Pas de pêche au calmar dans un avenir prochain

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Malgré une présence abondante de l’espèce dans le golfe du Saint-Laurent, ceux qui rêvent d’acheter du calmar frais à l’épicerie ou chez le poissonnier devront patienter encore longtemps. Les scientifiques observent que le calmar est de plus présent dans le golfe. Même si elle a déjà existé dans le golfe, une nouvelle pêche au calmar reste difficile à relancer ou à organiser.

Au Canada, la pêche se pratique surtout au large de Terre-Neuve. Présent le long des côtes de la Floride jusqu’au sud du Groenland, le calmar est une espèce migrante. International, son plan de gestion est sous l’égide de l’Organisation des pêches Atlantique Nord Ouest (OPANO).

Le Canada a droit à un quota de 34 000 tonnes, pour le golfe et l’est de la côte terre-neuvienne.

L’allocation n’est pas entièrement pêchée. Les niveaux de capture actuels sont de loin inférieurs à ce qui est recommandé par l’OPANO , commente Antoine Rivierre, agent régional principal à la gestion de la ressource à Pêches et Océans pour la région du Québec.

Il y aurait donc théoriquement de la place pour d’autres flottilles.

Surtout que la chercheure scientifique à l’Institut Maurice-Lamontagne, Marie-Julie Roux, confirme que l’encornet rouge nordique est présent en abondance depuis environ cinq ans dans le golfe du Saint-Laurent.

Cette abondance n’est pas sans lien, dit-elle, avec le réchauffement des eaux du Saint-Laurent.

D’après la scientifique, il demeure par contre difficile de prédire si l’espèce est là pour de bon. Le calmar a toujours été présent dans le golfe où il vient s’alimenter.

Une ancienne pêche

Pour Laurent Normand, pêcheur pendant plus de 30 ans et ancien propriétaire de l’usine Cusimer à Mont-Louis, le calmar est d’ailleurs une vieille pêche qui refait surface.

Dans les années 1950, le calmar servait d’appât pour la pêche. «Pour tout ce qui mordait,» commente M. Normand.« J’en ai mangé, dit-il, mais longtemps après, on n’en mangeait pas dans ce temps-là. Imaginez, on ne mangeait pas de crabe, ça prenait tout pour manger du homard. On ne mangeait pas de calmar.»

Capture d’écran, le 2022-01-27 à 16.50.43

L’homme de 81 ans explique que le calmar se pêchait à la moppe et à la turlutte [un outil pour pêcher les céphalopodes].

 La pêche se déroulait à la brunante, dans une mer étale. Sur les plages de Rivière-à-Claude, les calmars s’accrochaient alors aux franges de la moppe ou aux hameçons de la turlutte. Mon père était un amateur de moppe, il ne lavait pas le plancher à la maison, mais pour mopper du calmar, il n’était pas battu , se souvient M. Normand.

Une quinzaine de Madelinots possèdent toujours des permis, confirme Antoine Rivierre. Ces permis existent depuis 30 ou 40 ans et ne sont pas transférables, ajoute M. Rivierre qui ignore quelles sont les conditions exactes de ces vieux permis.

Comme il n’y a pas eu de pêche dirigée au calmar depuis des dizaines d’années dans le golfe du Saint-Laurent, il n’y a plus de plan de gestion de la ressource.

Il faudrait, énumère Antoine Rivierre, définir une saison de pêche, la méthode de pêche autorisée, la quantité d’engins qui peuvent être utilisés, ce qu’on fait avec les prises accidentelles, la surveillance des débarquements.

Les pêcheurs de Terre-Neuve, les détenteurs actuels de permis, devront être consultés. Ça nécessiterait aussi des discussions avec les pêcheurs madelinots même si leurs permis sont inactifs, ajoute le gestionnaire.

« Je ne veux juste pas donner de l’espoir. Si un pêcheur demande un permis l’été prochain, on n’est pas rendu là.  » — Une citation de  Antoine Rivierre, agent régional principal à la gestion de la ressource à Pêches et Océans pour la région du Québec

Une nouvelle pêche

Le ministère pourrait aussi évaluer s’il s’agit d’une ancienne ou d’une nouvelle pêche.

Le débat est d’ailleurs en cours pour le sébaste, une autre espèce qui fait un retour marqué dans le golfe. Ouvrir une nouvelle pêche n’est pas simple.

Comme toute nouvelle pêche deviendra permanente, le ministère veut s’assurer que les ressources exploitées le seront d’une manière durable.

Capture d’écran, le 2022-01-27 à 16.50.59

Le processus se divise en trois phases. Dans un premier temps, le ministère autorise une pêche expérimentale pour évaluer la ressource et adapter les engins, puis une pêche exploratoire pour évaluer l’impact de la nouvelle pêche sur les autres espèces qui peut prendre plusieurs années.

Viendra ensuite, seulement, le statut commercial de pêche.

L’exemple du sébaste illustre bien la durée du processus. Les scientifiques ont fait état de l’importance de la biomasse de sébaste dans le golfe à compter de 2018.

Quatre ans plus tard, aucune date de début de pêche n’a été fixée. Les plus optimistes parlent de 2024.

Une présence inconstante

D’autres obstacles propres à l’espèce sont à considérer avant d’ouvrir une pêche au calmar. Sa présence dans le Saint-Laurent demeure variable et ne dépend pas seulement de la température de l’eau.

Les scientifiques collectent depuis trois ans des spécimens qui fréquentent le Saint-Laurent.

Cette cueillette devrait permettre d’en savoir plus sur leur alimentation ainsi que sur leur stade de croissance, notamment sur leur maturité sexuelle lors de leur passage dans nos eaux.

C’est aussi une espèce qui vit moins d’un an. Il n’y a aucune garantie que la ressource dans un, deux, trois, quatre, cinq ans soit encore abondante et même présente encore à l’intérieur du golfe, commente d’ailleurs Antoine Rivierre

Les pêcheurs tentés par l’aventure pourraient y penser deux fois avant d’investir. La commercialisation pourrait aussi être ardue puisque les marchés risquent de ne pas être approvisionnés de manière constante.

Une pêche occasionnelle?

Les données amassées par les chercheurs du ministère des Pêches et des Océans du Canada permettent de constater que le calmar se nourrit de crevettes, de lançons et d’éperlans. Marie-Julie Roux explique que l’espèce est très vorace et digère très rapidement.

Une pêche épisodique pour limiter par exemple l’impact sur les crevettes serait aussi difficilement envisageable. Pêches et Océans Canada évalue une pêche en fonction de l’état de la ressource et non du niveau de prédation, souligne Antoine Rivierre.

De plus, les données sur les relations écosystémiques de l’espèce manquent.

Le calmar est aussi mangé par les oiseaux et mammifères marins. Il est à la fois prédateur et proie, il peut jouer un rôle important dans l’écosystème et l’impact de sa présence dans le Saint-Laurent reste encore à évaluer.

C’est aussi, ajoute M. Rivierre, une espèce dont l’aire de répartition très importante. Ce qui est pris à un endroit peut avoir des répercussions ailleurs.

Laurent Normand raconte qu’il trouve encore, à l’occasion, du calmar sur les plages de la Haute-Gaspésie.

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L’ancien propriétaire d’usine de transformation de produits marins croit que les pêcheurs devraient pouvoir conserver leur prises accidentelles de calmar qui pourraient être vendues, en saison, dans les poissonneries de la région. La proposition ouvre une autre question à plusieurs volets, soit celles de la gestion de toutes les prises accessoires, dans un contexte de pêche durable.

LA UNE : Les scientifiques observent que le calmar est de plus présent dans le golfe. PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK BUTLER
PAR Joane Bérubé