En cette période hivernale où ni bateaux ni casiers ne sont à l’eau, des pêcheurs de homard gaspésiens sont de plus en plus inquiets devant la menace du président américain désigné Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens.
Le principal marché du homard canadien étant celui des États-Unis, des homardiers craignent des impacts majeurs sur leur portefeuille. On ne sait vraiment pas à quoi s’attendre. C’est certain que ça va avoir un autre impact qui va nous toucher sur le prix, c’est officiel, mais on ne sait pas, on attend et on va le savoir quand on va pêcher
, affirme Daniel Boulay, pêcheur de homard depuis 25 ans.
M. Boulay ajoute que les pêcheurs du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie (RPPSG) ont été avisés par l’industrie de prévoir des baisses du prix du homard dès que la pêche s’entamera en Gaspésie.
Daniel Boulay pêche le homard depuis 25 ans dans le secteur de L’Anse-au-Griffon à Gaspé. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat
C’est ce que craint aussi le homardier, Marc-Antoine Élément. Il anticipe une surabondance de homard sur le marché domestique. Cette nouvelle s’ajoute à la délivrance de nouveaux permis de pêche exploratoire au printemps. Si on arrive avec un volume de homard qui n’a pas été pris en considération pour le marché, sans étude de faite, on va arriver avec quel prix?
, se questionne M. Élément.
On ne s’attend pas à une saison très, très joyeuse.
Une pêche exploratoire qui inquiète toujours
À l’instar de certains de leurs confrères pêcheurs et du RPPSG, Daniel Boulay et Marc-Antoine Élément déplorent le manque d’informations entourant la délivrance de ces nouveaux permis dans la zone 19, qui s’étend de Cap-Gaspé à Cacouna.
Le plan d’acquisition de connaissances et de développement de la pêche au homard, annoncé par Pêche et Océans Canada à la fin du mois de décembre, vise à évaluer si les stocks dans la zone 19 peuvent supporter une future pêche commerciale. Ces permis exploratoires seront réservés aux pêcheurs autochtones et à ceux de flottilles en difficultés comme les pêcheurs de crevette ou de flétan du Groenland.
À terme, après trois phases de délivrance des permis, le nombre de casiers passerait de 3000 à 7750 dans la zone 19.
Ce qui inquiète les pêcheurs c’est qu’Ottawa n’exclut pas les cinq sous-zones où il y a déjà une pêche commerciale, exploitée par huit pêcheurs. Ces derniers craignent ainsi une chute des prix, mais aussi une surpêche et la faillite pour certains qui viennent d’acheter à gros prix leur permis.
C’est clair que ce sont des permis de pêche commerciale déguisés en permis de pêche exploratoire […] Je ne pense même pas que ç’a été dans leur idée de nous écouter. Ils ne nous sont arrivés avec aucun chiffre au niveau de la viabilité économique, aucun chiffre au niveau de la ressource
, ajoute M. Élément.
Marc-Antoine Élément et son père Charley viennent d’investir plus de 800 000 $ pour acheter un nouveau bateau de pêche.
Dans ma sous-zone, de ce qu’on peut voir, après les trois phases, on en aurait pour 950 casiers de plus. On en serait à 112 % d’augmentation d’effort de pêche
, soutient Daniel Boulay, sans pour autant être contre le principe d’une pêche exploratoire.
Marc-Antoine Element et son père Charley Element Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat
Même si la pêche au homard est bonne depuis quelques années au large de la péninsule gaspésienne, l’arrivée de ces permis exploratoires pourrait mettre en péril, selon eux, la rentabilité de l’entreprise que prévoit racheter de son père le jeune pêcheur.
Quant au plan de pêche exploratoire du fédéral, ses responsables expliquent que 70 % des permis octroyés se feront à l’extérieur des secteurs de pêche commerciale et que les objectifs du plan seront revus en fonction des stocks.
LA UNE : En décembre dernier, Pêches et Océans a confirmé l’émission de 31 nouveaux permis de pêche exploratoire dans la zone s’étendant de Cap-Gaspé jusqu’à Cacouna. D’autres permis seront aussi ajoutés à Anticosti. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat
PAR ‘après le reportage de Martin Toulgoat.
