J’ai quitté mon île pour travailler sur la Côte-Nord, dans des moulins à papier, en Alberta, dans le Nord, à La Romaine, à baie Déception, partout. Les jeunes partent. Tout le monde part. Pas le choix. Mais ils reviennent tous. C’est dur de pas revenir aux îles. C’est le paradis, les îles. Notre paradis. Mais là, on n’a pas le choix. »Pour les Madelinots, la politique d’assurance-emploi du gouvernement Harper n’en finit plus de montrer toutes les spectaculaires facettes de son ridicule. « Faut se trouver, paraît-il, une job dans un rayon de 100 km. C’est où, une job à cette distance des îles ? »Un très grand nombre de commerces affichent clairement à leur porte qu’ils contestent la politique d’assurance-emploi, mais qu’ils n’ont malheureusement besoin de personne. En vertu de la nouvelle politique, chaque chômeur doit prouver qu’il fait des démarches régulières pour se trouver un travail. « Il y a des gens qui viennent tout le temps pour que nous leur signions des papiers, explique Sébastien Cummings. C’est écrit à la porte : nous n’engageons pas ! Il y a quelque chose comme 2900 chômeurs en ce moment aux îles, mais il y a juste 2 ou 3 emplois d’affichés au bureau d’emploi. Appelez, vous allez voir ! Les agents du gouvernement nous traitent tous comme des fraudeurs. »En février, le taux de chômage aux îles était de 17,3 %. Plus du double de la moyenne québécoise, qui oscille autour de 7 %. 

 

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