Si l’Acadie s’est longtemps définie par sa langue et sa culture, son avenir passe aussi maintenant par le développement de son économie, affirme l’auteur-compositeur-interprète Zachary Richard.
La piastre est le mulet qui tire le wagon
, lance d’emblée l’artiste louisianais. Il faut valoriser la langue française de manière à ce que ce soit payant de la parler.

L’auteur-compositeur-interprète Zachary Richard a évoqué la francophonie de sa terre natale, la Louisiane. PHOTO : RADIO-CANADA / FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
Zachary Richard était de passage à Yarmouth en Nouvelle-Écosse, mardi, dans le cadre du Congrès mondial acadien (CMA) 2024. Il a donné une conférence sur l’histoire et l’identité acadienne de la Louisiane.
C’est quand même étonnant de voir […] la profondeur de la racine. Le Grand Dérangement était censé mettre fin à ce peuple-là. Et 250 ans plus tard, il n’y a pas qu’une Acadie. Il y en a plusieurs.
S’il plaide pour le développement d’une économie acadienne, Zachary Richard soutient aussi, ironiquement, que la pauvreté a joué un rôle dans la survie du français sur sa terre natale.
On vivait dans la pauvreté. Et cette pauvreté, cet isolement économique, a maintenu notre langue française
, dit-il. Les riches, ils parlaient anglais. Ils y avaient tout intérêt. C’était la langue du prestige. La langue du pouvoir. La piastre.
À la fin de la guerre de Sécession américaine en 1865, la Louisiane, un État du sud esclavagiste, est ruinée
, rappelle l’auteur-compositeur-interprète. Les riches sont pauvres et les pauvres, encore plus pauvres. Et les esclaves sont aussi misérables dans la liberté qu’ils l’étaient dans l’esclavage
, souligne-t-il. C’est une crise économique qui perdure pendant des générations.

Des efforts sont faits pour revitaliser la langue française et créole en Louisiane. PHOTO : AVEC LA GRACIEUSETÉ DE / MÉLANIE ARSENEAU
Une crise qui a maintenu l’Acadie du Sud dans un état d’isolement géographique, social, politique et économique
, précise Zachary Richard.
Pour sortir de cet isolement, dit-il, les francophones devaient s’assimiler à la majorité. Plusieurs l’ont fait. En rejoignant l’armée américaine. Ou en allant travailler dans l’industrie pétrolière.
On a tourné la page
C’est le traumatisme de la génération de mes parents qui ont été méprisés du fait qu’ils étaient unilingues francophones. L’avenir [pour eux] était américain
, témoigne Zachary Richard.
Maintenant, on comprend qu’on n’est pas obligé de choisir. On peut être bilingue. On peut célébrer cet héritage [acadien] et en tirer parti. On a tourné la page.
Depuis les années 1970, la popularisation de la musique traditionnelle cajun et les programmes d’immersion française dans les écoles ont contribué à préserver le fait français en Louisiane.
Mais il en faut plus, selon Zachary Richard, pour que la langue continue de résister aux courants assimilateurs. Le volet économique est essentiel à la survie. Il faut que les Acadiens prennent leur destin en main. Et ce destin, il est aussi économique
, insiste l’artiste de 73 ans.
Il fait confiance à la prochaine génération d’Acadiens, du Nord et du Sud, pour qu’ils se donnent les leviers économiques qui assureront leur avenir dans leur langue.
LA UNE : L’auteur-compositeur-interprète Zachary Richard a donné une conférence sur l’histoire et l’identité acadienne de la Louisiane, son État natal, dans le cadre du Congrès mondial acadien 2024 à Yarmouth en Nouvelle-Écosse. PHOTO : RADIO-CANADA / FRANÇOIS PIERRE DUFAULT