Depuis 2011, le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie travaille à développer une expertise dans le domaine de l’élevage et de l’ensemencement de homards produits dans une écloserie. Celle-ci s’inspire des ruches d’abeilles.
Il s’agit d’un système innovateur de pouponnière appelé Aquahive, conçu spécifiquement pour le homard.
« La méthode est issue d’un transfert technologique en collaboration avec l’Écosse », précise le directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, O’Neil Cloutier. « Des œufs sont prélevés sous la queue des femelles et placés dans des plateaux en alvéoles. C’est vraiment comme un ruche, explique-t-il. Les larves doivent être isolées les unes des autres parce qu’elles se mangeraient entre elles. »
Le Regroupement collabore par ailleurs avec l’Université du Québec à Rimouski pour doubler la production avec un système d’automatisation de la manipulation des oeufs. « C’est une opération longue et délicate », explique le directeur.
«Chaque oeuf doit être prélevé et placé dans l’Aquahive à l’aide d’une poire à jus utilisée en cuisine. Imaginez le temps que ça prend! » – O’Neil Cloutier, directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie
Dans l’écloserie, les petits homards grandissent jusqu’au stade 5 de leur développement. Au moment d’être relâchés, ils mesurent environ un pouce ou deux centimètres.
M. Cloutier ajoute que ce système permet aussi d’augmenter le taux de survie des oeufs. Dans la nature, ils demeurent en suspension dans l’eau pendant six semaines. C’est l’étape où ils sont les plus vulnérables aux prédateurs.
Aide financière d’Ottawa
Par ailleurs, Ottawa accorde une aide financière de 166 600 dollars pour améliorer la production. Les fonds alloués par Développement économique Canada permettront au regroupement d’embaucher du personnel et d’acquérir un deuxième Aquahive.
« Maintenant que nous avons réussi à contrôler la technique de production de homards en bassin, l’argent d’Ottawa permettra au projet de passer à une phase de développement, mentionne M. Cloutier. En 2016, on a pu relâcher 83 000 petits homards et on veut doubler la production. »
Il mentionne que de telles initiatives se sont amorcées en 2001 au Nouveau-Brunswick.
«On est en retard de 10 ans, mais on veut se rattraper.» – O’Neil Cloutier, directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie
Le deuxième Aquahive entre en production et devrait être fonctionnel pour le début d’août.

Prévoir pour les mauvais jours
Au moment où le projet s’est amorcé, la ressource se faisait plus rare. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais O’Neil Cloutier estime qu’il faut faire preuve de prudence et prévoir pour les mauvais jours. « On voudrait reproduire de 2 à 5% des prises par année, précise le directeur. En 2017, on a capturé près de 5 millions de homards, donc ça représente 100 000 petits homards. Ça permettrait d’avoir une soupape. »
Le directeur indique aussi que l’écloserie est un projet de 600 000 dollars pour quatre ans, dont la moitié est financée par le Regroupement des pêcheurs. Cinq personnes y travaillent, dont un biologiste à temps plein.
Pour sa part, la ministre du Revenu national et députée de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Diane Lebouthillier, fait valoir que ce projet permettra de diminuer la pression de la pêche sur les stocks de homard.
« On parle de protéger des ressources, puis de faire des pêches qui sont écoresponsables », explique-t-elle.
Un texte de Brigitte Dubé avec la collaboration de Geneviève Génier Carrier
LA UNE : Des homards juvéniles de stade VI après plusieurs semaines d’élevage en Aquahive Photo : courtoisie Jean Côté