Plus d’une semaine après l’annonce du retour de la pêche au sébaste, force est de constater que l’annonce de la ministre Diane Lebouthillier ne passe pas auprès des pêcheurs.
Deux associations de pêcheurs, l’une de la Péninsule acadienne et l’autre de la Gaspésie, disent continuer à découvrir de nouveaux effets indésirables de la politique du ministère des Pêches et des Océans (MPO) relativement à la réouverture de la pêche au sébaste.
Cette annonce avait pourtant tous les ingrédients nécessaires afin de devenir un moment historique pour les pêcheurs du golfe du Saint-Laurent.

Claudio Bernatchez, directeur général de la Coopérative des capitaines propriétaires de la Gaspésie, croit que le fédéral doit refaire ses devoirs quant à la réouverture de la pêche au sébaste. (Photo d’archives) PHOTO : RADIO-CANADA / MARGUERITE MORIN
Cependant, ce n’est pas ce qui est en train de se passer du point de vue de leurs associations.
Je vous dirais qu’il y a des centaines, voire des milliers de Canadiens dans l’est du pays qui réalisent le fiasco dans lequel la ministre Lebouthillier s’est embarquée au nom de son premier ministre
, a indiqué lors d’une entrevue le directeur général de l’Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie (ACPG), Claudio Bernatchez.
Le directeur général de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels (FRAPP), Jean Lanteigne, déplore pour sa part le manque de flexibilité du fédéral.
C’est comme si les décisions étaient ancrées dans le ciment : ça a été fait, ça a été pris. Organisez-vous avec ce que ça veut dire
, dénonce-t-il.
Selon les associations de pêcheurs, plusieurs décisions prises quant à la réouverture de la pêche au sébaste – notamment le quota, la portion offerte aux pêcheurs de crevettes et la possibilité de permettre aux bateaux de 100 pieds de pêcher dans le golfe – sont source de frustration.
Le travail a été carrément mal fait.
Ça mériterait d’effacer tout ça puis de repartir à zéro sur des bases plus actuelles, plus solides, parce que ce plan ne vise aucunement à soutenir l’est du Canada
, laisse tomber M. Bernatchez.
Un quota compétitif?
Vendredi, une réunion entre le MPO et l’industrie a tout particulièrement fait grincer des dents, dit la FRAPP.
On a posé la question : comment est-ce que les quotas allaient être distribués? On s’est fait répondre que ce serait un quota compétitif, du moins pour les deux premières années
, peste Jean Lanteigne.

Jean Lanteigne, directeur général de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels, déplore que le MPO souhaite instaurer un quota compétitif lors des deux premières années de la pêche au sébaste. PHOTO : RADIO-CANADA / ALIX VILLENEUVE
Un quota compétitif signifie qu’une fois la pêche lancée, les pêcheurs de sébaste devront jouer du coude pour récupérer la ressource le plus rapidement possible.
On ouvre les barrières et c’est la course. C’est carrément rétrograder tout ce qu’on a vu dans la modernisation de nos pêches. On n’avance pas, on recule
, analyse-t-il.
En Gaspésie, l’ACPG allègue que d’autres mauvaises nouvelles s’en viennent. D’après cette association, de récentes projections du MPO qui n’ont pas encore été rendues publiques indiquent que les stocks de sébaste vont diminuer d’ici quelques années, faute de nourriture dans le golfe du Saint-Laurent.
Quand ça va sortir publiquement que le stock de sébastes, après avoir détruit les stocks de crevettes nordiques et de turbos, est en train de dépérir et de mourir de sa belle mort, quelque part, il va falloir qu’il y ait quelqu’un d’imputable pour tout l’est du Canada à ce moment-là
, avance M. Bernatchez.

Diane Lebouthillier, députée fédérale de Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine, en conférence de presse à Ottawa le 26 octobre 2021. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JUSTIN TANG
Dans un courriel envoyé samedi à Radio-Canada, un porte-parole du MPO a indiqué que la rencontre de vendredi a notamment permis de rappeler aux acteurs de l’industrie que le total admissible des captures n’avait pas été fixé “mais que sa valeur ne serait pas inférieure à 25 000” tonnes.
“Nous reconnaissons que nous avons encore beaucoup de travail à faire en collaboration avec les intervenants dans le secteur de la pêche”, peut-on lire dans ce courriel “Au cours des semaines et des mois à venir, le ministère prendra contact pour discuter des sous-allocations pour les allocations côtières, semi-hauturières et autochtones.”
La ministre Lebouthillier a convié les représentants des médias lundi afin de faire le point sur la situation des crevettiers et sur la réouverture de la pêche au sébaste.
LA UNE : L’annonce de la ministre Diane Lebouthillier ne passe pas auprès d’associations de pêcheurs. PHOTO : RADIO-CANADA / NICOLAS STEINBACH