Pêches et Océans Canada a revu en 2016 le modèle qui lui permettait d’estimer la population de phoques gris dans les eaux de l’est du Canada. Le dernier recensement des phoques gris établit la population de phoques à 424 300 individus. Le dernier décompte faisait état de 500 000 animaux, un écart de 75 000 bêtes.
En fonction de ces nouvelles données, même si dans les faits, la population de phoques gris n’a pas diminué, le quota de chasse pourrait passer cette année de 60 000 à 34 000 bêtes.
Les chasseurs de phoque des Îles-de-la-Madeleine sauront à la mi-mars si Pêches et Océans abaissera les quotas de chasse au phoque gris.
La question est toutefois quelque peu théorique puisque les quotas de chasse ne sont jamais atteints. L’an dernier, malgré un quota autorisé de 60 000 bêtes, les chasseurs ont abattu 1500 animaux, principalement dans le golfe du Saint-Laurent.
Même si les Madelinots étudient présentement les moyens de développer une industrie autour de la chasse au phoque gris, la question des quotas est aussi ailleurs.
Le phoque gris est reconnu comme un prédateur important de poissons de fond exploités commercialement. Les pêcheurs madelinots, entre autres, souhaitent que la population soit mieux contrôlée.
Précaution scientifique et politique
Le spécialiste des populations de phoques à Pêches Océans Canada, Mike Hammill, explique que les scientifiques font des recommandations selon une approche dite de précaution afin de respecter les obligations internationales et les politiques du Canada.
« Si on veut garder le troupeau plus élevé que le seuil de précaution, dit-il, quelle est la probabilité de rester plus haut et de descendre en bas du seuil établi? C’est une chose qui est incorporée dans le plan de gestion comme objectif. »
L’objectif est donc d’assurer la croissance du troupeau. Pour changer l’estimation scientifique des quotas de chasse, il faudrait modifier l’objectif, commente le biologiste.
Par ailleurs, il revient au ministre des Pêches et des Océans, Dominique Leblanc, de décider du quota final. Les biologistes lui remettent d’autres estimés de prélèvement. Le ministre pourrait donc, en augmentant le quota, prendre un risque plus important par rapport au seuil de précaution établi par les biologistes.
Mike Hammill estime que la chasse correspond à un prélèvement d’environ 10 % des veaux de l’année pour le golfe, ce qui n’empêche pas la population de phoques du golfe de croître de 2 % par année, et ce, avec parfois des conditions de glace difficiles.
Au fil des ans, de nouvelles colonies ont d’ailleurs vu le jour, notamment à l’île du Corps-Mort, à l’île Brion au large des Îles-de-la-Madeleine, dans le golfe du Saint-Laurent.
Phoque gris, morue et poissons de fond
En fonction de la zone où on le retrouve et de la période de l’année, la morue peut constituer jusqu’à 60 % de la diète. Un phoque gris adulte mâle de 200 kilos consommera entre 1,5 tonne et 2 tonnes de poissons par année.
La présence accrue du phoque gris dans les eaux du golfe est devenue le principal obstacle au rétablissement de la population de morue du sud du golfe Saint-Laurent.
Des études écosystémiques sur l’impact d’une présence accrue du phoque gris dans le golfe en sont à leurs débuts, indique Mike Hammill. « On ne peut pas dire, ajoute le chercheur, s’il y a une surpopulation de phoque gris, c’est une espèce qui a déjà été complètement éliminée à la fin des années 1800. On ne connait pas la population historique. Est-ce qu’on est plus haut? Est-ce qu’on est plus bas? »
Plusieurs pêcheurs, notamment aux Îles-de-la-Madeleine, rapportent des bris de leurs casiers à homard ou de leurs filets de pêche. Les phoques mangent aussi les appâts. Encore là, ce sont des incidents qui sont peu documentés, rapporte Mike Hammill.
Le biologiste estime qu’il est par contre très rare que le phoque mange des crustacés comme le homard.
Mike Hammill relève par ailleurs que si les chasseurs de phoques veulent augmenter leurs prélèvements, il faudra qu’ils étendent à la fois leur territoire, essentiellement concentré dans le golfe, et leur période de chasse.
Les scientifiques ont noté que les animaux du plateau néo-écossais, où se situe la majorité du troupeau, vont migrer de manière temporaire durant la saison estivale, si bien que la population du golfe, d’environ 40 000 phoques, grimpe à 70 000 individus à l’été.
Nouveaux estimés
Les nouveaux estimés de population, et donc de quotas, de Pêches et Océans sont tributaires d’une étude réalisée à l’île des Sables où est installée la plus importante colonie de phoques gris.
Les scientifiques y ont découvert que le taux de mortalité des mâles était plus élevé que celui des femelles et que cette portion du troupeau avait été surévaluée.
Parallèlement, le taux de mortalité des femelles serait moins important. « Donc on a besoin de moins d’adultes pour produire le même nombre de nouveau-nés », explique Mike Hammill.
Pour évaluer la population, Pêches et Océans effectue un repérage photographique aérien des colonies au moyen d’hélicoptères, d’avions et même de drones.
L’exercice se fait en janvier et permet d’estimer le nombre de nouveau-nés. Les scientifiques évaluent ensuite le taux de reproduction qui a été établi en 2016 à environ 85 %. Le modèle intègre une évaluation des mortalités, dont les prises réelles de la chasse.
Pêches et Océans a évalué qu’en 2016 :
Il y avait eu 10 500 nouveau-nés dans le golfe du Saint-Laurent et 88 600 sur le plateau néo-écossais, dont 84 000 sur la seule île des Sables.
La répartition des naissances suit la distribution de la population, soit 44 100 bêtes dans le golfe du Saint-Laurent et un peu de 380 000 sur le plateau néo-écossais.
Le taux de prédation, par les requins notamment, n’a pas été évalué par les biologistes. Par contre les scientifiques estiment que le taux de survie des jeunes phoques a diminué pour passer de 60 % dans les années 80 à 35 %.
Estimée à environ 5000 bêtes au le début des années 1960, l’ensemble du troupeau croit de 4 % par année.
LA UNE : Un phoque gris de l’Île de Sable Photo : Université Dalhousie/Jarrett Corke