Il est déjà presque partout en Atlantique. Présent depuis le début des années 2000 aux îles de la Madeleine, il n’a pas encore touché les côtes de la Gaspésie et de la Côte-Nord. La surveillance du crabe vert, une espèce envahissante, est devenue prioritaire au Québec.
En milieu marin, il s’agit de l’espèce envahissante qui a sans doute le plus de répercussions négatives sur l’écosystème et, par ricochet, sur les pêches.
Pour se nourrir, le crabe vert creuse et détruit les herbiers où vont se nourrir les petits poissons. La bête, très vorace, est aussi friande de mollusques comme les myes ou les moules. Elle est aussi agressive et force le déplacement d’autres espèces comme le crabe commun.
Les changements climatiques peuvent affecter le risque que des espèces soient capables de s’implanter
, déclare la biologiste Andréanne Demers, faisant directement référence au crabe vert.

Andréanne Demers rappelle que les dégâts causés par le crabe vert peuvent perturber considérablement l’écosystème marin du Saint-Laurent. Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet
La biologiste principale à Pêches et Océans Canada (MPO) pour les espèces aquatiques envahissantes souhaite d’ailleurs sensibiliser les cueilleurs de mollusques et les pêcheurs amateurs à l’importance d’identifier ce petit crustacé, qui atteint une taille de 10 à 12 cm à l’âge adulte. Le détecter au plus tôt permettrait de limiter les dégâts.
Une aire de répartition qui s’étend
L’empreinte du crabe vert est bien documentée en Nouvelle-Écosse depuis la fin du 19e siècle.
Malgré sa présence démontrée depuis des années, il existe à l’heure actuelle peu de moyens d’éliminer le crabe vert. Tant qu’il y a un apport de larves, tant qu’il y a de la reproduction… C’est l’océan, donc ça peut arriver par les courants océaniques, c’est très difficile de l’arrêter. Il n’a pas de prédateur majeur, le homard semble s’en nourrir, mais pas assez pour affecter la population, réduire son nombre
, observe Andréanne Demers.
La menace du crabe vert est donc loin d’être inédite, mais elle a pris une nouvelle ampleur ces dernières années.
Ce crabe vert, originaire de la Méditerranée, n’a jamais apprécié les eaux froides. Sa présence est donc demeurée limitée pendant des années à la Nouvelle-Écosse. Une variété moins sensible au froid, qui vit dans les eaux de la mer du Nord, a toutefois été repérée dans les eaux canadiennes à la fin du 20e siècle.

Le MPO souhaite que le public l’aide à repérer le crabe vert afin de limiter son implantation dans le Saint-Laurent. Photo : Gracieuseté : Pêches et Océans Canada
Ce type de crabe vert est dorénavant présent partout dans le golfe jusqu’à Terre-Neuve. Il s’est aussi croisé avec la première espèce. Cette nouvelle sous-espèce, selon les chercheurs, est plus tolérante aux changements de température de l’eau et aussi plus combative.
Le retour du crabe vert dans l’archipel
Au Québec, des crabes verts ont été repérés dans l’archipel madelinot, au début des années 2000. Pendant longtemps, les mesures de contrôle ont bien fonctionné. Et oups : en 2022, des pêcheurs madelinots d’anguille rapportent un nombre plus important d’individus.
Une attention particulière a été portée en 2023 et environ 300 individus ont été pêchés dans la baie de Bassin à l’automne.

Des biologistes du MPO et des bénévoles du comité ZIP des Îles-de-la-Madeleine installent des cages pour attraper les crabes verts dans la baie de Bassin. Photo : Gracieuseté : Pêches et Océans Canada
En collaboration avec le comité ZIP de l’archipel, des efforts plus soutenus pour limiter la propagation ont été effectués cette année. Andréanne Demers précise que le but premier est de tenter d’en capturer le plus possible dans les périodes où les femelles sont actives
, c’est-à-dire autour du printemps ou tard à l’automne.
Le but est d’en attraper le plus possible dans la baie de Bassin afin d’éviter que les crustacés se rendent ailleurs aux îles de la Madeleine. Plus d’un millier de spécimens ont été extirpés des eaux en 2024.
Beaucoup de questions se posent sur l’impact du crabe vert aux Îles. Les interactions entre cette espèce et le homard ne sont d’ailleurs pas très connues, notamment dans un contexte de changements climatiques.
Surveillance accrue
La côte gaspésienne semble épargnée jusqu’à maintenant. Le crabe vert, qui aime les marais salés, les plages sablonneuses et les zostères, pourrait néanmoins coloniser les barachois gaspésiens.
On est probablement à la limite de son aire de répartition
, suppose Mme Demers. Est-ce que les changements climatiques vont faire qu’il va se rendre plus loin, qu’il va être plus agressif au Québec? Ça reste à voir.
La biologiste ajoute que son aire de répartition va dépendre de la nourriture disponible et de paramètres physico-chimiques comme la température, la salinité ou le pH.

Une collecte de crabes verts réalisée par des chercheurs du MPO. Photo : Gracieuseté : Pêches et Océans Canada
Deux individus ont été découverts à Belledune, au Nouveau-Brunswick, en face de la Baie-des-Chaleurs en 2023. Depuis, des tests d’ADN environnemental qui ont été notamment effectués à Chandler en 2024 n’ont rien détecté.
La Côte-Nord est aussi sous surveillance en raison de sa proximité avec les côtes de Terre-Neuve. Le crabe vert y a en effet envahi plusieurs baies, notamment dans le sud-est.
La pêche au crabe vert
La pêche peut être vue comme une solution pour contrôler la population de crabes verts. Les biologistes se montrent toutefois prudents quant à cette solution, et ce, en raison des risques associés à la contamination qui pourraient augmenter sa dissémination.
En Nouvelle-Écosse, le crabe vert fait toutefois l’objet d’une pêche commerciale dans le sud-ouest et dans l’est de la province. Les pêcheurs de homard peuvent aussi le conserver comme prise accessoire.
Les premières pêches au crabe vert ont débuté en 2010 dans le cadre d’un projet pilote. Il avait à l’époque pour objectif d’offrir une pêche de substitution à des pêcheurs de grosse anguille et de répondre aux préoccupations concernant les effets du crabe vert en tant qu’espèce aquatique envahissante.

Pêches et Océans Canada considère le crabe vert européen comme « l’une des 10 espèces les plus indésirables dans le monde ». Photo : Emily Grason/WSG Crab Team
Le programme est devenu permanent en 2014 et a été étendu en 2017, notamment avec l’octroi de permis aux Premières Nations. Tous les crabes pêchés peuvent être vendus, notamment comme appâts pour la pêche au homard, sauf les crabes pêchés à des fins de contrôle des espèces aquatiques envahissantes.
La Nouvelle-Écosse compte 113 permis commerciaux de pêche au crabe vert, dont 75 en exploitation. Selon les données transmises par Pêches et Océans les pêcheurs ont ramené à quai en moyenne 72 tonnes de crabes verts depuis 2019. Les revenus annuels moyens demeurent marginaux, soit 152 000 $ pour l’ensemble des débarquements.
LA UNE : Jusqu’à maintenant, la présence du crabe vert au Québec n’a été observée qu’aux îles de la Madeleine. Photo : Gracieuseté : Pêches et Océans Canada