L’état des océans pourrait accentuer l’insécurité alimentaire de communautés côtières

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La surpêche et le réchauffement climatique anthropique devraient accentuer les disparités d’accès aux nutriments marins à travers le monde d’ici la fin du siècle, d’après une étude. Au Canada, les communautés côtières pourraient être disproportionnellement touchées.

Comment la disponibilité des stocks de poissons, et donc des nutriments qui les composent, évoluera-t-elle d’ici 2100 à l’échelle mondiale et, surtout, comment les populations qui en dépendent parfois pour leur alimentation seront-elles touchées par ces changements?

William Cheung, directeur et chercheur principal de l’Unité de recherche sur les changements des océans de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), s’est ainsi penché sur ces questions avec un groupe de chercheurs de l’Université Lancaster, en Angleterre. Ils ont récemment publié leurs résultats (Nouvelle fenêtre) (en anglais) dans la revue Nature Climate Changedans le cadre d’une étude internationale.

De nombreuses communautés à l’échelle mondiale dépendent en effet des poissons et des mollusques pour leur alimentation, comme le précise William Cheung. Ces animaux sont riches en protéines, mais aussi en calcium, en fer et en acides gras oméga-3, considérés comme essentiels pour la santé.

À partir de plusieurs bases de données, les chercheurs ont projeté la disponibilité géographique de ces quatre nutriments d’ici 2100 en fonction de différents scénarios de réchauffement climatique.

D’après leurs résultats, les régions tropicales et à plus faibles revenus de la planète devraient faire face à une diminution plus marquée de l’accès à ces nutriments. Même au sein de pays comme le Canada, où ces projections ne semblent pas aussi alarmantes à l’échelle nationale, les populations côtières seront touchées de façon disproportionnelle, affirme William Cheung.

Conséquences disproportionnées

Bordé par trois océans, le Canada comporte en effet un grand nombre de communautés côtières pour lesquelles l’insécurité alimentaire est déjà un problème, ajoute le chercheur. Elles pourront également moins compter sur des importations d’espèces marines d’ailleurs pour compenser le déclin des espèces de proximité.

Quand on regarde la moyenne des pays à l’échelle internationale, le Canada s’en sort mieux [dans nos projections] que des États insulaires, par exemple. Mais on a quand même toujours des communautés vulnérables, qu’il faudrait de façon urgente aider à s’adapter au changement climatique, explique William Cheung.

Le Canada est un grand pays. À Vancouver ou dans les villes, on va vivre ces effets différemment que dans des communautés sur les côtes, ou même en Arctique.

Une citation de William Cheung, directeur et chercheur principal, Unité de recherche sur les changements des océans de l’UBC

Une situation déjà critique

Sur la côte centrale de la Colombie-Britannique, la communauté Heiltsuk, installée à Bella Bella, vit déjà les conséquences du déclin des espèces marines. Elle dépend de ces ressources à 100 %, comme en témoigne William Housty, directeur général du Heiltsuk Integrated Resource Management Department, qui gère les ressources de la Première Nation Heiltsuk.

Depuis les cinq à six dernières décennies, on voit un état de déclin de toutes les ressources. C’est très critique. Certaines espèces sont décimées au point de l’extinction, dit-il.

Des saumons dans une rivière.

Pour William Housty, même si le Canada, grâce à sa position géographique, pourrait bénéficier de la migration sud-nord, il n’est pas certain que ces espèces trouvent un habitat propice, plus au nord, pour se développer. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JONATHAN HAYWARD

Ce déclin va bien au-delà de l’impact nutritif et alimentaire, souligne-t-il, car les communautés côtières sont entièrement basées sur ces ressources pour leur culture et leur économie. Si on nous retire les saumons et les harengs, on nous retire de nombreux aspects de notre vie. Et il n’y a pas beaucoup d’espoir pour eux en ce moment.

L’heure est grave. Vu d’en haut, l’océan a l’air d’aller bien. Mais quand on regarde ce qu’il se passe en dessous, ça ne l’est pas du tout.

Une citation de William Housty, directeur général du Heiltsuk Integrated Resource Management Department

Avenues possibles

Pour William Cheung, l’industrie des pêches doit s’adapter de sorte à être plus durable et prendre davantage en compte les éléments nutritifs.

Parmi les causes du déclin de ces nutriments marins à l’échelle mondiale, on retrouve en effet la surexploitation de certaines espèces. C’est le cas de 35,4 % de ces stocks dans le monde, tandis que 57,3 % sont exploités de façon durable maximale, d’après un rapport (Nouvelle fenêtre) de la FAO de 2022.

La création de zones marines protégées peut également être une solution pour alléger la pression sur certaines espèces et leur donner une occasion de se développer, précise William Housty, ce qui implique également qu’elles soient bien surveillées.

Ces espèces ont une plus grande valeur dans l’océan que dans nos assiettes. Elles ont un sens plus important que l’exploitation pour l’alimentation. Elles jouent un rôle dans les écosystèmes.

Une citation de William Housty, directeur général du Heiltsuk Integrated Resource Management Department

Le réchauffement des océans, dû à nos émissions de gaz à effet de serre, influe également sur la distribution des espèces, qui se déplacent plus en profondeur et vers les pôles, dans les eaux plus fraîches.

Les auteurs de l’étude appellent donc également à limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius. Ce n’est pas une question de faire l’un ou l’autre, [l’adaptation ou l’atténuation] : nous devons de toute façon faire les deux, conclut William Cheung.

LA UNE : D’après l’étude, dans les pays à faible revenu, la disponibilité de ces nutriments pourrait diminuer de 10 % à 30 % par rapport aux années 2000, en fonction des scénarios de réchauffement climatique. Les pays à revenu plus élevé seront également touchés, même si globalement, ils auront plus de chances de s’adapter, selon William Cheung. PHOTO : GETTY IMAGES / JEFF J MITCHELL

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