La Fromagerie du Pied-De-Vent, des Îles-de-la-Madeleine, estime que les fromagers québécois seront les grands perdants de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, qui a été signé dimanche à Bruxelles.
L’arrivée de fromages industriels européens viendrait saturer le marché, selon le directeur de la production laitière à la Fromagerie du Pied-de-Vent, Dominique Arseneau. Il ajoute qu’il est difficile d’imaginer un pays comme la France acheter des fromages au Québec, alors qu’il est la référence dans le domaine depuis des siècles.
« J’aurais voulu presque être Wallon ces jours-ci pour sentir que mon gouvernement met des freins pour étudier tout ça, parce que c’est certain que ça va être négatif pour nous », lance Dominique Arseneau.
Le producteur de Havre-aux-Maisons transforme chaque année 500 000 litres de lait en fromage à pâte semi-ferme. Son marché principal demeure le Québec, mais le Pied-De-Vent est aussi vendu dans les Maritimes, en Ontario et en Colombie-Britannique. Dominique Arseneau, qui compte reprendre les rênes de l’entreprise familiale, craint déjà les contrecoups de cet accord de libre-échange.

«Tout le monde s’entend, c’est certain qu’il va y avoir des pertes pour les plus petits fromagers d’ici, on ne sait juste pas à quelle hauteur. Les gros vont pouvoir devenir plus gros, mais les plus petits, qui ont des marchés limités, vont subir les contrecoups.» – Dominique Arseneau, directeur de la production laitière, Fromagerie du Pied-De-Vent
Davantage de fromages, pas plus de consommateurs
« Ce n’est pas parce qu’on ajoute du fromage que les gens vont en manger plus, lance le directeur de l’Union des producteurs agricoles Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Marc Tétreault. Dans ce genre de négociations-là, il y a des gagnants et des perdants et pour nous, ceux qui semblent être les perdants, ce sont les producteurs laitiers qui font du fromage. »
Même si les 500 fromages québécois ont acquis une certaine notoriété au cours des dernières années, aidés par des campagnes de promotion agressives avec la distinction « fromages d’ici », les producteurs de la province ne pourront se battre à armes égales, en raison de leur faible nombre et de leur volume de production marginal par rapport aux pays européens.
Par exemple, l’Association des fromagers artisans du Québec, dont fait partie Le Pied-De-Vent, représente une trentaine de producteurs à travers la province.
«Les pays de l’Europe sont des pionniers en fabrication fromagère, ils arrivent ici avec des produits compétitifs, de très bons produits et qui sont souvent beaucoup plus subventionnés dans certains pays qu’au Canada.» – Dominique Arseneau, directeur de la production laitière, Fromagerie du Pied-De-Vent
Un traité paradoxal?
Même si des producteurs québécois décidaient d’exporter leur fromage, il serait difficile de percer la muraille de pays comme la France, reconnu pour son protectionnisme lorsqu’il est question de ses vins et fromages. Dans le cadre de cette entente, le rapport de force est loin de favoriser les fromagers québécois, même s’ils sont les plus importants producteurs canadiens. Le déséquilibre est trop important avec l’Europe, croit l’UPA.
« Ces pays ont introduit toute la notion de production de terroir, reconnaissance territoriale et appellation contrôlée, alors, qu’ici, ce concept-là est beaucoup plus nouveau », conclut le directeur de l’UPA Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine.
Rappelons que le Parlement de la région belge francophone de Wallonie a approuvé, vendredi, un projet d’accord amendé, permettant la signature de cette entente qui était jusque-là menacée. Les 28 États membres devaient tous donner leur appui pour permettre à cette entente de voir le jour. Cet accord va permettre l’abolition de 99 % des droits de douane entre les États signataires.
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