L’Institut Maurice-Lamontagne (IML) de Mont-Joli s’est doté en 2024 d’un laboratoire très spécial pour étudier la présence des espèces envahissantes. Ce laboratoire pourra dans un premier temps aider à orienter la détection du crabe vert dans un contexte de changements climatiques.
Il fait très froid dans le nouveau laboratoire de l’Institut. Si pour l’instant l’eau de tous les bassins est maintenue à six degrés Celcius (°C), cela devrait changer sous peu. La particularité de notre système, c’est qu’on a un contrôle de température sur plusieurs bassins individuels. Comme ça, on va être capable de faire des expériences et regarder la tolérance thermique des crabes verts
, explique la biologiste Kathleen Macgregor.
C’est d’ailleurs ce qui intéresse particulièrement les scientifiques. La recherche, ici, c’est dans le but d’essayer de voir jusqu’où le crabe vert peut envahir les côtes du Québec. Il est actuellement au cœur des îles de la Madeleine. Est-ce que c’est sa limite thermique? Est-ce qu’il peut aller dans plus froid? Jusqu’où il peut envahir le Québec, la baie des Chaleurs, la Côte-Nord?
questionne la biologiste Andréanne Demers, qui travaille sur les espèces envahissantes.

Les crabes verts seront installés dans des aquariums maintenus à différents degrés de température. Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet
En raison de sa dispersion rapide au cours des dernières années, le crabe vert fait partie des espèces envahissantes jugées prioritaires pour le Québec.
Kathleen Macgregor collectionne les crabes verts depuis la mi-octobre. Ils viennent de partout au Canada : Colombie-Britannique, Terre-Neuve, Nouveau-Brunswick, îles de la Madeleine. Les derniers sont arrivés il y a deux semaines.
Étudier sans contaminer
L’expression le dit : l’espèce est envahissante. Il faut donc l’étudier pour bien la contrôler. Afin d’éviter la contamination, le nouveau laboratoire de l’IML devait être complètement isolé du reste du bâtiment et surtout de son réseau de bassins.

La biologiste Kathleen Macgregor est responsable du nouveau laboratoire. Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet
Il a pu être aménagé dans une ancienne salle d’écotoxicologie, déjà à l’écart, et disposant d’un plancher plus bas pour éviter les débordements.
La désinfection est obligatoire à l’entrée et à la sortie. On a construit une salle avec un système de filtration et une isolation adéquate, vraiment sécuritaire pour être capable de ramener des espèces, les garder et être certain qu’il n’y a aucune chance qu’elles s’en échappent
, assure Kathleen Macgregor.
Chaque aquarium contenant des crabes verts est fermé d’un couvercle et d’un poids afin d’éviter que le crustacé, un bon grimpeur, puisse en sortir.
Des travaux dès janvier
La première expérimentation commencera en janvier avec des crabes verts en provenance de différents sites afin d’obtenir des crustacés qui sont de lignées de la Méditerranée, de l’Europe du Nord et des hybrides. S’ajoutent à cela des crabes verts du Pacifique dont on testera aussi la résistance thermique.
La température des bassins variera de 2 °C à 26 °C. On veut aller pousser vraiment plus chaud que ce qu’on voit présentement dans nos eaux pour aller chercher des limites thermiques
, précise Kathleen Macgregor. Cette variation entre l’eau la plus froide pouvant être obtenue avec le système et celle probablement trop chaude
pour le crabe vert vise à couvrir une gamme de températures différentes.

Le crabe vert est déjà présent dans toutes les provinces de l’Atlantique ainsi que le long des côtes de la Colombie-Britannique. Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet
Cette expérience jumelée aux prévisions de réchauffement des eaux du golfe devrait aider à déterminer l’aire probable de répartition du crabe vert ainsi que les sites les plus à risques de voir une colonie s’y établir. Ces données aideront à éventuellement établir des stations de surveillance sur la Côte-Nord et en Gaspésie.
Il aura fallu un peu plus d’un an pour aménager ce nouveau laboratoire. Scientifiquement, cet outil apportera des réponses à des questions sur le crabe vert auxquelles il était impossible de répondre sans bénéficier d’installations sécuritaires. On n’était pas capable de travailler avec des espèces envahissantes en laboratoire. Puis après ça, il y a eu quand même une grande volonté et beaucoup de collaboration entre les équipes de gestion des sciences à Ottawa et de l’Institut Maurice-Lamontagne
, indique Kathleen Macgregor.

Le laboratoire devrait apporter des réponses à des questions sur le crabe vert auxquelles il était impossible de répondre sans bénéficier d’installations sécuritaires. Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet
Même si l’aménagement du laboratoire a été financé pour un programme de recherche sur le crabe vert, il a été aussi pensé pour l’étude d’autres espèces envahissantes.
Ses bassins pourraient par exemple être convertis à l’eau douce pour étudier la moule zébrée ou des végétaux. Mme Macgregor assure que l’ensemble de la salle, y compris la forme des aquariums, s’adaptera aux recherches.
LA UNE : Dans le laboratoire, il est possible de contrôler la température de chacun des bassins. Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet