Une année charnière pour les pêches

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Avec une valeur au débarquement de 225 M$ en 2022, la pêche reste un des moteurs économiques de la Gaspésie. C’est vrai aussi aux Îles, où l’ensemble des débarquements a atteint 164 M$ l’an dernier.

C’est dire l’importance du secteur pour la région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine.

Avec le départ des homardiers de la Gaspésie samedi, et celui des Îles-de-la-Madeleine, prévu pour en fin de semaine prochaine, la relance des activités sur les ports et dans les usines de transformation des produits marins du Québec est presque complète.

La saison de pêche 2023 s’annonce par contre bien différente des deux dernières années.

L’année 2022 a été une année record en fait de valeur au débarquement. Toutes espèces confondues, les débarquements sont par contre en baisse.

2021 et 2022 ont d’ailleurs été les deux plus petites années en ce qui a trait aux débarquements dans les 89 ports du Québec.

Les débarquements à quai sont ainsi passés de 60 750 t il y a 10 ans à un peu plus de 44 000 t l’an dernier. L’essentiel de cette baisse est attribuable au déclin marqué de la crevette nordique.

Capture d’écran, le 2023-05-02 à 13.10.33

Pour Ali Magassouba, économiste, et Simon Desrochers, chercheur et analyste, tous deux à Pêches et Océans Canada, la place grandissante qu’occupent le crabe des neiges et le homard dans l’écosystème des pêcheries du Québec est sans contredit l’élément le plus notable des dernières années.

L’an dernier, le homard et le crabe ont représenté 57 % des 44 164 t de produits marins débarqués dans les ports du Québec et 87 % de l’ensemble de la valeur au débarquement, estimée à 463 millions.

En comparaison, l’exploitation des autres espèces semble devenir de plus en plus marginale.

Compte tenu de cette dépendance et du déclin de la crevette qui se poursuit, la saison 2023 pourrait être moins rentable pour les pêcheries que l’ont été les deux dernières saisons, même si les quantités débarquées de homards et de crabes seront en hausse.

Nous, on va voir l’évolution des prix de certaines espèces ou leur remontée. Ça va être surveillé, parce même des espèces qui, biologiquement, vont très bien, économiquement, il faudra regarder leur profil et voir comment ils vont se comporter, estiment les économistes de Pêches et Océans.

La chute du crabe

L’an dernier, les crabiers de l’ensemble du Québec ont ramené à quai 30 % de l’ensemble des débarquements de 2022 et 42 % de la valeur à quai de l’ensemble des produits marins.

La valeur au débarquement du crabe des neiges n’a jamais été aussi élevée qu’au cours des deux dernières années, et le prix a même commencé à chuter au cours de la saison 2022.

Normalement, les pêcheurs ont peut-être pu mettre un peu de réserve de côté pour des années un peu plus difficiles, commente Ali Magassouba.

Capture d’écran, le 2023-05-02 à 13.10.47

Ces bonnes années pourraient aider la flottille a traversé une année qui s’annonce beaucoup plus turbulente pour les crabiers puisque la baisse de prix s’est poursuivie en début de saison.

Les pêcheurs ont entamé la saison 2023 avec un prix variant entre 2,20 $ et 2,50 $. Selon les données compilées par Pêches et Océans Canada, c’est une baisse de plus de 4,25 $ la livre comparativement au prix moyen de la saison 2022.

Un prix au débarquement sous la barre des 3 $ ne s’était pas vu depuis 2015 dans les ports du Québec. À ce prix, les pêcheurs de crabe terre-neuviens refusent toujours de lancer leur saison.

De l’avis des experts de Pêches et Océans, il y aura des ajustements de marché pour le crabe des neiges la saison prochaine. Les réserves de plusieurs transformateurs sont toujours très élevées et le produit peut se conserver deux ans, en congélation sous vide.

Ali Magassouba de Pêches et Océans Canada rappelle que le crabe des neiges est aussi un produit de luxe. Dans un contexte inflationniste, un produit moins coûteux peut simplement s’y substituer, relève l’économiste.

Le pilier

C’est aussi vrai pour le homard. Toutefois, le célèbre crustacé devrait être moins touché par la baisse de prix, selon les analystes de Pêches et Océans, puisque c’est un produit qui se vend frais, surtout le homard pêché au Québec. Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie souligne à ce propos que 75 % du homard vivant pêché au Québec est vendu sur le marché intérieur.

Le directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, O’Neil Cloutier, s’attendait, à la veille du départ des homardiers gaspésiens, à un prix autour de 6,50 $ la livre au débarquement, et peut-être un peu plus.

Les transformateurs ont payé un prix moyen de 8,52 $ en 2021 et de 7,95 $ la livre en 2022. Avant la pandémie, entre 2015 et 2019, le prix au débarquement s’est maintenu généralement sous la barre des 7 $ la livre.

Capture d’écran, le 2023-05-02 à 13.10.59

Les homardiers ont toutefois l’espoir d’une autre bonne saison puisque les inventaires des transformateurs seraient au plus bas.

La valeur du homard a explosé au cours des saisons de 2021 et de 2022, rapportant, pour l’ensemble du Québec, respectivement 207 et 210 millions de dollars. C’est 100 millions de plus qu’il y a 5 ans.

Cette augmentation est allée de pair avec une hausse des débarquements qui ont plus que doublé passant de 5900 t  en 2015 à 12 000 t en 2022.

La ressource se porte bien et si la croissance des débarquements se poursuit, le volume pêché pourra compenser une éventuelle baisse de prix.

Les années du déclin de la crevette nordique

Après le moratoire sur la pêche aux poissons de fond dans le golfe du Saint-Laurent, plusieurs flottilles se sont tournées vers la pêche à crevette. Pendant presque 20 ans, Pandalus borealis a fait partie, avec le homard et le crabe, du trio des trois espèces gagnantes du golfe.

Le réchauffement du fond de l’eau, la présence accrue d’un prédateur important, le sébaste, plombent la pêche. Au Québec, les débarquements sont passés de 35 000 t en 2010 à 18 000 t en 2015 et à 8000 t l’an passé.

Les quotas ont encore été légèrement diminués cette année.

Si les revenus des pêcheurs sont demeurés stables autour de 25 millions de dollars au cours des trois dernières années, c’est que la valeur au débarquement a été augmentée.

Par contre, l’espèce ne représente plus que 6 % de la valeur des débarquements du Québec, ce qui est à la fois dû à la baisse des débarquements, mais aussi à l’augmentation de valeur du crabe et du homard.

Le prix payé aux pêcheurs n’est d’ailleurs pas revenu à son niveau d’avant la pandémie.

Les marchés de la crevette nordique tardent à se reconstituer, notamment au Royaume-Uni, très touché par l’inflation.

Les pêcheurs le sont aussi puisque c’est parmi les flottilles du golfe, une de celles qui consomment le plus de diesel.

Capture d’écran, le 2023-05-02 à 13.11.11

Les prix versés pour la première partie de la saison devraient faire l’objet d’un arbitrage devant la Régie des marchés agricoles, le 12 mai prochain entre pêcheurs et transformateurs.

Les parties pourraient arriver à s’entendre d’ici là, indique le directeur de l’Office des pêcheurs de crevette du Québec, Patrice Élément. Ce sera toutefois, dit-il, comme l’an dernier, une année de perte pour tout le monde.

À terme, les économistes de Pêches et Océans Canada estiment que la baisse des stocks un peu partout en Atlantique, y compris à Terre-Neuve, pourrait aider à rehausser les prix ou du moins compenser les effets de l’inflation auprès des consommateurs.

L’industrie québécoise mise aussi beaucoup sur le développement du marché intérieur. La crevette nordique demeure par contre un produit différent de la crevette asiatique que le consommateur québécois connaît moins.

La pêche d’autres espèces moins connues, comme l’oursin ou le concombre de mer, pourrait émerger au cours des prochaines années.

Les prix sont très bons, souligne Ali Magassouba. Même s’il s’agit d’espèces qui sont pêchées par un nombre relativement limité de pêcheurs, poursuit l’économiste, elles restent à surveiller puisqu’elles pourraient aider l’industrie à traverser des moments plus difficiles.

LA UNE : Des pêcheurs de homards au quai de L’Anse-à-Beaufils, en Gaspésie. PHOTO : RADIO-CANADA / CLAUDE CÔTÉ
PAR Joane Bérubé