Des technologies développées en Atlantique pour réduire la pollution sonore des océans

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La pollution sonore augmente dans les océans, et de jeune entreprises en Atlantique espèrent que leurs avancées technologiques pourront réduire l’incidence nocive du bruit sur la faune marine.

Le bruit dans l’océan est à la hausse en raison des activités industrielles et militaires. Avec le transport maritime qui ne cesse de croître, le bruit dans les océans augmente chaque décennie d’environ trois décibels, ce qui correspond à peu près au double de l’intensité du son.

Cette pollution sonore affecte les animaux marins, notamment les baleines et les dauphins qui dépendent du son pour se nourrir, s’accoupler, naviguer et communiquer.

Lindy Weilgart, consultante principale en politique océanique pour l’organisme OceanCare et professeure adjointe à l’université Dalhousie à Halifax, explique que chaque fois que le bruit de fond est élevé dans l’océan, le champ de communication des baleines est réduit par une composante exponentielle.

Une baleine bleue.

La baleine bleue est très sensible aux sons de basse fréquence émis par les navires. On trouve ce cétacé dans les eaux de la Nouvelle-Écosse à longueur d’année. Photo : Silverback Films/BBC

Si elles pouvaient auparavant entendre la moitié de l’océan, cela ne correspond maintenant qu’à une tête d’épingle, dit-elle. Ça engendre d’autres problèmes, dont la montée de stress, et le stress est vraiment dangereux à long terme.

D’autres animaux marins souffrent aussi de la pollution sonore.

Ce phénomène est à la fois interspécifique et de grande ampleur, car le son peut voyager des milliers de kilomètres sous l’eau, explique Lindy Weilgart, qui est également experte en acoustique des baleines.

Malgré l’important développement du transport maritime au pays, les problèmes qu’engendrent le bruit pour les espèces marines ne semblent pas être scrutés à la loupe.

Selon le directeur technique de l’entreprise Rising Tide BioAcoustics, Paul Hines, il s’agit d’une question de priorités.

Les deux choses qui coûtent le plus cher lorsqu’on construit un navire, c’est de le rendre plus rapide et plus silencieux. Par conséquent, il y a des personnes qui n’ont pas travaillé aussi fort qu’on l’aurait voulu pour le rendre silencieux, avance-t-il.

Ainsi, l’entreprise Rising Tide BioAcoustics, basée à Dartmouth, tente maintenant de concevoir un système technologique qui supprimerait le bruit provenant des navires.

Un système antibruit prototype

Les hélices, les générateurs et les moteurs d’un navire sont les principales composantes qui émettent du bruit.

Le fondateur de Rising Tide BioAcoustics et l’ingénieur en mécanique Geoff Lebans ont mis au point un système de suppression du bruit, qui utilise un mécanisme similaire à celui des écouteurs antibruit.

Il s’agit d’appareils semblables à des haut-parleurs que l’on installe sur la coque du navire et qui émettent des sons de basse fréquence pour annuler le bruit des navires.

Autrefois, ces appareils pouvaient être de la taille d’une fourgonnette, mais des projecteurs développés par l’entreprise Geospectrum Technologies, dont le siège social se trouve aussi à Dartmouth, sont beaucoup moins imposants et ne pèsent qu’environ 100 kilogrammes.

Paul Hines et Geoff Lebans sourient à la caméra dans un stationnement avoisinant un port.

Paul Hines (à gauche), directeur technique de l’entreprise Rising Tide BioAcoustics, et son fondateur, Geoff Lebans. Photo : Moira Donovan/CBC

Le prototype développé par Rising Tide BioAcoustics utilise des micros pour capter les bruits sous-marins produits par le navire, et un algorithme génère un signal sonore capable de les annuler grâce aux haut-parleurs installés sur la coque.

Des tests du système effectué en 2023 sur le quai du Centre for Ocean Ventures and Entrepreneurship (COVE) ont permis de réduire de 30 décibels les basses fréquences émises par un navire.

Une annulation de bruit remarquable, selon Paul Hines. La prochaine phase sera de tester une plus grande gamme de fréquences et de faire des tests avec d’autres navires.

Des solutions pour les ports

Ce système antibruit n’est pas la seule technologie actuellement testée pour réduire la pollution sonore des océans.

À ce jour, réduire la pollution sonore demeure un défi puisqu’il est encore difficile de mesurer les niveaux de bruit sous l’eau et d’en déterminer la provenance. Au Nouveau-Brunswick, SeafarerAI, une jeune entreprise, conçoit un système qui fait appel à l’intelligence artificielle pour surmonter ces difficultés dans les ports.

Le principal problème vient du fait que les ports n’ont pas l’infrastructure nécessaire pour mesurer ce phénomène. Il nous faut une base de référence qui permettra de la mesurer, dit le PDG de l’entreprise, Ian Wilms.

Une baleine noire de l'Atlantique Nord.

La pollution sonore peut avoir des effets nocifs sur la baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition. Photo : New England Aquarium

SeafarerAI installe actuellement des hydrophones dans le port de Belledune, et le bruit capté par ces appareils sera analysé grâce à l’intelligence artificielle pour en déterminer les sources.

Selon Ian Wilms, cette technologie pourrait par exemple être utilisée par un maître de port pour discerner le bruit d’un navire qui approche et demander à son capitaine de réduire sa vitesse et, par conséquent, son niveau sonore. Le système pourrait également détecter la vie marine à proximité, afin de permettre aux navires de prendre les mesures nécessaires pour réduire au minimum la perturbation des baleines ou d’autres espèces.

Rassembler le secteur maritime

Parallèlement, l’entreprise de Dartmouth Graphite Innovation Technologies (GIT Coatings) a conçu des matériaux qui aident à réduire le bruit de certaines parties des navires. Par exemple, des revêtements antibruit pour les hélices et un équipement pour isoler les coques.

Avec l’aide de la Supergrappe des océans du Canada (SOC) — leader canadien mondial dans l’économie bleue durable — GIT Coatings a testé son matériel sur plusieurs navires et a enregistré une réduction des niveaux sonores.

Mo AlGermozi, président de l'entreprise Graphite Innovation Technologies.

Mo AlGermozi, président de l’entreprise Graphite Innovation Technologies. Photo : Robert Short/CBC

Bien que les résultats des tests ne soient pas encore entièrement concluants, le PDG de GIT Coatings, Mo AlGermozi, a bon espoir que les acteurs de l’industrie se rassembleront pour adopter des solutions qui permettront de réduire la pollution sonore.

Dans le secteur du transport maritime, on a accordé beaucoup d’attention à la réduction des émissions de GES, et c’est en train de se produire. Je crois que si on fait la même chose pour le bruit, on va arriver à quelque chose, avance-t-il.

En attente de la réglementation d’Ottawa

S’il existe de nombreuses autres sources de pollution sous-marines, Lindy Weilgart souligne que celles provenant des navires sont sûrement les plus faciles à éliminer si l’on s’y attaque réellement. Elle rappelle que contrairement aux sonars, par exemple, les navires n’ont rien à gagner à demeurer bruyants.

Il y a beaucoup de mouvement, particulièrement au Canada, ajoute-t-elle.

Lindy Weilgart à bord d'un navire.

Lindy Weilgart Photo : Gracieuseté : Lindy Weilgart

Ottawa a publié à l’automne une ébauche de sa stratégie maritime sur le bruit sous-marin. Le plan d’action qui en résultera est attendu en 2025.

Lindy Weilgart estime qu’une réglementation stricte du fédéral pourrait ultimement être nécessaire pour trouver des solutions.

Elle fait remarquer, par exemple, qu’une réduction de 10 % de la vitesse permise des navires pourrait abaisser de 40 % la pollution sonore environnante.

LA UNE : Le bruit des navires peut compromettre la capacité des animaux marins à naviguer, à communiquer et à se nourrir Photo : Associated Press / John Calambokidis

PAR Radio-Canada d’après le reportage de Moira Donovan de CBC