Au cours du prochain mois, des chercheurs feront l’inventaire des stocks d’espèces comme la crevette nordique et le flétan du Groenland et prendront des relevés afin de mieux comprendre les effets des changements climatiques en eaux profondes. Leurs résultats sont attendus avec impatience par l’industrie de la pêche.
Le navire de la Garde côtière canadienne John Cabot est parti de Gaspé et a pris le large vendredi soir pour sillonner les eaux du nord du golfe du Saint-Laurent. À son bord se trouvent 13 scientifiques et 23 officiers de la Garde côtière canadienne.
Chaque mois d’août depuis 1990, une équipe de chercheurs de l’Institut Maurice-Lamontagne récolte des tonnes de données pour documenter la vie dans les profondeurs du golfe et témoigner des bouleversements qui s’y opèrent. L’Institut, situé à Mont-Joli, est affilié au ministère des Pêches et des Océans Canada (MPO).
Lors de cette expédition, la biomasse de plusieurs espèces commerciales est évaluée afin de déterminer le total autorisé des captures (TAC) de chaque espèce lors de la saison de pêche à venir.
À la tête de cette mission pour une 10e année, le biologiste Hugo Bourdages doit notamment revenir avec des réponses pour les acteurs de la pêche à la crevette nordique.
Le déclin de la crevette nordique est tel qu’il pourrait amener le MPO à fermer partiellement ou complètement la pêche dans le golfe à la prochaine saison. Les relevés du mois d’août permettront aux scientifiques qui prennent part à l’expédition de formuler des recommandations aux pêcheurs. Cette source d’information, c’est une source indépendante de la pêche. C’est une source d’informations qui est très importante dans la prise de décision
, souligne le biologiste.
Selon Hugo Bourdages, la hausse fulgurante de la population de sébastes de l’Atlantique est l’une des raisons qui expliquent la diminution des stocks de crevettes nordiques. La hausse de la température de l’eau liée aux changements climatiques en est une autre.
Un des principaux objectifs de cette mission est d’inventorier et d’estimer la quantité de poissons pour nos espèces commerciales, à savoir la crevette nordique, le sébaste, la morue, le flétan du Groenland et de l’Atlantique et différentes espèces de plies. Ce sont des espèces qui sont pêchées commercialement et pour lesquelles on se doit de donner des avis scientifiques
, explique-t-il.
Les pêcheurs du flétan du Groenland, communément appelé turbot, attendront impatiemment l’avis des chercheurs au cours des prochains mois, croit le biologiste en évaluation des stocks de l’Institut Maurice-Lamontagne. Depuis l’ouverture de la période de pêche au flétan cette année, les pêcheurs sont aux prises avec une difficulté majeure : le poisson est introuvable.
Selon les derniers relevés en 2022, la biomasse du flétan du Groenland a été estimée à 33 000 tonnes. Pour le MPO, l’évaluation du potentiel d’exploitation du stock était alors en zone de prudence, sous la barre de la zone saine. Et lors de la dernière expédition en août passé, les chercheurs avaient remarqué que la masse corporelle des turbots était plutôt maigre.
Une mission d’envergure
Les scientifiques auront aussi pour tâche de documenter les grands changements occasionnés par le réchauffement des eaux profondes du Saint-Laurent. Le relevé nous permet de voir quelles sont les espèces gagnantes et perdantes dans ces changements climatiques dans le golfe
, commente le biologiste Hugo Bourdages.
Du 4 août au 4 septembre, le navire de 65 mètres longera la côte ouest de Terre-Neuve pour se rendre au détroit de Belle Isle. Le John Cabot passera ensuite près de la pointe sud de l’île d’Anticosti avant de revenir à Gaspé. Une deuxième équipe embarquera sur le navire de la Garde côtière canadienne depuis Gaspé, avant de sillonner les eaux de l’estuaire en direction de Trois-Pistoles. L’équipe de chercheurs longera la côte de la Côte-Nord en direction de l’est avant d’entamer le tour de l’île d’Anticosti.
Tout le périmètre étudié a été divisé aléatoirement en différentes strates au sein desquelles sont réparties entre 130 et 180 stations d’échantillonnage. À chaque station, un chalut sera traîné sur le fond marin pendant une quinzaine de minutes. L’engin de pêche récoltera alors les espèces qui vivent près du lit marin. Un seul trait de chalut à une station d’échantillonnage dure généralement trois heures.
Dans les stations près de la côte, l’engin de pêche réalisera des échantillonnages à une profondeur de 37 mètres, tandis que la profondeur du chenal laurentien au milieu du golfe atteint presque 550 mètres.
Les poissons et les invertébrés recueillis feront l’objet d’une prise de mesures minutieuse qui aidera les scientifiques à dresser un portrait de l’état de santé des ressources marines.
Au total, une centaine d’espèces de poissons et 200 espèces d’invertébrés seront étudiées au cours de l’expédition. espèces","text":"Il y a beaucoup de biodiversité que l’on rencontre dans ce relevé-là, mais à chacune des stations, on ne rencontre pas ces 300espèces"}}">Il y a beaucoup de biodiversité que l’on rencontre dans ce relevé-là, mais à chacune des stations, on ne rencontre pas ces 300 espèces
, précise le chef de la mission scientifique. On va peut-être rencontrer en moyenne une cinquantaine d’espèces différentes à chacun des traits de chalut que l’on va faire.
Les scientifiques travailleront 24 heures par jour en se relayant pour compléter en moyenne huit traits de chalut dans une journée durant l’entièreté de la mission.
Dans un deuxième temps, des sondes seront également mises à l’eau pour enregistrer les températures, les taux d’oxygène et de salinité présents dans l’eau.
Enfin, des filets à plancton seront descendus vers les profondeurs du golfe pour attraper le phytoplancton et le zooplancton. Ces données serviront à comprendre comment la base de la chaîne alimentaire se comporte au fond de l’eau.
Pour avoir tous les équipements en place afin de réaliser cette mission d’envergure, un camion de 53 pieds remplis de matériel s’est rendu vendredi matin à Gaspé.
Par ailleurs, tous les échantillons qui seront prélevés durant la mission serviront aussi à une vingtaine de projets de recherche menés par des employés du MPO et du milieu universitaire.
LA UNE : Le navire John Cabot part de Gaspé pour sillonner les eaux du golfe du Saint-Laurent. PHOTO : PHOTO : GRACIEUSETÉ DE PÊCHES ET OCÉANS CANADA
PAR Shanelle Guérin