Sans données précises sur l’ensemble des prises, Pêches et Océans Canada ne peut pas gérer convenablement les pêcheries, selon Daniel Pauly, un spécialiste des ressources marines dont l’expertise est mondialement reconnue.
Ce professeur à l’Université de la Colombie-Britannique réagissait aux conclusions du commissaire à l’environnement et aux changements climatiques.
Dans un rapport publié mardi, Jerry V. DeMarco constate notamment que Pêches et Océans Canada ne dispose pas de données fiables sur les prises nécessaires pour assurer la gestion durable des pêches maritimes commerciales et pour protéger les stocks de poissons au pays.
Selon le commissaire, le MPO n’a pas de vue d’ensemble exacte sur la quantité de poissons capturés, ce qui pose un risque de surexploitation des stocks de poissons.
Devant cette situation, Pêches et Océans Canada est incapable de déterminer si une espèce est surpêchée, confirme Daniel Pauly.
« Quand on a la responsabilité de gérer les pêcheries, il faut connaître les prises. Si on ne connaît pas les prises, on ne peut pas le faire », soutient-il.

Un exemple de ce manque de données a été fourni lors de la session du comité consultatif sur la crevette nordique, la semaine dernière à Québec.
Cette année, les scientifiques du MPO n’ont pas pu évaluer la biomasse de crevette nordique dans une des quatre zones de pêche, la zone estuaire, au grand dam des pêcheurs. Cette absence d’information survient alors que la pêche à la crevette est en difficulté et que l’ensemble de l’industrie a besoin de données fiables.
Devant certaines préoccupations comme l’évaluation annuelle de la biomasse de crevette dans le golfe du Saint-Laurent, Claudio Bernatchez suggère de mettre à contribution les pêcheurs et d’améliorer leur collaboration avec les scientifiques de Pêches et Océans Canada.
De notre côté, on demeure disponibles pour réaliser ces études et on l’est pour les années à venir
, indique Claudio Bernatchez.
Des prises accessoires invisibles
Daniel Pauly déplore que Pêches et Océans Canada soit incapable de comptabiliser les prises accessoires, c’est-à-dire les prises d’espèces qui ne sont pas celles visées par le permis détenu par un pêcheur.
MPO ne fait pas un suivi des prises, et non pas des prises officielles, mais des prises effectives, c’est-à-dire des prises de toutes les bestioles qu’on attrape, on ne peut pas savoir ce qu’il se passe dans la pêche, on ne peut pas la gérer. Voilà!","text":"Si le MPO ne fait pas un suivi des prises, et non pas des prises officielles, mais des prises effectives, c’est-à-dire des prises de toutes les bestioles qu’on attrape, on ne peut pas savoir ce qu’il se passe dans la pêche, on ne peut pas la gérer. Voilà!"}}">Si le MPO ne fait pas un suivi des prises – et non pas des prises officielles mais des prises effectives, c’est-à-dire des prises de toutes les bestioles qu’on attrape –, on ne peut pas savoir ce qui se passe dans la pêche, on ne peut pas la gérer. Voilà!
s’exclame-t-il.
Daniel Pauly prend l’exemple des prises accessoires de morue, qui ne sont pas comptabilisées par Pêches et Océans Canada. Selon lui, le suivi par le ministère est insuffisant pour espérer un rétablissement de la population.
Dans le cas de la morue, on ne fait le suivi des prises que si ce sont les morues qui sont ciblées. Si on attrape les morues dans une autre pêcherie – dans la pêche à la crevette, par exemple, on attrape plein de petites morues –, on n’en tiendra pas compte.
Surveillance des pêches déficiente
La surveillance des pêches est particulièrement déficiente, note le commissaire, ce qui entraîne des conséquences liées à la fiabilité et à la pertinence des données du MPO.
Par exemple, le commissaire relève de graves lacunes dans la surveillance des programmes d’observation en mer et de vérification à quai. Normalement, ce sont ces programmes qui permettent au MPO d’avoir des données fiables sur les débarquements et les prises accessoires par les pêcheurs.
Le commissaire note que seulement neuf entreprises d’observation en mer sur 21 ont fait l’objet de vérifications de la part du MPO. Malgré cela, le rapport note que ces neuf entreprises avaient au moins un problème lié :
à la communication inadéquate de conflits d’intérêts;
à une couverture suffisante des navires de pêche;
au manquement à l’obligation de communiquer des données exactes et opportunes sur les prises.
Récemment, un agent des pêches à Terre-Neuve a d’ailleurs été accusé d’avoir accepté des pots-de-vin sous forme de crabes.
Claudio Bernatchez, directeur général de l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie, confirme une présence moindre des observateurs en mer en raison d’un manque de main-d’œuvre. MPO ne peut pas avoir toutes les données nécessaires","text":"On sait que les observateurs ne sont pas suffisamment présents en mer pour faire ce qu’ils ont à faire, donc le MPO ne peut pas avoir toutes les données nécessaires"}}">On sait que les observateurs ne sont pas suffisamment présents en mer pour faire ce qu’ils ont à faire, donc le MPO ne peut pas avoir toutes les données nécessaires
, indique-t-il.
Le commissaire à l’environnement et au développement durable considère de plus que le système de gestion de l’information du MPO est désuet.
Daniel Pauly note d’ailleurs la différence avec le système de gestion de l’information de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, qui est, selon lui, complètement ouvert et très informatif.
Aux États-Unis, à part la pêche, il y a des tas de trucs qui ne vont pas. Mais ça, ça marche!
lance-t-il à la blague.
Appelé à réagir, le cabinet de la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Diane Lebouthillier, a réitéré avoir accepté les recommandations du commissaire à l’environnement et au développement durable.