Depuis 2015, la Madelienne Guylaine Cyr multiplie les démarches pour que le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées soit appliqué dans la section ouest chemin des Chalets, une zone qui comprend uniquement des résidences secondaires habitées durant la belle saison.
Voisine du secteur, Mme Cyr affirme que des eaux usées rejetées directement dans la nature souillent son terrain et que des odeurs nauséabondes gâchent ses soirées d’été. Ses petits-enfants ont même souffert d’une dermatite de contact après avoir joué dans l’étang qui borde son terrain et le chemin des Chalets.
Ce qu’on voit, c’est que les gens qui occupent le secteur ont des installations de fortune, des tubes en plastique qui déversent les eaux usées directement dans l’étang
, explique Mme Cyr. Il y a des fosses septiques qui sont défoncées, certaines sont même à découvert. Ça va partout dans la nature, c’est fait au vu et au su de tout le monde, mais ça l’air que c’est toléré.
Guylaine Cyr s’est adressée à plusieurs reprises à des représentants de la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine, des organismes environnementaux madelinots en plus de déposer une plainte au ministère de l’Environnement et de s’adresser au Protecteur du citoyen.
% des résidences aux Iles qui ont des installations septiques non conformes","text":"Depuis des années, je fais des plaintes et je me fais répondre que ce n’est pas une priorité parce qu’il y a encore 30% des résidences aux Iles qui ont des installations septiques non conformes"}}">Depuis des années, je fais des plaintes et je me fais répondre que ce n’est pas une priorité parce qu’il y a encore 30 % des résidences aux Îles qui ont des installations septiques non conformes
, affirme la Madelinienne.
«Je dénonce le laxisme, l’inertie de la Municipalité à régler une fois pour tout le dossier du traitement des eaux usées dans le secteur ouest du chemin des Chalets.» – Une citation de :Guylaine Cyr, résidente de l’Étang-du-Nord

Le devoir de la Municipalité, c’est de faire respecter le règlement de traitement des eaux usées
, affirme Mme Cyr. Les gens n’ont pas le droit d’enfreindre le règlement, il devrait y avoir des conséquences, surtout depuis que le ministère de l’Environnement a dit que ce n’était plus un chemin, mais le littoral.
Après le passage de la tempête post-tropicale Dorian en septembre 2019, deux ministères se sont penchés sur la situation du chemin des Chalets, car le secteur, déjà en proie à l’érosion, a été complètement submergé et lourdement endommagé.
Des avis ministériels
Dans un avis technique datant du 3 mars 2020, le ministère de la Sécurité publique note que l’entièreté du secteur du chemin des Chalets […] est jugée en situation de danger imminent en regard des aléas d’érosion et de submersion côtières
et recommande de procéder au retrait permanent des bâtiments et à la fermeture du chemin des Chalets
.
De son côté, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques considère depuis octobre 2019 que le secteur ouest du chemin des Chalets est situé dans le littoral
ce qui fait en sorte qu’aucun système de traitement et d’évacuation des eaux usées d’origine domestique ne peut être installé ou réparé
.
À la lumière de ces avis ministériels, la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine avait partagé le constat suivant avec les résidents du secteur ouest du chemin des Chalets :il devient impossible de conserver un chalet existant ou d’en construire un dans cette zone
. Elle avait donc demandé le retrait de tous les bâtiments avant le 30 novembre 2020.
Cinq mois après cette date butoir, Guylaine Cyr constate que certains résidents du secteur s’apprêtent tout de même à regagner leur chalet d’été. Sur les 35 résidences secondaires qui étaient en place lors du passage de Dorian, 15 sont toujours présentes.
Depuis qu’il fait beau, il y a une circulation quotidienne de personnes qui sont en train de planifier leur réinstallation et c’est clair qu’ils vont revenir passer l’été là
, avance-t-elle.
«Je trouve qu’il y a un laisser-aller dans ce dossier-là à la Municipalité, résume Mme Cyr. Tout est clair, tout est là, ils ont les outils en main pour agir et ils ne le font pas.» – Une citation de :Guylaine Cyr, résidente de l’Étang-du-Nord
Un vide juridique
selon la Municipalité
De son côté, le directeur de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme à la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine rétorque que la situation du chemin des Chalets est très complexe
et pas aussi simple qu’elle en a l’air
.
La Municipalité fait ce qu’elle peut avec les outils qu’elle a
, réplique Serge Bourgeois. On n’est pas dans un état totalitaire ici. La Municipalité a des pouvoirs, des responsabilités, mais il y a aussi des limites juridiques.
Serge Bourgeois précise que les avis ministériels n’offrent aucune base légale à la Municipalité pour ordonner la fin de l’occupation de secteur.
La recommandation de fermer le chemin des Chalets et d’exiger que les gens quittent les lieux, la Municipalité n’a clairement pas le pouvoir pour exécuter une telle recommandation
, affirme M. Bourgeois. On fait face à un vide juridique à ce niveau-là. Tous les ministères concernés l’ont reconnu. On va appliquer ce qu’on est capable d’appliquer avec les pouvoirs qu’on a, mais il est clair qu’on ne peut pas forcer ces gens-là à quitter les lieux
.
M. Bourgeois reconnaît toutefois que l’application rigoureuse
du Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées peut s’avérer dissuasive pour les propriétaires du chemin des Chalets, puisque les contrevenants s’exposent à des amendes allant de 1000 $ à 5000 $.
«La seule base légale qu’on a pour intervenir et pour cesser l’occupation du secteur, c’est le règlement sur le traitement des eaux usées.» – Une citation de :Serge Bourgeois, directeur de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme
Selon les données fournies par la Municipalité à Radio-Canada, 8 des 15 chalets toujours en place ne disposent assurément pas d’installations septiques conformes à la réglementation en vigueur.
Selon Serge Bourgeois, la Municipalité appliquera la réglementation de façon rigoureuse
cet été, comme demandé par le ministère de l’Environnement.
On sait déjà qu’il y a des résidences qui ne sont pas conformes
, admet M. Bourgeois. Ils ont eu des lettres claires là-dessus depuis la date butoir qu’on avait fixée au 30 novembre 2020, à savoir que s’ils s’occupent leur bâtiment cet été ils vont recevoir des contraventions.
Pour les sept autres chalets, des inspections plus poussées des installations septiques sont prévues dans les prochaines semaines.
Il y a peu de chance qu’il y ait des systèmes conformes, mais il faut en faire la démonstration
, explique Serge Bourgeois. Les systèmes qui sont là ne peuvent pas être modifiés ou changés parce qu’ils sont dans le littoral, mais un système qui est là, qui fonctionne et pour lequel on ne peut pas faire la démonstration hors de tout doute qu’il y a une pollution, qu’est-ce qu’il arrive? Et si quelqu’un paye les amendes et reste dans son chalet? Si les gens contestent les contraventions à la cour municipale? Tout ce temps-là, nous, comme Municipalité, on n’a pas le pouvoir de dire « Tu t’en vas de là dans 15 jours! »
.
Questionné sur la possibilité légale de tout simplement couper l’alimentation en eau du secteur, un service offert seulement durant l’été dans la portion ouest du chemin des Chalets, Serge Bourgeois a répondu que la Municipalité n’avait jamais regardé cette hypothèse ","text":" jamais regardé cette hypothèse "}}">jamais regardé cette hypothèse
.
La Municipalité a déjà reçu l’aval de Québec pour que l’endroit continue d’être occupé durant l’été par des campeurs disposant d’équipements mobiles autonomes non reliés à des installations septiques.
Fin du processus judiciaire
L’automne dernier, un groupe de huit propriétaires du chemin des Chalets avaient fait appel aux services d’un avocat dans le but d’être indemnisés financièrement pour quitter leur propriété. Une mise en demeure avait alors été envoyée à la Municipalité.
L’avocat du groupe, Me Christopher Atchison, a confirmé à Radio-Canada que ses clients avaient, depuis, mis un terme à leurs démarches judiciaires, sans toutefois préciser les raisons de l’arrêt des procédures par souci de confidentialité.
La Municipalité des Îles-de-la-Madeleine indique n’avoir eu aucune information en ce sens. Nos avocats n’ont reçu aucune communication à cet effet-là, donc pour nous le dossier est toujours actif
, note le directeur de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, Serge Bourgeois.