La question de la validité de la vente des actifs de LA Renaissance des Îles à Pêcheries Léomar est maintenant entre les mains du juge Marc Paradis. Ce dernier a mis la cause en délibéré au terme des plaidoiries, vendredi midi au palais de justice de Havre-Aubert.
Le juge Marc Paradis devrait rendre sa décision au cours des six prochains mois.
Comme plusieurs parties ayant des intérêts différents sont impliquées dans le dossier, cinq plaidoiries ont été livrées jeudi après-midi et vendredi en matinée.
Ces plaidoiries s’appuient sur près de 220 pièces documentaires de plus de 2000 pages, déposées en preuve.
Plaidoirie des requérants
L’avocat des 29 créanciers requérants et de l’entreprise soumissionnaire Icéto, Me Emmanuel Préville-Ratelle a livré un plaidoyer d’une heure et demie pour démontrer que la décision du syndic de faillite Roy, Métivier, Roberge de vendre les actifs de LA Renaissance à Pêcheries Léomar est partiale, déraisonnable et prise au détriment de la masse des créanciers
.
Me Emmanuel Préville-Ratelle a présenté une liste de 25 manquements allégués du syndic au juge Marc Paradis pour soutenir son argumentation.
L’avocat est d’avis que le syndic a agi dans le seul intérêt de Financement agricole Canada (FAC), le principal créancier garanti de LA Renaissance, notamment pour que les sommes liées à la vente de l’usine de transformation de crabe de Grande-Entrée reviennent à FAC. Selon lui, la société fédérale n’a pas et n’a jamais détenu de droits hypothécaires sur ce bâtiment.
Me Préville-Ratelle a notamment plaidé que le syndic a déjà indiqué dans un courriel destiné aux avocats de Financement agricole Canada, le 14 février 2023, son intention de forcer une transaction au bénéfice de FAC pour l’usine de Grande-Entrée. Il a aussi fait valoir que la convention d’occupation intérimaire signée par FAC, le syndic et Pêcheries Léomar, le 29 mars 2023, fait aussi mention de la publication d’une hypothèque conventionnelle en faveur de FAC.

Me Emmanuel Préville-Ratelle est l’avocat des 29 créanciers requérants ainsi que d’Icéto. PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE
En se basant sur un cas de jurisprudence qu’il juge quasi identique
, Me Préville-Ratelle a soutenu que le juge avait le pouvoir d’annuler la vente des actifs de LA Renaissance.
C’est un cas d’intérêt national en matière d’application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité
, a-t-il plaidé.Il faut que la cour envoie un message pour que les syndics ne puissent plus agir comme ça. On a une mobilisation des créanciers pour faire entendre leur droit.
Plaidoirie du syndic
De son côté, l’avocat du syndic de faillite Roy, Métivier, Roberge a plaidé que la partie requérante n’avait prouvé aucune de ses allégations de fraude et de collusion et que la conduite de son client était valide en tous points.
Il n’y a aucune preuve que le syndic a excédé ses pouvoirs ou agi de mauvaise foi
, a lancé Me Jean-François Bertrand. Les créanciers sont fâchés par qu’ils ont perdu de l’argent, mais ce que les gens ne comprennent pas c’est que ce n’est pas le syndic qu’il leur a fait perdre de l’argent.
Il a notamment rappelé que le syndic n’était pas tenu d’accepter l’offre la plus élevée et que la soumission d’Icéto était conditionnelle à la vente de biens qui ne faisaient pas partie de l’appel d’offres, ce qui la rendait irrecevable.
De plus, le syndic jugeait que la valeur réelle de l’offre d’Icéto était d’environ 5,5 M$ et non 7,5 M$ en raison de transactions potentiellement révisables ou sous-évaluées effectuées entre les sociétés d’Alain Lord Mounir et LA Renaissance.
Me Bertrand a indiqué que LA Renaissance des Îles avait consenti une hypothèque immobilière en faveur de Financement agricole Canada, le 11 juillet 2022, pour l’usine de Grande-Entrée, conditionnelle au réglement de la question de droit de propriété du terrain.
L’usine de Grande-Entrée est construite sur un lot appartenant au ministère des Ressources naturelles et des Forêts, en vertu d’un protocole d’entente datant de 2011, intervenu entre Cap sur Mer et le Ministère. Le transfert des droits de propriété de ces terrains n’est toujours pas complété à ce jour.
Lorsque la propriété du terrain sera réglée, le syndic entend présenter une requête pour directives au tribunal afin de savoir si le fruit de la vente de l’immeuble de Grande-Entrée doit revenir à la masse des créanciers ou à FAC, a indiqué Me Bertrand.
Il soutient également que FAC détient une bonne et valable
hypothèque sur la dizaine de véhicules routiers en litige.

Me Jean-François Bertrand est l’avocat du syndic de faillite Roy, Métivier, Roberge. PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE
Par ailleurs, l’avocat Me Bertrand est d’avis que le tribunal n’a pas le pouvoir d’annuler la vente de LA Renaissance à Pêcheries Léomar. Cette demande, en plus d’être injustifiée en fait, s’avère infondée en droit
, a-t-il soutenu. Il est d’avis que la cause de jurisprudence citée par Me Préville-Ratelle ne s’applique pas dans le présent dossier.
Ce qui me fascine, c’est qu’au début, les créanciers ont voté contre la proposition aux créanciers faite par [Alain Lord] Mounir et [Lynn] Albert […] Et aujourd’hui, ces gens-là sont tous du même côté
, a mentionné Me Bertrand.
Plaidoirie de Lynn Albert
D’emblée, l’avocat de l’ex-présidente-directrice générale de LA Renaissance, Me Mathieu Desjardins, a indiqué soutenir l’ensemble de la plaidoirie de la partie requérante.
Il a affirmé que Lynn Albert avait mis sa tête sur la bûche à l’été 2022
en ayant cautionné personnellement deux prêts consentis à son entreprise pour tenter de surmonter les difficultés financière de l’entreprise. La caution personnelle de Mme Albert envers Financement agricole Canada est de 1,4 M$.
Financement agricole Canada poursuit Lynn Albert afin qu’elle paie sa caution personnelle de 1,4 million de dollars, une démarche contestée par l’ex-PDG de LA Renaissance.
Selon Me Mathieu Desjardins, le syndic a causé une situation préjudiciable à sa cliente en acceptant l’offre d’achat de 6,65 M$ des Pêcheries Léomar et non celle plus élevée d’Icéto à 7,5 M$.
L’avocat soutient que la différence entre les deux offres, pour les biens hypothéqués par FAC, est de 1,7 M$, soit un montant plus élevé que la caution personnelle de Lynn Albert. Il est d’avis que la décision du syndic a accentué le risque pour sa cliente.
Plaidoirie de Pêcheries Léomar
L’avocat de Pêcheries Léomar, Me Sébastien Gagné, a indiqué soutenir l’argumentaire présenté par le syndic.
De surcroît, il a plaidé que les requérants n’avaient, au sens du droit, pas le pouvoir d’intervenir pour demander une annulation de la vente des actifs de LA Renaissance. L’intérêt économique n’est pas considéré comme un intérêt suffisant
, a-t-il affirmé.
Selon Me Gagné, toutes les parties avaient accepté les règles du processus d’appel d’offres. Ce n’est qu’à la fin du processus que certains s’en sont trouvés frustrés, fâchés parce qu’ils n’ont pas été retenus
, a-t-il lancé.
Il a aussi soutenu que l’offre d’Icéto était non valide, car elle contenait des conditions sur des biens qui ne faisaient pas partie de l’appel d’offres.
Plaidoirie de Financement agricole Canada
L’avocat de Financement agricole Canada, Me Bernard Gravel, a indiqué qu’il approuvait et secondait la plaidoirie de Pêcheries Léomar.
Me Gravel est d’avis que Financement agricole détient les droits hypothécaires sur tous les véhicules routiers, ce que conteste les requérants.
Il a également indiqué que FAC n’avait jamais prétendu détenir actuellement de droit hypothécaire sur l’usine de Grande-Entrée, mais il a lui aussi souligné que l’ex-dirigeante de LA Renaissance des Îles s’était engagée à lui consentir lorsque la question du transfert de propriété du terrain serait réglée.
Me Gravel a qualifié de dérapage complet les procédures judiciaires intentées par les requérants après la clôture de l’appel d’offres.
Il a insisté sur le fait que le propriétaire d’Icéto, Alain Lord Mounir, n’avait jamais retiré les conditions qui rendaient son offre irrecevable, et ce, même si le syndic l’avait questionné sur celles-ci.
Selon Me Bertrand Gravel, Financement agricole Canada n’a rien à se reprocher dans le dossier. Aucune preuve sur la fraude, aucune preuve sur le traitement préférentiel, au contraire, tout le monde a été traité également
, soutient-il. Mounir en tentant d’écrire directement à certaines personnes sans passer par les avocats.","text":"Si quelqu'un a tenté d’influencer le système, c’est M.Mounir en tentant d’écrire directement à certaines personnes sans passer par les avocats."}}">Si quelqu’un a tenté d’influencer le système, c’est M. Mounir en tentant d’écrire directement à certaines personnes sans passer par les avocats.
Le résumé des plaidoiries est présenté dans cet article dans le même ordre qu’elles ont été entendues à la cour.
LA UNE : Le procès s’est déroulé durant cinq jours au palais de justice de Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine. PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE
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