Le pont de la Confédération a transformé l’Île-du-Prince-Édouard, mais pas ses habitants

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Depuis 1997, le pont de la Confédération a transformé le visage de l’Île-du-Prince-Édouard tant sur le plan économique que sociétal. Le secteur touristique a connu un essor sans précédent tandis que les habitants se sont plus que jamais ouverts sur le monde. Malgré tout, l’identité insulaire, synonyme de communauté, est restée bien vivante.

«Le pont a changé nos vies, on est beaucoup plus libres maintenant, on n’a plus besoin d’attendre des heures le ferry ou l’avion pour quitter l’île. En dix minutes, on est de l’autre côté», témoigne l’Acadienne Jeannette Arsenault.

Depuis 1997, le Pont de la Confédération relie l’Île-du-Prince-Édouard au Nouveau-Brunswick et à la terre ferme. Un axe routier de près de 13 km construit contre vents, glaces et marées, par-dessus le détroit de Northumberland.

La course pour attraper le dernier bateau de la journée, les longues heures d’attente dans le traversier prisonnier de la banquise ne sont plus que de «lointains souvenirs», salue l’agricultrice à la retraite, Ruth Howatt, arrivée de Suisse en 1984.

À l’origine, Ruth Howatt s’opposait à la construction du pont. Près de trente ans après, elle reconnaît que «ce n’est plus grand-chose» et salue «la liberté de voyager plus facilement.» Gracieuseté

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À l’origine, Ruth Howatt s’opposait à la construction du pont. Près de trente ans après, elle reconnaît que «ce n’est plus grand-chose» et salue «la liberté de voyager plus facilement.» Gracieuseté

«Nous pouvons nous rendre plus aisément à des rendez-vous médicaux en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick, c’est important, car de nombreux services spécialisés ne sont pas disponibles ici», ajoute la mairesse adjointe de Cavendish, Linda Lowther.

Attractivité pour les immigrants 

Cette «ligne de vie», selon les mots de la coordinatrice de l’Institut d’études insulaires de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, Laurie Brinklow, facilite les déplacements des habitants et «a renforcé leurs liens avec le reste du Canada et du monde.»

Néanmoins, la coordonnatrice de la Chaire UNESCO en études insulaires et en durabilité l’assure: les habitants de la plus petite province du Canada, se sentent «toujours comme une île, isolés par l’eau qui les entoure.»

«Sur le plan sociétal, notre rythme de vie est toujours un peu plus lent qu’ailleurs et nous avons ce profond sentiment d’insularité, d’appartenance à une communauté. L’île forme une bulle protectrice contre la mondialisation où nous veillons les uns sur les autres», affirme-t-elle.

Le Pont de la Confédération – Archives

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Le Pont de la Confédération – Archives

Aux yeux de la chercheuse, le pont a aussi favorisé l’immigration des quatre coins de la planète. Entre 1997 et aujourd’hui, la population insulaire a augmenté de 30%.

«Les gens n’auraient pas voulu dépendre d’un traversier, se retrouver coincés sur une île en hiver. Ils aiment la commodité du pont, la facilité d’accès les a attirés», appuie le professeur à la Faculté de commerce McDougall de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, Jürgen Krause.

L’île a ainsi changé de visage au cours des vingt-huit dernières années, comme en témoigne l’explosion du nombre de restaurants internationaux ou encore la multiplication des rayons ethniques dans les épiceries.

«Ce n’est pas parfait, il y a encore du racisme, les immigrants ont parfois du mal à s’intégrer, ils doivent gagner leur insularité, mais la majorité des habitants est plus ouverte sur le monde», considère Laurie Brinklow.

Plus de touristes, plus longtemps 

Le pont a également eu des retombées positives sur l’économie de la province. Lors de la première année d’exploitation, le nombre de visiteurs a dépassé le million pour la première fois de l’histoire de l’île et les dépenses des voyageurs ont augmenté de 63%.

En 1998, le nombre de véhicules ayant emprunté le pont est estimé à 1,6 million, alors que le traversier en avait transporté un peu moins d’un million en 1996. Les années suivantes, le nombre de véhicules qui traversent s’est stabilisé autour de 1,5 million. À présent, 75% des vacanciers accèdent à l’île par la route.

«C’est de loin notre plus grand point d’entrée et de sortie, confirme la directrice générale de l’Association de l’industrie touristique de l’Île-du-Prince-Édouard, Corryn Clemence. Le pont a contribué à la croissance constante de notre secteur, qu’il s’agisse de la restauration, de la vente au détail, de l’hébergement ou de l’événementiel.»

À Cavendish, Linda Lowther constate de son côté un allongement de la saison touristique. Les chalets, les hôtels et même les terrains de golf qui fermaient leurs portes le jour de la fête du Travail restent désormais ouverts jusqu’en octobre.

«Avant, les business devaient faire leurs chiffres d’affaires entre juin et août. À présent, l’automne est devenu une période très occupée, où ils peuvent gagner une grosse partie de leurs revenus», détaille l’élue.

Pas de «boom» de l’économie

Le nombre de visiteurs à la boutique Shop&Play, anciennement Cavendish Figurines Limited, a explosé à la suite de l’ouverture du Pont de la Confédération . – Collaboration spéciale: Marine Ernoult (IJL)

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Le nombre de visiteurs à la boutique Shop&Play, anciennement Cavendish Figurines Limited, a explosé à la suite de l’ouverture du Pont de la Confédération . – Collaboration spéciale: Marine Ernoult (IJL)

Cavendish Figurines Limited fait partie de ces entreprises qui ont directement bénéficié de l’ouverture du pont. Historiquement, l’usine de fabrication de figurines inspirées de l’univers de Anne… la maison aux pignons verts était située à Summerside.

Mais en 1998, la propriétaire, Jeannette Arsenault, décide de déménager l’usine dans le village de Borden-Carleton au pied des piliers. Elle ouvre également une boutique de souvenirs attenante. À l’époque, le gouvernement provincial lui offre même le terrain pour mener à bien son projet.

À Summerside, 8000 personnes visitaient chaque année la manufacture, à Borden-Carleton, elles sont plus de 100 000. Le chiffre d’affaires s’envole et la compagnie passe de 5 à 15 employés.

«Le pont, c’était fameux pour le business, pendant 25 ans on a été la plus grosse boutique de souvenirs cadeaux de l’Atlantique», témoigne Jeannette Arsenault.

Au-delà du secteur touristique, l’économiste à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, James Sentance, estime que l’économie insulaire «n’a pas vraiment connu de boom» et préfère parler de «croissance lente.»

Il note cependant une certaine «diversification de l’économie», avec le développement du commerce de détail et l’expansion de l’industrie manufacturière.

«Avant 1997, il y avait beaucoup de choses que l’on ne trouvait pas à l’île, on devait se rendre dans les provinces voisines pour les trouver. Aujourd’hui, il y a une plus grande sélection de produits accessibles dans les magasins», rapporte-t-il.

Éoliennes et biotechnologie

La plupart des marchandises sont désormais acheminées par la route, «ce qui est beaucoup plus efficace et rapide», confirme le vice-président de la Chambre de commerce de Summerside, Sam Sanderson.

«Il y a plus de certitude en matière de calendrier d’expédition. Ça permet de réduire les temps d’attente et donc de réduire les coûts», poursuit-il.

«Ça facilite l’exportation de nos produits agricoles et de la mer. Avant, des cargaisons entières pouvaient être ruinées pendant une traversée si le ferry se retrouvait bloqué dans la glace», abonde dans le même sens Linda Lowther.

Pour Laurie Brinklow, la flexibilité offerte par le pont a aussi séduit plusieurs entreprises de biotechnologie. Il y a vingt ans, l’île ne comptait que six compagnies de biosciences encore balbutiantes. À l’heure actuelle, elles sont une soixantaine, emploient environ 2200 personnes et pèsent l’équivalent de 5% du produit intérieur brut (PIB) de la province.

L’universitaire rappelle en outre que les nombreuses éoliennes que compte la province ont pu venir par la route : «Une étude a montré qu’il aurait été impossible de les amener par traversier.»

Près de trente ans après, l’île semble plus que jamais dépendante du pont de la Confédération. À cet égard, Jürgen Krause prévient, «une fermeture prolongée pour cause de réparations provoquerait la faillite de nombreuses entreprises.»

Aux origines

Pendant un siècle, le gouvernement fédéral s’est contenté de maintenir à flot (à raison de 35 millions de dollars par an) le service de traversiers entre Borden-Carleton et Cap-Tourmentin, remettant sans cesse à plus tard la réalisation d’un pont.

Et puis, en 1985, surprise! C’est le secteur privé qui fait des propositions au gouvernement conservateur de Brian Mulroney. L’idée de construire une liaison permanente suscite alors la controverse.

L’organisme Friends of the Island, une coalition réunissant un syndicat (inquiet de la perte des 650 emplois liés au traversier), des pêcheurs et des écologistes, soutient que le pont mettrait en péril le «mode de vie insulaire».

D’un autre côté, le groupe Islanders for a Better Tomorrow, regroupant principalement des représentants des milieux d’affaires, fait valoir qu’un pont favoriserait le tourisme et permettrait d’exporter plus facilement les produits agricoles de la province.

Le 18 janvier 1988, les insulaires votent finalement à 59,5% en faveur de la construction. Et en 1992, Ottawa retient le projet de Strait Crossing Inc, une société de Calgary en Alberta.

Le pont est officiellement ouvert le 31 mai 1997. Une foule estimée à 75 000 personnes est présente pour avoir la chance de le traverser à pied.

 

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle
LA UNE : Le pont de la Confédération, construit en 1996, relie l’Île-du-Prince-Édouard au continent. – Archives
Par Marine Ernoult