Pêches et Océans Canada a reçu 261 demandes de pêcheurs individuels de l’Est-du-Québec désirant mettre la main sur un permis de pêche exploratoire au homard dans les zones 17 et 19.
Les demandes, provenant des pêcheurs individuels du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, de la Côte-Nord et des Îles-de-la-Madeleine, sont cinq fois plus nombreuses que les 53 permis qui leur seront délivrés par le ministère fédéral.
En décembre, Pêches et Océans Canada a annoncé l’ouverture d’une pêche exploratoire totalisant 4500 casiers dans la zone 17 et 7750 casiers dans la zone 19.
Dans la zone 17, qui entoure l’île d’Anticosti, les pêcheurs individuels des trois régions maritimes du Québec ont déposé 160 demandes, mais seulement 18 permis de 125 casiers seront distribués équitablement entre les trois zones.
Ces demandes des pêcheurs individuels excluent les neuf permis communautaires de 250 casiers réservés aux Premières Nations de l’Est-du-Québec pour la zone 17. Le processus d’attribution des permis communautaires destinés à l’usage des Premières Nations s’effectue quant à lui en parallèle
, indique par courriel Pêches et Océans Canada.
Nombre de demandes de permis déposées par des pêcheurs individuels pour la zone 17

Dans la zone 19, qui s’étend désormais du Bic à la pointe de Forillon, 101 demandes ont été déposées par les pêcheurs individuels de la région maritime Bas-Saint-Laurent–Gaspésie, qui étaient les seuls visés par l’avis d’intérêt.
Pêches et Océans délivrera au maximum 35 permis de 100 casiers aux pêcheurs individuels. Les communautés autochtones se verront quant à elles attribuer 17 permis de 250 casiers.
Nombre de demandes de permis déposées par des pêcheurs individuels pour la zone 19
Un engouement attendu
Les associations de pêcheurs de la Gaspésie ne sont pas surprises de l’engouement entourant ces nouveaux droits de pêche exploratoire.
Il n’y a pas grand monde dans le secteur des pêcheurs au Québec actuellement qui ne souhaiterait pas avoir de permis de homard
, lance le directeur de l’Office des pêcheurs de crevettes du Québec, Patrice Élément.
Il va y avoir beaucoup d’appelés et très peu d’élus.
De son côté, le directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du nord de la Gaspésie affirme que tous ses membres ont déposé une demande pour mettre la main sur un permis exploratoire. Le regroupement compte une trentaine de pêcheurs de poisson de fond, essentiellement des turbotiers.
Beaucoup de pêcheurs voient la pêche exploratoire [du homard] comme une avenue assez intéressante, indique Jean-René Boucher. On sait qu’avec 100 casiers, ça ne deviendra pas la pêche principale de tout le monde, ça ne sera pas la principale source de revenus, mais ça pourrait venir aider à compenser, sans remplacer complètement, les pertes de revenus de la pêche au turbot.
M. Boucher avance deux raisons qui peuvent avoir contribué à gonfler le nombre de demandes de permis.
C’est sûr que certaines personnes qui ne remplissaient pas les critères ont probablement posé leur candidature, affirme-t-il. Et puis, les pêcheurs de turbot ont pour la plupart fait une demande autant du côté de la zone 17 que de celui de la zone 19.

Selon des chiffres préliminaires, moins de 20 tonnes de flétan du Groenland, communément appelé turbot, ont été pêchées en 2024. Il y a une dizaine d’années, les débarquements frôlaient les 4000 tonnes dans l’est du pays. (Photo d’archives) Photo : MPO- Claude Nozères
Pêches et Océans Canada priorisera les Premières Nations, les pêcheurs de flottilles en difficulté et ceux de la relève dans l’octroi de ces permis de pêche exploratoire.
Le ministère fédéral n’a toutefois pas dévoilé les critères et les mécanismes utilisés dans l’attribution des permis à l’intérieur de ces groupes prioritaires.
Ça demeure très nébuleux du côté des pêcheurs et des associations, déplore Jean-René Boucher. Est-ce qu’il y aura des critères qui seront utilisés pour prioriser certains pêcheurs en difficulté par rapport à d’autres? Et si oui, quels seront ces critères?

Les pêcheurs de poissons-appâts, comme le maquereau, le hareng de printemps, la plie rouge et la limande à queue jaune, ont été touchés par des moratoires dans les dernières années. (Photo d’archives) Photo : Gurcan Ozturk/AFP/Getty Images
De leur côté, les pêcheurs d’appâts des Îles-de-la-Madeleine espèrent qu’ils seront les premiers à recevoir les permis réservés à l’archipel madelinien pour la zone 17.
Selon l’Association des pêcheurs d’appâts des Îles, cinq pêcheurs touchés par le moratoire sur la plie rouge et la limande à queue jaune imposé en 2023 sont toujours en difficulté, sans autre permis de pêche.
Le directeur du Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles, Charles Poirier, précise que les associations de pêcheurs de l’archipel ont obtenu un consensus pour recommander l’octroi des permis exploratoires aux pêcheurs d’appâts.
On était unanimes. Ça va aider ces pêcheurs-là
, lance M. Poirier.

Pour être admissibles à l’obtention d’un permis de pêche exploratoire, les pêcheurs de l’Est-du-Québec ne devaient pas détenir de permis de pêche au homard, qu’il soit commercial ou exploratoire. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Jean-Francois Deschênes
Les détenteurs d’un permis de pêche au homard n’étaient pas admissibles à cette nouvelle pêche exploratoire. De plus, les titulaires de permis de pêche au crabe des neiges pourraient être disqualifiés du processus pour certaines flottilles, qui n’ont pas été nommées par Pêches et Océans Canada.
Les permis de la discorde?
Le directeur général de l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie (ACPG) affirme déjà que le processus d’octroi de nouveaux permis de pêche exploratoire fera beaucoup de déçus.
Claudio Bernatchez espère que le partage de ces droits de pêche exploratoire ne créera pas de divisions dans la communauté des pêcheurs, mais il cite déjà trois éléments qui risquent de créer des vagues.
Il y a des frictions qui se sont manifestées dans les derniers mois par rapport à l’équité entre les flottilles en difficulté. Est-ce que le partage sera fait en fonction de la réalité de chacune? demande M. Bernatchez. On espère que ça ne viendra pas créer de bisbille entre nos membres.
Le directeur de l’ACPG soulève également les craintes soulevées par les pêcheurs commerciaux déjà en activité dans les zones où de nouveaux permis exploratoires seront délivrés.
Il y a aussi un problème qui s’est développé concernant la priorité donnée aux communautés autochtones qui ont eu le loisir de choisir avant les pêcheurs non autochtones où elles souhaitaient exercer leur activité de pêche
, ajoute M. Bernatchez.
Tout ça contribue à un mélange potentiellement explosif dans nos milieux pour les mois à venir […]. Souhaitons qu’à terme, on conserve la paix sociale dans le monde des pêches de notre région.
Pêches et Océans n’a pas précisé à quel moment il comptait dévoiler l’identité des titulaires de permis.
Les pêcheurs espèrent, quant à eux, des réponses au plus tard au début du mois de février, afin de se préparer convenablement à l’ouverture de la saison, qui a habituellement lieu au début de mai.
LA UNE : Les permis exploratoires visent à acquérir des données pour déterminer si le stock de homard est suffisant pour soutenir un plus grand effort de pêche. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose