Les homardiers madelinots ont profité de la rencontre du comité consultatif mercredi pour faire entendre haut et fort leur opposition face à l’interdiction de trempage des casiers imposée par Pêches et Océans Canada.
L’an dernier, Pêches et Océans a annoncé que les pêcheurs ne pourraient plus faire tremper leur casier dans les lagunes dès la saison 2025.
Cette pratique est pourtant très répandue dans l’archipel, où la majorité des homardiers utilisent encore des casiers de bois.
Le trempage des cages avant le début de la saison de pêche assure que celles-ci coulent rapidement lors de la mise à l’eau officielle.

De nombreux pêcheurs madelinots font tremper leurs casiers de bois dans les lagunes dans les jours qui précèdent la mise à l’eau. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
Toutefois, cette pratique a toujours été illégale, mais le ministère fédéral l’a toutefois tolérée dans les dernières décennies.
En vertu de la Loi sur les pêches, il est interdit de placer des engins de pêche dans l’eau ou sur la grève dans le seul but de les faire tremper, et ce, en tout temps
, peut-on lire dans l’avis aux pêcheurs diffusé en avril 2024 par Pêches et Océans Canada. Un casier sans filet et n’ayant pas la capacité de capturer et/ou de retenir du poisson n’est pas considéré comme un engin de pêche.
Le directeur régional Cédric Arseneau précise que, historiquement, les pêcheurs trempaient leurs casiers dans les havres de pêche. Au fil des décennies, ils ont graduellement étendu la pratique dans presque toutes les lagunes des Îles, des écosystèmes fréquentés par certaines espèces marines.

Pêches et Océans Canada a présenté ces photos devant le comité consultatif pour démontrer les prises accidentelles de harengs dans les casiers de homards en trempage. Photo : Pêches et Océans Canada
Dans les dernières années, la capture accidentelle de harengs dans les engins en trempage a toutefois incité le ministère à appliquer son règlement à la lettre.
Le ministère est arrivé à la conclusion que ça ne cadrait pas du tout avec nos orientations réglementaires et qu’il fallait qu’on revoit cette tolérance-là qui a été accordée avec les années.
Cette interdiction soulève la grogne des pêcheurs et a suscité plusieurs échanges mercredi.
Le Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCI) demande le statu quo jusqu’en 2026, le temps que plus de données sur les captures accidentelles dans les casiers en trempage soient collectées.
Ça fait 150 ans qu’on le fait et du jour au lendemain, les effectifs de Pêches et Océans Canada ont décidé qu’on ne pouvait plus en raison d’une photo d’un cinq gallons de harengs!
Le RPPCI suggère à Pêches et Océans Canada de mandater le Comité ZIP pour récolter davantage de données sur les zones fréquentées par le hareng.
Le président du RPPCI, Charles Poirier, estime que l’interdiction va engendrer des problèmes plus graves si les pêcheurs se tournent vers des sources d’eau douce.
Les pêcheurs vont aller partout dans les dunes où il y a des lacs, ça n’a pas de sens!
, croit-il. La fight va prendre dans les lacs, il va se creuser des bassins à des places où ça n’a pas d’allure. C’est plus néfaste que ce qu’on fait présentement. Il y a moyen de gérer ce privilège-là que vous nous avez laissé.

Charles Poirier est président du Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles. Il s’agit du plus important des trois regroupements de pêcheurs de homard de l’archipel, car il rassemble plus de 180 des 325 homardiers. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
Pêches et Océans Canada affirme que l’interdiction est maintenue pour l’instant, mais que les commentaires des pêcheurs seront analysés.
La décision finale sera annoncée par le ministère dans le prochain Plan de pêche axé sur la conservation (PPAC) attendu dans les prochaines semaines.
Préoccupations concernant les boîtes noires
Par ailleurs, l’obligation potentielle d’installer une boîte noire sur tous les homardiers madelinots dès 2026 a également fait l’objet de discussions parmi les pêcheurs membres du comité consultatif. Lors de la réunion du comité consultatif en 2024, le RPPCI avait soulevé l’importance de mieux surveiller la pêcherie face à des actes de braconnage de certains pêcheurs.
Selon Pêches et Océans Canada, les boîtes noires pourraient aider à pincer les pêcheurs contrevenants, notamment ceux qui lèvent leurs casiers deux fois par jour. Les données de ces boîtes permettraient de révéler les déplacements des bateaux et prouver plus facilement des gestes illégaux.
Bien qu’ils soient contre les doubles levées de casiers, certains pêcheurs membres du comité ont exprimé des inquiétudes sur la fiabilité de cette technologie et les coûts qu’ils auraient à assumer pour mettre en place le dispositif.
Les homardiers ont aussi plaidé pour que le ministère fédéral annonce rapidement si cette mesure sera obligatoire ou non en 2026, afin d’avoir le temps de s’y conformer.
Les pêcheurs de flétan madelinots sont déjà soumis à l’obligation d’avoir une boîte noire à bord de leur bateau.

Pêches et Océans tente de trouver des méthodes pour pincer les pêcheurs qui contreviennent à la réglementation. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
De plus, les pêcheurs membres du comité consultatif ont plaidé en faveur de la suspension permanente des permis de pêche lorsque des homardiers sont reconnus coupables d’infractions sérieuses en vertu de la Loi sur les pêches.
En janvier, un pêcheur de Havre-Aubert a dû payer 15 000 $ et son permis de pêche a été suspendu durant cinq jours pour avoir eu en sa possession 85 homards dont la longueur est inférieure à 83 mm.
Certains pêcheurs ont fait valoir qu’il s’agit carrément d’un geste de braconnage et que son permis aurait simplement dû être révoqué.
LA UNE: De nombreux pêcheurs madelinots font tremper leurs casiers de bois dans les lagunes dans les jours qui précèdent la mise à l’eau, bien que cette pratique soit illégale. (Photo d’archives)Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose