La compagnie madelinienne qui démarrait sa phase de commercialisation s’est placée sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité le 27 novembre.
L’entreprise cumule une dette de 4,67 millions de dollars auprès de 33 créanciers.
Pas moins de 18 d’entre eux sont des entreprises ou des résidents de l’archipel madelinot.
Selon le syndic Restructuration Deloitte, deux créanciers garantis figurent au dossier, soit la Banque Royale du Canada et la Caisse populaire Desjardins des Ramées à qui Total Océan doit respectivement 1,85 million de dollars et 180 170 $.

Bien que la production d’huile de loup-marin ait nécessité la présence de travailleurs au début 2023, Total Océan n’embauche actuellement aucun employé. PHOTO : GRACIEUSETÉ DE TOTAL OCÉAN
L’entreprise doit également près de 1,24 million de dollars de fonds publics provinciaux et fédéraux, car Investissement Québec, le Fonds des pêches et Développement économique Canada figurent parmi les créanciers.
La direction de Total Océan ne baisse toutefois pas les bras devant la situation financière précaire.
Elle a lancé une ronde de financement dans l’espoir d’attirer de nouveaux actionnaires et des capitaux supplémentaires pour relancer les activités de l’entreprise. Un nouvel appui financier d’Investissement-Québec et du gouvernement fédéral est aussi souhaité.
On ne veut pas fermer l’entreprise, on veut réussir cette ronde de financement là. On a besoin de nouveaux actionnaires qui vont se greffer à Total Océan.
On cherche des contributions non remboursables, des subventions, des prêts avantageux pour obtenir des capitaux
, précise M. St-Laurent, un Gaspésien d’origine qui fait également partie des actionnaires fondateurs de Total Océan.
Total Océan a été fondée en 1995, mais ce n’est qu’en 2021 que l’entreprise a acquis un distillateur moléculaire pour produire une huile de loup-marin riche en oméga-3 pouvant être vendue à l’industrie pharmaceutique. Une dizaine de Madelinots font partie des actionnaires de l’entreprise.
Malgré la situation actuelle, M. St-Laurent croit au potentiel de Total Océan. Il rappelle que l’usine madelinienne, dotée d’un distillateur moléculaire, est le fruit d’investissements de près de 6 M$.
C’est une entreprise qui peut créer de beaux emplois, la transformation du phoque est une expertise propre aux Îles-de-la-Madeleine et notre usine est à la fine pointe de la technologie, il faut faire vivre ça
, croit-il.

Après de nombreuses années de tests, la première production commerciale a eu lieu à l’hiver 2023, mais les ventes ont été décevantes. (Photo d’archives). PHOTO : AVEC L’AUTORISATION DE TOTAL OCÉAN
M. St-Laurent indique que l’entreprise a produit 12 tonnes métriques d’huile riche en oméga-3 au début 2023. Toutefois, seulement une petite partie a pu être vendue, car le produit additionné d’un antioxydant ne répondait pas aux attentes des premiers clients approchés.
On souhaitait des ventes très rapides, car on n’avait plus beaucoup de capitaux pour opérer l’usine et avoir des revenus, mais ça n’a pas été le cas
, déplore le président du conseil d’administration. M. St-Laurent admet que le temps de commercialisation du produit a été sous-estimé.
La vente des produits de Total était d’abord assurée par le Groupe Silicyle, dont Hugo St-Laurent est président, mais Total Océan a repris les rênes de ce volet dans les derniers mois.
Total Océan a jusqu’au 12 février pour soumettre une proposition à ses créanciers ou demander une prolongation de délai supplémentaire.
Le coprésident de l’entreprise, François Gaulin, n’était pas disponible pour commenter le dossier.
Déception pour les chasseurs de phoque
Le directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec (ACPIQ), Gil Thériault, se dit déçu des déboires financiers de Total Océans, alors que l’industrie madelinienne fondait beaucoup d’espoir dans le démarrage des activités commerciales de Total Océan.

Le directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec, Gil Thériault, espère que des Madelinots vont se montrer intéressés à investir dans Total Océan. (Photo d’archives). PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE
D’avoir un potentiel client qui achetait la graisse de phoque, ça venait aider énormément à rentabiliser les expéditions de chasse
, explique M. Thériault.
Il précise que, à l’heure actuelle, seule la vente de la viande de phoque à la boucherie Côté à côte constitue un débouché fiable pour les chasseurs qui peinent à rentabiliser leurs expéditions de chasse.
Le fait que Total Océan doive prendre un pas de recul ou arrêter ses activités, c’est décevant pour toute l’industrie.
Gil Thériault est également l’un des actionnaires fondateurs de Total Océan et ex-administrateur de l’entreprise. C’est toutefois à titre de directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec qu’il a accepté de commenter le dossier.
Gil Thériault appelle à un changement de garde au sein du conseil d’administration pour relancer les activités de l’entreprise.
Je pense qu’il y a eu des décisions de gestion qui peuvent être critiquées assez facilement. Je pense que ça prend une nouvelle équipe, idéalement une équipe locale et non des gens de Québec qui parfois sont déconnectés de la réalité locale
, affirme-t-il.
On espère que, étant donné qu’il y a eu beaucoup d’argent public là-dedans, que quelqu’un prendra la balle au bond et profitera de ces installations de haute technologique qui sont aux Îles-de-la-Madeleine et que le projet continuera.
Le directeur de l’ACPIQ doute toutefois que Total Océan soit en mesure de relancer ses activités à temps pour la saison hivernale de chasse au phoque qui devrait s’ouvrir d’ici la fin du mois de janvier.
LA UNE : La direction de Total Océan a besoin de liquidités pour relancer ses activités à son usine de Havre-aux-Maison et éviter la faillite. PHOTO : GRACIEUSETÉ DE TOTAL OCÉAN
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